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$ d GENEVE, 14/10/2009
-Salutations
Je mappelle Lucie Detsi, je suis camerounaise, je suis venue en Europe pour poursuivre mes tudes et cela fait plus de quinze ans que je vie rgulirement en Italie. Je suis employe dans une organisation sociale et je moccuppe principalement des titres de sjour des immigrs. Je me retrouve ici aujourdhui grce lassociation nationale ACLI COLF en Italie, qui est une association professionnelle et sociale qui organise tout genre de travail domestique. Je reprsente donc aujourdhui lACLI COLF, qui a voulu vous faire part dune exprience de travail domestique en Italie et dans ce cas il sagit de mon exprience.
De 1994 1998 , afin de poursuivre mes tudes universitaires et afin de trouver des moyens de subsistance, je me suis retrouve au service de 4 familles diffrentes.
Dans la premire famille, javais comme tche exclusive garantir ma prsence nocturne, en rechange javais tout simplement le vivre et le couvert. Jtais hberge par une femme de 80 ans, qui malheureusement peu de temps aprs mon arrive, a commenc avoir de srieux problmes de sant. Nos relations dans la maison taient si intimes et familiales, que je ne pouvais mempcher de prendre soins delle et de moccuper toute seule des travaux de mnage. Je le faisais avec amour, car je la considrait comme ma grand-mre.
Cependant, malgr le fait que mon rle auprs de cette dame age stait drastiquement transform en travail dassistance, je continuais percevoir, comme unique recompense, toujours le vivre et le couvert. Il fallait pourtant que je paye mes tudes, mon transport et mon entretien personelle; cest la raison pour laquelle jai d travailler paralllement dans trois autres familles, dans lesqulles je faisais exclusivement le nettoyage. Jtais paye en nature et en espces. Je travaillais temps partiel (de 10 12h de travail par semaine) et je recevais immdiatement mon salaire. Je nai jamais demand tre embauche de faon rgulire, car je naccordais pas ce travail une certaine importance pour moi, il sagissait juste dun petit job.
Toutefois, aucune famille na non plus song me proposer une rgularisation pour les services que je prtais avec une frquence rgulire. Aucune famille ne sest donc reconnue ou na pas voulu se reconnatre comme un veritable employeur. Ce qui est curieux et trange cest lattitude adopte par toutes ces familles: elles se considraient comme un moyen de salut pour mon existence, car elles pensaient me sauver dune situation de pauvret. La dame de 80 ans justifiait cette attitude par le fait quelle moffrait un toit o dormir et manger gratuitement; les 3 autres familles parce quelles moffraient une bonne opportunit de gain.
Jentendais frquemment mon entourage murmurer sur le fait que javais vraiment de la chance davoir trouv une femme qui ma adopte comme sa propre fille, puisquelle mhbergeait et me nourrissait; et ctait par ailleurs grce elle que je travaillais dans les 3 autres familles.
En fin 1998, le gouvernement italien maccord une bourse dtudes, ce qui ma permis darrter de faire les travaux de mnage gauche et droite. Pour ne pas perdre cette bourse, je devais en effet soutenir un certain nombre dexamen par an. Cest ainsi que la dame qui mhbergeait a dcid de trouver une persone pour soccuper delle pendant la journe. Ce qui dimunua normment ma tche, mais je continuais toutefois prendre soins delle mon retour de luniversit. Celle qui me remplaait pendant la journe percevait un salaire de 500 euros par mois, mais son travail non plus ntait pas dclar. Quant moi je continuais comme toujours navoir que le vivre et le couvert.
Le dnominateur commun de toutes ces activits a donc t lillgalit, mais il sagissait dune illgalit vcue en toute navet et inconscience, soit de mon ct que du ct des familles. Je ne peut donc pas point le doigt contre ces familles comme uniques responsables de la situation. Jassume moi aussi une partie de mes responsabilits
Je me retrouve aujourdhui parfaitement insre dans le march du travail en qualit de conseillre sur les droits et les devoirs des immigrs en Italie, et je me rends compte que jai pass 4 ans de travail non declar dans les familles; ce qui veut dire 4 ans de non respect de mes droits, ce qui veut dire 4 ans de charges sociales perdues, et par consquent le prolongement de ma vie professionelle et limpossibilit de dmontrer et de rcuprer toutes ces annes de travail. Je noublie non plus la difficult que jai eu renouveller mon permis de sjour comme tudiante, car il fallait documenter mes propres moyens de subsistance.
Dans le pass, je naurais jamais parl sans honte de ces activits qui prsent ne figurent pas du tout dans mon cv, une preuve que quelque part jen suis encore un peu complexe, mais lemploi que jexerce aujourdhui ma permis douvrir mon esprit. Grce mon implication professionelle dans le rseau des services sociaux, touchant aux thmes de la scurit sociale, de limmigration et du travail domestique, jai pris conscience de la ralit des services dassistance dans les familles. Jai appris considrer ces activits comme un vritable emploi, un emploi qui permet bien sr de gagner son pain quotidien, mais qui apporte aussi un soutien indispensable aux familles.
Aujourdhui je suis donc consciente que le travail de domestique ou dassistance est une vritable profession.
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