Le Conseil des droits de l’homme entend une mise en garde contre une attaque mondiale généralisée, systématique et concertée contre les droits aux libertés de réunion pacifique et d’association
28 juin 2024
Il achève en outre sa journée de débat sur les droits fondamentaux des femmes
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, la deuxième partie de sa journée de débat sur les droits fondamentaux des femmes, avant d’engager avec la nouvelle Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Mme Gina Romero, un dialogue autour du rapport soumis par son prédécesseur, M. Clément Nyaletsossi Voule, et intitulé « Préserver les acquis et s'opposer à l'attaque globale contre l'espace civique et à la montée de l'autoritarisme ».
Présentant ce rapport, Mme Romero a mis en garde contre une attaque mondiale généralisée, systématique et concertée contre ces droits, marquée par la progression de l'autoritarisme, du populisme et des discours antidroits, tandis que les démocraties sont mises à l'index. La société civile, les militants et les mouvements sociaux – parmi lesquels des centaines de personnes ont été tuées ou contraintes à l’exil – sont confrontés à la violence, aux attaques, à la criminalisation et à la détention arbitraire, a-t-elle souligné.
Le rapport de M. Voule souligne la manière dont les gouvernements ont recours à des lois restrictives combinées à d'intenses campagnes de stigmatisation pour réduire au silence l'activisme civique. Bien que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association soient inscrits dans la Constitution de la plupart des pays, les gouvernements ont trouvé des moyens innovants pour écraser ces droits, observe-t-il. L’ancien Rapporteur spécial insiste sur les lois dites « lois sur les agents étrangers », qui sont utilisées par les États pour réprimer la dissidence et la participation publique.
De nombreuses mesures prises par les États pour restreindre la société civile et fermer l'espace civique le sont sous couvert de préserver la sécurité nationale et de lutter contre la criminalité, le terrorisme ou l'extrémisme violent. Or, ces mesures ont souvent l'effet inverse : elles ferment l'espace de participation, de dialogue et d'inclusion des groupes marginalisés, des victimes et des citoyens, qui ne peuvent plus exprimer leurs préoccupations et leurs demandes, ce qui a pour effet d’approfondir le ressentiment, de favoriser les conflits et renforce les régimes autoritaires qui menacent la paix et la sécurité mondiales.
Les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association ont toujours été au cœur des objectifs communs en matière de démocratie, de droits de l'homme, de justice climatique, de paix et de lutte contre la guerre, rappelle M. Voule dans son rapport.
Mme Romero a ensuite rendu compte des visites effectuées par M. Voule en 2023 au Pérou et en Algérie. Ces deux pays ont fait des déclarations en tant que pays concernés, avant que le Conseil n’engage le dialogue autour du rapport de M. Voule en entendant les déclarations de nombreuses délégations**.
Auparavant, le Conseil a achevé la deuxième partie de sa journée de débat sur les droits fondamentaux des femmes, qui était consacrée, cet après-midi, au thème: « L'économie des droits de l’homme et les droits humains des femmes ». Ce débat, auquel ont pris part de nombreuses délégations*, a compté avec les contributions des trois panélistes suivants : Mme Hyshyama Hamin, responsable de la Campagne mondiale pour l'égalité dans le droit de la famille menée par Equality Now ; Mme Emanuela Pozzan, Spécialiste principale des questions de genre à l’Organisation internationale du Travail (OIT) ; et Mme Savitri Bisnath, Directrice principale de la politique globale à l'Institut sur les questions de race, de pouvoir et d'économie politique de The New School.
Dans une déclaration liminaire à l’ouverture du débat, Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a déploré que les cadres juridiques et politiques économiques actuels entravent la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes. Même lorsque les lois accordent aux femmes les mêmes droits économiques qu'aux hommes, elles ne sont souvent pas appliquées, a-t-elle souligné. En outre, a-t-elle constaté, le travail de soins et d'assistance n'est pas reconnue à sa juste valeur, malgré son rôle essentiel dans le fonctionnement des sociétés et des économies. Mme Al-Nashif a plaidé pour une réforme des systèmes économiques afin qu'ils garantissent les droits des femmes et l'égalité des sexes, de même que pour « une économie des droits de l'homme », qui implique la participation égale et réelle des femmes et des filles à la prise de décision et qui donne la priorité aux investissements dans les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement.
En fin de séance, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Azerbaïdjan, Indonésie, Israël et Arménie.
Lundi matin, à 10 heures, le Conseil tiendra sa table ronde quadriennale sur la promotion des droits de l’homme à travers le sport et l’idéal olympique, avant de poursuivre, avec la nouvelle Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, son dialogue autour du rapport de M. Voule.
Journée de débat sur les droits fondamentaux des femmes, deuxième partie
La deuxième partie de la journée de débat a été ouverte par MME MARCELA MARIA ARIAS MONCADA, Vice-Présidente du Conseil des droits de l’homme, qui a indiqué qu’elle porterait cet après-midi sur le thème: « L'économie des droits de l’homme et les droits humains des femmes ».
Déclaration liminaire
MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme, a d’emblée déploré que les cadres juridiques et politiques économiques actuels entravent la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes. Même lorsque les lois accordent aux femmes les mêmes droits économiques qu'aux hommes, elles ne sont souvent pas appliquées, a-t-elle souligné. Globalement, selon les lois existantes, les femmes devraient jouir d'environ 64% des droits économiques des hommes : or, en moyenne, les pays ont mis en place moins de 40% des systèmes nécessaires à la pleine application de ces droits économiques, a précisé la Haute-Commissaire adjointe.
De plus, les femmes et les filles sont toujours perçues comme les principaux dispensateurs de soins ; pourtant, le travail de soins et d'assistance n'est pas reconnue à sa juste valeur, malgré son rôle essentiel dans le fonctionnement des sociétés et des économies, a constaté la Haute-Commissaire adjointe.
Quant aux systèmes économiques mondiaux, ils empêchent eux aussi les femmes de réaliser pleinement leurs droits, a poursuivi Mme Al-Nashif. Les niveaux insoutenables de la dette publique mondiale, combinés aux conditionnalités de l'aide financière étrangère, limitent la marge de manœuvre budgétaire des États et conduisent à des coupes sombres dans les services publics. Les femmes seront confrontées de manière disproportionnée à ces réductions, car elles sont surreprésentées dans la main-d'œuvre des services publics et en tant qu'utilisatrices, a expliqué la Haute-Commissaire adjointe.
Mme Al-Nashif a plaidé pour une réforme des systèmes économiques afin qu'ils garantissent les droits des femmes et l'égalité des sexes, de même que pour « une économie des droits de l'homme », qui implique la participation égale et réelle des femmes et des filles à la prise de décision et qui donne la priorité aux investissements dans les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement.
Exposés des panélistes
MME HYSHYAMA HAMIN, responsable de la Campagne mondiale pour l'égalité dans le droit de la famille menée par Equality Now, a fait observer que l'inégalité entre les sexes commençait souvent au sein de la famille, les femmes et les filles étant affectées par des lois et des pratiques familiales discriminatoires qui entraînent des répercussions multiples et croisées dans tous les autres domaines de leur vie. Mme Hamin a donc recommandé que les États fassent en sorte que leurs lois et pratiques relatives à la famille soient conformes à l'article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (article relatif à l’élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux), de même qu’aux principaux traités relatifs aux droits de l'homme – la levée des réserves à l'article 16 devant être une priorité.
Mme Hamin a par ailleurs insisté sur le fait que le droit de la famille devait s’appliquer à tous les citoyens, indépendamment des traditions, de l'appartenance ethnique ou des croyances religieuses, et qu’il devait garantir, entre autres, l’interdiction du mariage des enfants et le droit pour la femme d'exercer un emploi rémunéré et de garder le contrôle sur ses biens. La lutte contre la discrimination dans le droit de la famille, a fait remarquer Mme Hamin, est un moyen de contribuer à l'élimination de la pauvreté dans de nombreux pays où l'absence de droits économiques et de sécurité des femmes est intrinsèquement liée à l'inégalité du droit de la famille et des pratiques familiales.
MME EMANUELA POZZAN, Spécialiste principale des questions de genre à l’Organisation internationale du Travail (OIT), a mentionné l’adoption très récente par l’Assemblée mondiale du Travail d’une résolution portant sur le travail décent et l'économie des soins, qui affirme que le travail de soins est fondamental pour le bien-être humain, social, économique et environnemental, ainsi que pour le développement durable. La communauté internationale dispose ainsi, pour la première fois, d’une définition commune de l'économie des soins, reconnaissant qu'une économie des soins solide et fonctionnant bien est essentielle pour renforcer la résilience face aux crises et pour parvenir à l'égalité des sexes.
Mme Pozzan a souligné que l'organisation sociale actuelle des soins faisait peser sur les femmes une part disproportionnée du travail de soins non rémunéré, ce qui freine l'inclusion économique des femmes et leur participation effective au marché du travail, tout en privant nombre d’entre elles de l’accès à la sécurité sociale. Or, le travail de soins – qui représente 16 milliards d'heures par jour, soit 3,2 fois plus que les hommes –, très féminisé, n'est pas reconnu ni valorisé, a fait observer Mme Pozzan. Elle a par ailleurs insisté sur les lacunes qui existent dans les politiques relatives à la maternité, à la paternité, à la prise en charge des enfants, et a attiré l’attention sur les problèmes rencontrés par les femmes actives dans le secteur du travail informel.
MME SAVITRI BISNATH, Directrice principale de la politique globale à l'Institut sur les questions de race, de pouvoir et d'économie politique de The New School, a relevé que le modèle économique actuel ne parvenait pas à assurer la prospérité économique de tous. Il est ainsi de notoriété publique que les femmes sont souvent moins bien payées que les hommes pour le même travail et qu'au sein d'un même pays, les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur la race et l'âge, entre autres, a relevé la panéliste. Elle a d’autre part constaté que la privatisation par les États des services publics, en particulier pour ce qui est de la santé et de l'éducation, entraînait des conséquences directes pour nombre de femmes engagées dans les soins et l'assistance.
Dans ce contexte, les politiques économiques doivent être alignées sur les droits de l'homme et les objectifs de justice environnementale, a recommandé Mme Bisnath, plaidant pour des politiques, décisions et actions macroéconomiques qui renforcent les droits humains. En outre, a-t-elle ajouté, une économie fondée sur les principes et les normes des droits de l'homme faciliterait la transparence et la responsabilité, et permettrait de renforcer l’inclusion sociale.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations se sont félicitées de l’organisation de ce débat sur l'impact des systèmes économiques sur les droits fondamentaux des femmes. Plusieurs d’entre elles ont dénoncé la réaction mondiale actuelle contre l'égalité des sexes. L'égalité entre les femmes et les hommes est le fondement du système international des droits de l'homme, a-t-il été affirmé.
Les systèmes macroéconomiques actuels comportent encore des obstacles structurels qui empêchent la réalisation de l'égalité des sexes et la pleine jouissance de tous les droits humains pour toutes les femmes et les filles, a-t-il été constaté.
Plusieurs intervenants ont regretté l’augmentation des inégalités qui touche de manière disproportionnée les femmes, en particulier celles qui sont confrontées à des formes multiples et croisées de discrimination. Les femmes du monde entier sont encore confrontées à de nombreux obstacles à leur engagement dans l'économie ; ces obstacles réduisent leur employabilité, restreignent les options qui s'offrent à elles et limitent la probabilité d'utiliser leur plein potentiel, a-t-il été constaté. Par conséquent, investir dans les femmes est à la fois un impératif économique et une question de droits humains, a-t-il été souligné.
Les femmes doivent faire réaliser leurs droits économiques, ont insisté plusieurs délégations. Cela signifie avoir accès à un logement adéquat, à l'éducation, aux soins de santé, au financement, aux droits fonciers et à un travail décent, mais aussi vivre à l'abri de la violence, ont souligné plusieurs intervenants. Les femmes doivent recevoir des salaires décents égaux à ceux des hommes, bénéficier d'une protection sociale telle qu'un congé de maternité payé ; et le fardeau du travail domestique non rémunéré qui incombe aux femmes doit être réduit, a-t-on plaidé.
« Une économie des droits de l'homme place l'économie au service des êtres humains et non l'inverse », a souligné un intervenant. Une économie fondée sur les droits de l'homme consiste à prendre des mesures pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe et réduire les inégalités entre les sexes en adoptant une approche fondée sur les droits de l'homme, a-t-il été précisé.
Il est essentiel d'assurer la pleine participation des femmes à l'économie si l'on veut réaliser les idéaux d'égalité, de prospérité partagée et de croissance inclusive, a insisté une délégation.
Les États ont été invités à lever les obstacles structurels et autres obstacles à l'égalité, à la justice et à une croissance durable et égalitaire entre les hommes et les femmes, pour tous.
Le renforcement économique des femmes n'est pas seulement un moyen de favoriser la croissance économique ; c’est également un moyen de faire progresser les droits humains des femmes, a souligné une délégation. « Lorsque nous investissons dans les femmes et travaillons à éliminer les inégalités, la pauvreté peut être éliminée et le pays tout entier peut également améliorer sa position sur le marché mondial », a-t-il été affirmé.
Une délégation a par ailleurs déclaré que la famille, dans sa forme originelle et traditionnelle, peut bien fonctionner non seulement pour promouvoir la santé physique et mentale de ses membres, protéger leurs droits et leur offrir des soins et une éducation, mais aussi pour améliorer la vie économique des membres de la famille, en particulier des femmes.
*Liste des intervenants : Espagne, Iran, Qatar (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Union européenne, Luxembourg (au nom d’un groupe de pays), Islande (au nom d’un groupe de pays), Chili (au nom d’un groupe de pays), Venezuela, Équateur, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Honduras, Chine, Arabie saoudite, Égypte, Malaisie, Viet Nam, Sénégal, Zimbabwe, Afghanistan, France, Qatar, Costa Rica, Canada, Émirats arabes unis, Bélarus, Bulgarie, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ; Make Mothers Matter; Action Canada pour la population et le développement; Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII; Interfaith International; Plan International, Inc.; Fédération internationale pour la planification familiale, IDLO, Alsalam Foundation; Geledés - Instituto da Mulher Negra; Rajasthan Samgrah Kalyan Sansthan; Campaign Manager of the Global Campaign for Equality in Family Law; et Senior Gender Specialist at the International Labour Organization.
Réponses et remarques de conclusion des panélistes
MME HAMIN a fait observer que l’architecture financière mondiale met beaucoup de barrières dans les pays du Sud et empêche les gouvernements de ces pays d’accorder la priorité à l’éducation ou à la santé, ce qui touche de manière disproportionné les femmes. Il faut prendre des mesures pour permettre l’accès des femmes à l’emploi en mettant fin aux restrictions au sein des familles et des communautés, a-t-elle poursuivi. La communauté internationale doit considérer que l’égalité dans le droit de la famille est une question prioritaire, a-t-elle insisté, plaidant pour une réforme du droit de la famille partout dans le monde. Les femmes doivent être autonomes avant et pendant le mariage mais aussi après le divorce, a-t-elle ajouté.
MME POZZAN a déclaré que pour mettre en œuvre une stratégie cohérente afin de lutter contre les inégalités, il faut notamment pouvoir mesurer le travail non rémunéré. Les femmes sont moins bien payées dans le domaine de la santé, a-t-elle en outre dénoncé, regrettant que lorsqu’un secteur est très féminisé, la tendance est de baisser les salaires. Il faut faire davantage dans le domaine de la transparence en matière de salaires, a d’autre part plaidé Mme Pozzan. Les travailleurs de la santé doivent être mieux représentés aux tables de négociation afin qu’ils puissent améliorer leurs conditions de travail, a-t-elle ajouté. Il est aussi nécessaire que les femmes soient davantage représentées aux postes à responsabilités, a-t-elle également souligné.
Dialogue autour du dernier rapport du précédent Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association
Le Conseil est saisi du rapport du précédent Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, M. Clément Nyaletsossi Voule, intitulé « Préserver les acquis et s'opposer à l'attaque globale contre l'espace civique et à la montée de l'autoritarisme » (A/HRC/56/50 à paraître en français), ainsi que de deux rapports traitant des visites effectuées par M. Voule au Pérou et en Algérie (respectivement A/HRC/56/50/Add.1 et Add.2).
Présentation
Présentant le rapport thématique de M. Voule, MME GINA ROMERO, nouvelle Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, a mis en garde contre une attaque mondiale généralisée, systématique et concertée contre ces droits, marquée par la progression de l'autoritarisme, du populisme et des discours antidroits, tandis que les démocraties sont mises à l'index. La société civile, les militants et les mouvements sociaux – parmi lesquels des centaines de personnes ont été tuées ou contraintes à l’exil – sont confrontés à la violence, aux attaques, à la criminalisation et à la détention arbitraire, a-t-elle souligné.
Le rapport de M. Voule souligne la manière dont les gouvernements ont recours à des lois restrictives combinées à d'intenses campagnes de stigmatisation pour réduire au silence l'activisme civique. Bien que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association soient inscrits dans la Constitution de la plupart des pays, les gouvernements ont trouvé des moyens innovants pour écraser ces droits, observe-t-il. L’ancien Rapporteur spécial insiste sur les lois dites « lois sur les agents étrangers », qui sont utilisées par les États pour réprimer la dissidence et la participation publique. Il souligne également que les conflits armés, la crise environnementale, les processus électoraux défectueux et l'absence de réglementation des technologies numériques ont un impact considérable sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association.
De nombreuses mesures prises par les États pour restreindre la société civile et fermer l'espace civique le sont sous couvert de préserver la sécurité nationale et de lutter contre la criminalité, le terrorisme ou l'extrémisme violent. Or, ces mesures ont souvent l'effet inverse : elles ferment l'espace de participation, de dialogue et d'inclusion des groupes marginalisés, des victimes et des citoyens, qui ne peuvent plus exprimer leurs préoccupations et leurs demandes, ce qui a pour effet d’approfondir le ressentiment, de favoriser les conflits et renforce les régimes autoritaires qui menacent la paix et la sécurité mondiales.
Les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association ont toujours été au cœur des objectifs communs en matière de démocratie, de droits de l'homme, de justice climatique, de paix et de lutte contre la guerre, rappelle M. Voule dans son rapport.
L’ancien Rapporteur spécial recommande notamment aux États et aux autres acteurs concernés de contrer la stigmatisation et les récits hostiles, d’appliquer leurs obligations internationales en matière de droits à la liberté de réunion et d'association pacifiques, et de veiller à ce que la technologie ne soit pas utilisée pour supprimer ou réprimer les libertés. Enfin, le rapport demande qu’il soit mis fin à l'impunité de même qu’au cycle de répression à l'encontre de la société civile et des manifestants.
Concernant sa visite effectuée en Algérie en 2023, M. Voule relève, dans son rapport, plusieurs initiatives positives prises par le Gouvernement algérien, notamment les protections des droits de l'homme prévues dans la Constitution de 2020 et la facilitation de la visite du mandat [c’est-à-dire du Rapporteur spécial] dans le pays. Toutefois, le rapport exprime des préoccupations concernant la répression et l'intimidation des individus et des associations qui critiquent le Gouvernement et l'utilisation de lois et de pratiques inconstitutionnelles pour restreindre l'exercice des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association.
S’agissant de sa visite au Pérou, effectuée également en 2023, l’ancien Rapporteur spécial exprime des préoccupations concernant les allégations de recours excessif et aveugle à la force, d'exécutions extrajudiciaires et de détentions arbitraires dans le contexte des manifestations qui ont commencé en décembre 2022 et qui étaient pour la plupart pacifiques. Le rapport souligne la nécessité de s'attaquer aux causes profondes des manifestations, et surtout la stigmatisation, la discrimination et la marginalisation persistantes des communautés autochtones et rurales dans les sphères sociale, politique et économique.
Enfin, Mme Romero a rendu hommage à tous les jeunes qui manifestent en ce moment pour la fin du conflit à Gaza.
Pays concernés
L’Algérie a tenu à assurer que la liberté d'association était pleinement exercée dans le pays, en conformité avec la loi et les normes internationales. Les restrictions mentionnées dans le rapport sont nécessaires pour prévenir le financement du terrorisme et garantir l'autonomie des associations, a affirmé la délégation algérienne. De plus, la participation de la société civile dans la lutte contre la corruption est encouragée sans discrimination, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne les réunions et les manifestations publiques, la législation algérienne définit clairement les conditions pour leur tenue en respectant l'ordre public, a poursuivi la délégation. Lorsque des citoyens, sous prétexte d’exercice de leur liberté, se mettent dans une logique de trouble à l’ordre public, il est tout à fait normal qu’ils fassent l’objet de poursuites devant les juridictions compétentes, a insisté la délégation. Elle a assuré que ces juridictions demeuraient accessibles à tous les justiciables et étaient pourvues de toutes les garanties d’indépendance, d’impartialité et de respect des droits de la défense.
Le Pérou a rappelé que la visite du Rapporteur spécial était intervenue dans le cadre d’une invitation lancée aux procédures spéciales après les manifestations sociales liées aux événements survenus le 7 décembre 2022.
La délégation péruvienne a indiqué que la Constitution politique du Pérou reconnaît comme droits fondamentaux des individus le droit de se réunir pacifiquement sans armes, ainsi que de s'associer et de créer des fondations et diverses formes d'organisations juridiques à but non lucratif. Il est important de noter que l'exercice de ces droits ne doit pas être confondu avec des actions criminelles et des violences qui violent la coexistence sociale et les droits des individus, a-t-elle déclaré.
En outre, l'État péruvien considère que certaines déclarations incluses dans le rapport [de visite du Rapporteur spécial] sont hors contexte et loin de la réalité s’agissant de la situation des droits de l'homme au Pérou. Il existe des faits objectivement vérifiables qui démontrent la volonté politique de l'État et du Gouvernement de clarifier les faits, a déclaré la délégation. Elle a réaffirmé l'engagement des autorités péruviennes à respecter et à promouvoir les droits de l'homme dans le pays, ainsi qu'en faveur du développement du dialogue social comme seul moyen de résoudre la crise politique et de répondre aux demandes sociales.
Aperçu du dialogue
De nombreuses délégations ont salué le rôle du mandat dans le soutien aux droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association. Ces libertés sont au cœur même des valeurs partagées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, a-t-il été souligné. C'est un fondement essentiel des sociétés démocratiques et inclusives, permettant aux individus de s'exprimer collectivement, de participer aux affaires publiques et d'influencer les décisions qui affectent leur vie, a insisté un intervenant.
Certaines délégations se sont jointes à l’appel en faveur d'une action mondiale pour répondre à l'attaque mondiale contre l'espace civique et repousser les menaces qui pèsent sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association.
Plusieurs intervenants ont exprimé leurs préoccupations face à la tendance, que relève le rapport, à dépeindre négativement les manifestations pacifiques comme une menace et à qualifier la société civile et les manifestants d'« extrémistes », de « terroristes » ou d'entités corrompues « promouvant des programmes étrangers ». De telles caractérisations sont utilisées pour justifier l'érosion des espaces sûrs pour le discours et la dissidence, sapant ainsi la protection des droits et libertés pour tous, a dénoncé une délégation. Nombre d’intervenants ont dénoncé la criminalisation des manifestants et l'utilisation abusive des réglementations antiterroristes, anti-blanchiment d'argent et antidrogue. D’aucuns ont fait part de leurs préoccupations s’agissant de la montée des obstructions et des répressions visant à limiter, contrôler ou fermer les espaces de dissidence.
Une société civile indépendante, diversifiée et dynamique joue un rôle crucial dans l'édification et le maintien d'une démocratie saine, a-t-il été rappelé. Plusieurs délégations se sont inquiétées de la situation des défenseurs des droits de l’homme partout dans le monde. Les défenseurs des droits de l'homme sont des leaders du changement positif, a affirmé un intervenant. Grâce à leurs plaidoyers et à leurs engagements pacifiques persistants, les défenseurs des droits humains ont fait la lumière sur les violations des droits humains, amplifié la voix des personnes en situation vulnérable et favorisé une plus grande responsabilité et transparence dans le monde entier, a fait valoir un groupe de pays.
Dans ce contexte, des appels ont été lancés à l’ensemble de la communauté internationale pour créer un environnement favorable aux défenseurs des droits de l'homme qui garantisse le respect des libertés de réunion pacifique, d'association, d'opinion et d'expression, essentielles pour susciter un changement positif.
Plusieurs délégations ont affirmé que la liberté de réunion pacifique, tout en étant un droit fondamental reconnu dans de nombreux instruments internationaux, doit être bien encadrée pour ne pas ouvrir la voie à l’anarchie et pour maintenir un climat de paix et de stabilité.
Certains intervenants ont dénoncé les restrictions au droit de manifester pacifiquement visant les personnes qui soutiennent la cause palestinienne et qui critiquent la « puissance occupante ». Ont également été dénoncées les violences policières à l’encontre de manifestants pacifiques dans des pays occidentaux.
**Liste des intervenants : Tchéquie (au nom d’un groupe de pays), Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Canada (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), États-Unis (au nom d’un groupe de pays), Belgique (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, Irlande, Costa Rica, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Iran, Égypte, Arménie, Maldives, Iraq, États-Unis, Colombie, Fédération de Russie, Malaisie, Lesotho, Géorgie, Chine, Tunisie, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Saint-Siège, Togo, Cameroun, Cuba, et Paraguay.
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