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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme
06 mars 2015
6 mars 2015
Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi une réunion-débat sur la façon dont les changements climatiques pèsent sur les efforts faits par les États pour réaliser le droit à l'alimentation.
Dans un message vidéo, la Rapporteuse spéciale le droit à l'alimentation, Mme Hilal Elver, a constaté que l'agriculture moderne n'était pas durable et qu'un changement radical de société devra donc intervenir ces prochaines décennies, estimant qu'un certain espoir était permis à cet égard.
Le Premier ministre de Tuvalu, M. Enele Sosene Sopoaga, a présenté un exposé, suivi des autres panélistes de ce débat: M. Zenen Renan Dalisay, Administrateur de l'Autorité nationale de l'alimentation des Philippines; Mme Xiangjun Yao, directrice du bureau de Genève de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO); M. Olav Fykse Tveit, Secrétaire général du Conseil mondial des églises; Mme Elizabeth Mpofu, coordinatrice générale de La Via Campesina; et Mme Ana-Maria Suárez Franco, de Pour le droit à se nourrir (FIAN). La réunion était animée par M. John Knox, Expert indépendant sur les droits de l'homme et l'environnement.
Le Premier ministre de Tuvalu a jugé indispensable de faire en sorte que les mesures prises pour parer au réchauffement climatique permettent aux populations touchées de préserver leurs modes de vie. Il a proposé au Conseil d'envisager de créer un mécanisme faisant le lien entre le réchauffement climatique et les droits de l'homme. Le Conseil pourrait convoquer une séance extraordinaire consacrée à la recherche de synergies dans ce domaine, a-t-il suggéré.
L'Administrateur de l'Autorité nationale de l'alimentation des Philippines a expliqué que, pour les pays comme le sien, il était important à la fois de comprendre le problème, de trouver des solutions et les mettre en œuvre, et de rechercher enfin des champs communs de coopération. La représentante de la FAO a indiqué qu'il faudrait une augmentation de la production de 60% pour nourrir les 9 milliards de la population mondiale de 2050; face à l'impact des changements climatiques, c'est un défi difficile mais pas impossible à relever. Le Secrétaire général du Conseil mondial des églises a constaté que lorsque ce sont les personnes qui sont les moins responsables qui sont les plus touchés, le problème devient une question de justice qui doit donc être abordée au niveau de l'humanité dans son ensemble. La représentante de La Via Campesina a dénoncé l'appropriation des terres, la surexploitation ou l'usage de produits émetteurs de gaz à effet de serre, alors que la représentante de FIAN International a réclamé une reconnaissance internationale des droits des petits paysans, qui doivent disposer de moyens de recours.
Les représentants d'États insulaires particulièrement menacés ont souligné le problème de la salinisation de l'eau et des sols, qui a des effets négatifs tant sur la pêche que sur la production agricole. Pour nombre de délégations, les pays développés doivent faire preuve de solidarité en matière d'aide et d'assistance financière en vue de remédier aux difficultés constatées. S'agissant de la Conférence des États parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Paris à la fin de l'année, plusieurs délégations ont souligné la nécessité de décider de mesures contraignantes et de prendre en compte la dimension de la coopération technique.
Les délégations1 de plusieurs pays et organisations non gouvernementales ont participé aux échanges.
En début de séance, le Président du Conseil des droits de l'homme a annoncé que le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne serait pas en mesure de présenter son rapport pendant la présente session, comme il devait le faire mardi prochain.
À sa prochaine séance, lundi matin à 9 heures, le Conseil examinera des rapports sur les droits de l’homme et l’environnement et sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales sur les droits de l'homme. Le Conseil doit également entendre une communication de la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme à l'occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée le dimanche 8 mars.
Les changements climatiques et les efforts pour réaliser le droit à l'alimentation
Déclarations liminaires
Dans un message vidéo, MME HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation, a déclaré que le lien entre la sécurité alimentaire et les droits de l'homme était compliqué. Tout d'abord, l'agriculture moderne n'est pas durable: les systèmes alimentaires reposant sur l'utilisation intensive de produits chimiques et de combustible fossiles ont un impact très négatif sur les ressources naturelles tout en produisant 40% des émissions de gaz à effet de serre. D'autre part, si l'agriculture moderne produit plus de nourriture qu'il n'est besoin, près d'un milliard de personnes souffrent chroniquement de la faim, un autre milliard étant atteint de malnutrition. En troisième lieu, les mesures de mitigation des effets du changement climatique et les politiques d'adaptation ne respectent pas les droits de l'homme: par exemple, le recours aux biocarburants ou encore l'initiative REDD+ de protection des forêts limitent les surfaces agricoles consacrées à la production alimentaire. En d'autres termes, les carburants propres destinés aux voitures occidentales réduisent la quantité de denrées alimentaires disponibles en Afrique et dans le sud de l'Asie.
La raison de ces problèmes tient au fait que, jusque très récemment, les politiques contre le changement climatique n'étaient axées ni sur la sécurité alimentaire, ni sur les politiques agricoles, ni sur les principes des droits de l'homme. Un changement radical de société devra donc intervenir ces prochaines décennies. La dernière réunion préparatoire de la Conférence des parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) permet de dire que l'espoir est permis, a souligné Mme Elver: profitant de «l'esprit de Genève», le Costa Rica et dix-huit autres pays ont proposé aux États parties de prendre des engagements au titre des droits de l'homme et de l'action contre le réchauffement climatique.
M. JOHN KNOX, Expert indépendant sur la question des obligations relatives aux droits de l'homme se rapportant aux moyens de bénéficier d'un environnement sûr, propre, sain et durable, animateur du débat, a constaté que l'idée selon laquelle le changement climatique menace la jouissance de toute une série de droits de l'homme était maintenant acceptée. Il faut donc mettre l'accent sur la manière de garantir des droits spécifiques. Le droit à l'alimentation est le plus touché par le problème du réchauffement climatique, de par ses effets sur l'agriculture. Les pays doivent donc intégrer cette réalité à leurs négociations sur le changement climatique.
Exposés des panélistes
M. ENELE SOSENE SOPOAGA, Premier Ministre de Tuvalu, a jugé indispensable de faire en sorte que les mesures prises pour parer au réchauffement climatique permettent aux personnes concernées de préserver leurs modes de vie, conformément au principe de souveraineté des États, et de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Tuvalu demande que la conférence de Paris adopte un instrument juridique contraignant pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et prévoie des mesures de compensation pour les violations des droits de l'homme induites par le réchauffement climatique. M. Sopoaga a proposé au Conseil d'envisager de créer un mécanisme faisant le lien entre le réchauffement climatique et les droits de l'homme. Le Conseil pourrait convoquer une séance extraordinaire consacrée à la recherche de synergies dans ce domaine, a-t-il suggéré.
M. RENAN B. DALISAY, Administrateur de la National Food Authority des Philippines, a évoqué les ravages provoqués le 8 novembre 2013 par le super typhon Haiyan - appelé «Yolanda» localement - qui a affecté pas moins de 14,5 millions de personnes dans six régions du pays. «Le changement climatique tue, le changement climatique détruit, le changement climatique affecte nos droits humains», a-t-il déclaré. Entre 2009 et 2014, l'agriculture de l'archipel a subi sept typhons majeurs qui ont fait pour plus de 160 milliards de pesos philippins de dégâts (près de 3,64 milliards de dollars des États-Unis). Pour les Philippines, il convient premièrement de comprendre le problème ; deuxièmement, de trouver des solutions et de les mettre en œuvre ; troisièmement, de rechercher des champs communs de coopération. Plus d'une année après le passage de Yolanda, la reconstruction n'est pas achevée, a-t-il dit. Dans le cadre d'une visite officielle aux Philippines la semaine dernière, le Président français François Hollande, s'est rendu dans certaines des zones dévastées en 2013 et pu constater le niveau de destruction, plaidant avec passion en faveur de la responsabilité environnementale. M. Hollande a signé avec son homologue Benigno Aquino l'Appel à l'action de Manille sur le changement climatique, qui vise à «engager la communauté internationale, toutes les parties concernées et l'opinion mondiale sur l'urgence de s'attaquer sérieusement au changement climatique, de manière efficace et équitable afin de préserver notre planète en tant que lieu vivable pour les générations futures».
MME XIANGJUN YAO, Directrice du bureau de liaison à Genève de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a rappelé que l'on estime à 800 millions le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde et à 2 milliards celles qui sont atteintes de diverses formes de malnutrition. Selon d'autres chiffres, il faudrait une augmentation de la production de 60% pour nourrir les 9 milliards de personnes que le monde comptera en 2050. Or, si l'on regarde les divers impacts des changements climatiques, le défi deviendra difficile à relever. Pourtant, en dépit de ces difficultés, quelques leçons ont été apprises et des pratiques innovantes ont été développées et mises en œuvre ces dernières années. Elles pourraient permettre de relever ces défis, a estimé Mme Yao. Toutefois, ces solutions demandent une approche intégrée, basées sur les droits de l'homme. De nouvelles approches sont prometteuses, notamment les méthodes d'agriculture qui tiennent compte des changements du climat et limitent l'émission des gaz, a encore déclaré Mme Yao. Pour elle, les défis qui pèsent sur le droit à l'alimentation dans le cadre des changements climatiques ne peuvent être ignorés. Il faut donc que les engagements qui seront pris à Paris prennent en compte ces questions, ainsi que les solutions disponibles. Ce n'est qu'ainsi, et en plaçant les personnes vulnérables au centre des préoccupations que l'on trouvera les solutions à ces problèmes, a-t-elle conclu.
M. OLAV FYKSE TEVEIT, Secrétaire général du Conseil mondial des églises, a déclaré que, du fait que nous vivions tous ensemble sur cette planète, la question des changements climatiques doit être abordée sous l'angle des droits de l'homme. Du point de vue de la perception chrétienne, comparable à d'autres croyances, ce sont des questions de justice, mais aussi de foi en le Créateur. Lorsque les personnes qui sont les moins responsables sont les plus affectées, c'est une question de justice qu'il s'agit de rétablir. Elle doit donc être abordée au niveau de toute l'humanité, a encore dit M. Teveit. Pour lui, c'est aussi un combat spirituel, car il s'agit de montrer que l'on défend et que l'on protège ceux qui sont touchés par les changements climatiques. Il faut donc se battre pour «un droit à l'espoir», a-t-il conclu.
MME ELIZABETH MPOFU, Coordinatrice générale de Via Campesina, a regretté que le temps de parole soit limité à cinq minutes pour chaque panéliste, pour un sujet aussi sérieux. Elle a indiqué représenter plus de 200 millions de personnes à travers le monde. Elle est elle-même agricultrice au Zimbabwe et, dans ce cadre, elle a pu se rendre compte des conséquences sur les droits de l'homme des changements climatiques. Elle se rend également compte du rôle des grandes entreprises agraires et de leurs méthodes d'appropriation et de surexploitation des terres, ainsi que leur utilisation de produits émetteurs de gaz à effet de serre. Par ailleurs, les pays développés ont imposé des conditions défavorables aux pays en développement, notamment en imposant des normes ou encore dans le cadre du commerce des produits agricoles. Par ailleurs, les appropriations de terres pour la production des agrocarburants destinés aux pays développés constituent aussi une atteinte aux droits de l'homme. Ainsi, des milliers de paysans sont expropriés de leurs terres, afin de faire produire à celles-ci les carburants qui remplaceront les énergies fossiles. Sommes-nous bien dans le domaine des droits de l'homme, s'est demandé Mme Mpofu.
MME ANA MARÍA SUÁREZ FRANCO, de Pour le droit à se nourrir (FIAN) a déclaré que les premières personnes touchées par les changements climatiques sont les petits producteurs, qui pourtant ne sont en rien responsables du réchauffement climatique et apportent à l'humanité de quoi se nourrir. Il faut selon elle appliquer le principe de responsabilité extraterritoriale en matière de droits de l'homme, sans toutefois oublier les responsabilités nationales. Il faut donc une reconnaissance internationale des droits des petits paysans, a-t-elle ajouté. Mme Suárez Franco a aussi déclaré que la production d'agrocarburants avait bien des effets négatifs sur les droits de l'homme. En conséquence, les États doivent adopter des mesures pour atténuer ces effets. Il faut également que ces petits producteurs disposent de voies et moyens de recours lorsque leurs droits sont violés, notamment leur droit à l'alimentation. Food First soutient enfin la proposition de création d'un mandat de Rapporteur spécial sur les effets pour les droits de l'homme des changements climatiques.
Débat
De nombreux pays ont, à l'instar de l'Égypte, demandé que les pays qui sont historiquement responsables du réchauffement assument les responsabilités qui en découlent. Le Soudan a insisté, lui aussi, sur la responsabilité des pays développés dans le réchauffement climatique, les appelant à assumer leurs responsabilités historiques à cet égard. Le Soudan a souligné que l'un des effets du changement climatique est d'exacerber la lutte pour l'appropriation de ressources raréfiées.
Plusieurs délégations ont insisté sur la nécessaire complémentarité de l'action des instances chargées des droits de l'homme et de la lutte contre le réchauffement climatique. L'Union européenne s'est ainsi félicitée du travail des procédures spéciales du Conseil sur le droit à l'alimentation et sur l'environnement, dont elle juge l'action complémentaire indispensable pour remédier aux effets du changement climatique sur la jouissance du droit à l'alimentation. Pour l'Égypte, cependant, il importe de ne pas mélanger les mécanismes relatifs au changement climatique et aux droits de l'homme: la question du changement climatique doit en particulier être préservée de toute politisation.
L'Union européenne a insisté en outre sur la nécessité de tenir pleinement compte, dans les efforts pour garantir le droit à l'alimentation, des droits et besoins spécifiques des femmes. À cet égard, l'Irlande a déclaré avoir financé la Fondation Mary Robinson pour favoriser la participation des femmes aux initiatives relatives à la lutte contre les effets du réchauffement climatique.
Des délégations ont décrit les difficultés concrètes auxquelles le changement climatique les expose s'agissant du droit à l'alimentation. Les Maldives, qui importent l'intégralité de leurs denrées alimentaires à l'exception du thon, sont particulièrement vulnérables à la baisse des réserves halieutiques induites et à l'augmentation de la teneur des sols en sel marin, elle-même due à la montée progressive des eaux. Pour réduire leur vulnérabilité, les Maldives œuvrent pour sécuriser leurs ressources en eau potable. Fidji a elle aussi mis en évidence le problème de la salinisation de l'eau et des sols, qui a des effets négatifs tant sur la pêche que sur l'exploitation agricole. Dans les deux cas, le risque est une baisse de la production alimentaire et un appauvrissement des réserves d'eau.
Le Nigéria a indiqué avoir récemment subi des inondations massives dues à l'élévation du niveau des mers, au détriment de plus de sept millions de personnes. Il s'est néanmoins dit confiant dans la conclusion prochaine d'un accord international sur la réduction des émissions de gaz à effets de serre. À l'inverse, le Bhoutan s'est dit très fragilisé par un tarissement de ses sources d'eau potable. Il a indiqué avoir consenti des sacrifices importants pour se libérer des sources énergies polluantes. La République démocratique du Congo, confrontée au problème de la désertification, préconise que la question du changement climatique soit abordée en termes de droit au développement.
L'Organisation internationale des migrations a décrit les problèmes sanitaires et économiques suscités par les déplacements forcés imputables à des causes climatiques. Mais la migration constitue aussi une réponse aux problèmes engendrés par les changements climatiques: elle doit être encadrée compte tenu de cette réalité. L'Organisation internationale de droit du développement (OIDD) a demandé l'application de mesures d'adaptation plus efficaces, basées sur des cadres institutionnels systématiques capables de donner des garanties de stabilité juridique. L'OIDD regrette le manque d'ambition dans l'adoption d'une véritable «justice climatique».
Un certain nombre de pays ont présenté les mesures qu'ils ont prises pour assurer la sécurité alimentaire de leur population en tenant compte des effets du changement climatique. La Bolivie a dit miser sur les techniques agricoles traditionnelles pour préserver sa sécurité alimentaire, alors que le changement climatique aggrave encore la crise alimentaire suscitée par les pratiques actuelles en matière de production et de consommation des denrées agricoles. La Bolivie est très préoccupée par le fait que les pays développés cherchent à échapper à leurs responsabilités et continuent de miser sur des solutions de marché. L'Uruguay a constaté qu'il courait lui-même des risques importants du fait du changement climatique, son économie étant basée sur l'agriculture et le tourisme, deux secteurs fortement impactés par le changement climatique. L'Uruguay s'est donné pour objectif d'utiliser 50% d'énergies renouvelables.
Le Gabon a indiqué avoir adopté une politique de gestion durable des forêts afin de lutter contre la déforestation. Il s'est aussi doté d'une politique de codification aux permis d'exploitation de la forêt, de la terre et des mines, alors même que son économie est encore très dépendante de ces ressources. Le Qatar s'est doté d'une vision à long terme de son développement tenant compte des effets du changement climatique. Il a notamment adopté une stratégie de sécurisation de son approvisionnement en eau et en produits alimentaires. Le Portugal a lancé une initiative de «croissance verte» destinée à créer des emplois durables.
L'Algérie a souligné que la combinaison des exigences en matière de droits de l'homme avec les exigences environnementales dans le programme de développement pour l'après-2015 permettrait une meilleure prise en charge des défis imposés par les changements climatiques. Les pays développés doivent faire preuve de solidarité en matière d'aide et d'assistance financière en vue de remédier aux difficultés constatées. La Chine a déclaré avoir adopté une stratégie de développement industriel à faible consommation énergétique. La Chine a consacré, entre 2011 et 2014, 270 milliards de yuans à l'aide sud-sud pour le développement durable.
Les débats ont aussi porté sur la prochaine conférence des États parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP21, qui se tiendra à Paris en décembre prochain. Le Pérou a rappelé qu'en tant que président de la précédente conférence, la COP20, il avait insisté à cette occasion sur les mesures d'adaptation qu'il importe de mettre en place en faveur des pays les plus vulnérables. Le Pérou espère que cette dimension sera renforcée lors de la prochaine conférence des États parties, à Paris. Le Brésil a déclaré que les négociations autour de cette Convention-Cadre ne devront pas négliger la dimension de la coopération technique. Le Brésil insistera en outre sur le respect des droits fondamentaux des peuples autochtones, dont les pratiques ancestrales ont des effets positifs sur la sécurité alimentaire à long terme.
La Slovénie s'est dite favorable à l'adoption, à Paris, d'un instrument juridique contraignant pour contenir le réchauffement du climat sous la barre des deux degrés.
L'Afrique du Sud a appuyé le principe d'intégrer à l'instrument le principe de la responsabilité commune mais différenciée, qui impose en particulier aux pays développés d'apporter une contribution dans le domaine de l'aide au développement. Le Qatar a souligné que le principe de responsabilité commune mais différencié était basé sur les obligations internationales des États en matière de droits de l'homme.
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a insisté sur l'importance de coordonner l'action du Conseil avec celle des instances chargées de lutter contre le changement climatique. L'engagement pris récemment à Genève par 18 États va dans ce sens, en soulignant l'importance des échanges de connaissances et de savoir-faire. Pour Cuba, le fait d'affecter une valeur uniquement monétaire aux effets du changement climatique est une attitude erronée.
L'organisation non gouvernementale Action Canada pour la population et le développement a souligné que les droits génésiques ne doivent pas être négligés dans les discussions sur les effets du changement climatique. On sait par exemple que les situations d'urgence liées au changement climatique compromettent le recours aux moyens utilisés dans la santé reproductive.
Réponses et conclusions des panélistes
MME SUÁREZ FRANCO a rappelé que l'agro-écologie pouvait contribuer à un régime alimentaire plus sain tout en limitant les émissions de gaz à effets de serre. Elle a estimé que l'adoption de mécanismes de plainte pourrait permettre aux victimes d'obtenir réparation dans les pays où les violations ont leur origine. Il est important également que les États garantissent la participation des personnes les plus affectées. Les États doivent veiller à ce que les décisions prises dans les organisations intergouvernementales concordent avec les droits de l'homme. Dans ses conclusions, Mme Suarez Franco a dit que l'effet du changement climatique sur les droits humains devait être pris en compte dans toutes les instances internationales. S'agissant de la dépendance envers l'importation des produits alimentaires, si l'on se cantonne à l'alimentation et à la nutrition, ce n'est pas conforme aux droits de l'homme.
MME MPOFU a souligné la nécessité de réglementer le monde des entreprises, le modèle qui repose sur les profits de celles-ci ne fonctionnant pas. Placer l'être humain au cœur du développement et adopter des politiques de souveraineté alimentaire devraient être les critères fondamentaux des réglementations futures. À la fin du débat, Mme Mpofu s'est félicitée de la volonté affichée d'aider les personnes les plus vulnérables et les pays les plus sous-développés. Peut-on demander alors que l'on joigne l'acte à la parole, a-t-elle demandé. Un orateur a dit ce matin «disons-le et faisons-le», a-t-elle rappelé, en émettant l'espoir que cet appel serait entendu.
M. TVEIT, qui s'est félicité du consensus exprimé dans la salle, a dit souscrire à l'appel de Mme Mpofu en faveur de réglementations plus justes. Ila ensuite souligné que c'était le moment d'agir pour parvenir à un accord ambitieux, juridiquement contraignant et qui soit équitable. Il ne s'agit plus seulement de prévenir la répétition des cataclysmes du passé mais de neutraliser ceux à venir. Nous ne pouvons pas séparer notre préoccupation envers la dignité humaine de celle touchant à l'environnement, a-t-il conclu.
MME YAO a souligné la possibilité de rentabiliser le secteur agricole en donnant plus de pouvoir aux femmes face au changement climatique. Cela nécessite de les mobiliser plus fortement. S'agissant de la résilience de l'agriculture, celle-ci se fait en plusieurs étapes identifiées par la FAO. Quant aux pratiques qui pourraient être plus profitables, elles permettraient d'investir moins et de produire davantage. La communauté internationale doit examiner ces questions avec une plus grande attention. Dans le domaine de l'agriculture, comme dans tous les autres domaines, il ne peut y avoir de formule unique, a-t-elle averti. À la fin du débat, Mme Yao a reconnu l'urgence de fixer des objectifs ambitieux lors de la conférence de Paris face. Il est évident que les fléaux ne peuvent qu'aller en empirant si l'on demeure passif. Les investissements dans l'agriculture sont indispensables alors qu'il s'agit d'un secteur peu attractif en raison des faibles profits qu'il permet. Le secteur agricole ne doit pas travailler isolément, il doit s'associer à ceux concernés par l'environnement, les services ou les droits de l'homme, a conclu Mme Yao.
M. DALISAY a donné des précisions quant aux mesures de prévention prises, notamment par la production de cartes des périls. Des systèmes d'alerte précoce sont aussi mis sur pieds. Les administrations locales peuvent faciliter la réduction des risques. L'établissement d'un indice météorologique pour l'agriculture apparaît utile. Par ailleurs, les femmes, qui sont les plus touchées avec les enfants, devraient être associées à l'élaboration de plans de sécurité alimentaire. Les pays développés pourraient fournir en outre des moyens aux pays les plus pauvres, une question qui a été discutée lors de la récente visite du président français François Hollande à Manille. À cette occasion, le président philippin a observé que, lorsque l'on combattait Mère Nature, on ne pouvait gagner: il faut donc aborder les causes premières du changement climatique. Celui-ci ne connaissant pas de frontière, il ne faudra pas s'arrêter aux frontières lorsque l'on prendra des décisions, a expliqué M. Dalisay.
M. SOPOAGA a rappelé que la situation devenait très grave, comme le Président de Kiribati et lui-même l'ont déjà signalé lors de leurs allocutions devant le Conseil. Il a témoigné avoir vu l'assaut des vagues sur la côte de son archipel il y a encore quelques jours. Si les communautés insulaires sont effectivement résilientes, le défi devient néanmoins considérable face au changement climatique, a-t-il déclaré. À la fin du débat, M. Sopoaga a estimé qu'il y avait bien un consensus sur la nécessité de prendre des mesures. Il est évident à ses yeux que la conférence de Paris doit déboucher sur un accord juridiquement contraignant. De même, il est indispensable que les collectivités concernées bénéficient d'une aide financière et technique pour faire face à la situation. Il faut préciser la marche à suivre entre les différents processus en charge de la question du changement climatique. Un mécanisme de coordination des synergies apparaîtrait utile à cet égard. Peut-être le Conseil pourrait-il organiser une session extraordinaire au plus tôt, dès cette année idéalement, sur les conséquences du changement climatique sur les droits de l'homme. On pourrait peut-être créer une commission d'enquête qui pourrait se rendre sur place et constater de visu l'état de la situation. Elle serait la bienvenue à Tuvalu, a assuré son premier ministre.
MME ROBINSON a conclu cette journée de débat sur la question du changement climatique en se disant profondément touchée par les témoignages entendus aujourd'hui. Le changement climatique est le plus grand défi qui se présente pour l'humanité au XXIe siècle, a-t-elle ajouté. Il faudra veiller à ce que les États respectent leurs obligations. Les pays qui sont les plus responsables du changement climatique doivent prendre leurs responsabilités en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre, tout en aidant les pays les plus touchés à faire face à la situation. Il s'agit d'une injustice à laquelle ces pays sont confrontés et à laquelle il faut répondre avec urgence et solidarité, a conclu Mme Robinson.
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1. Les délégations suivantes ont pris part au débat: Afrique du Sud, Algérie, Bhoutan, Bolivie, Brésil, Chine, Cuba, Égypte, Fidji, Gabon, Irlande, Maldives, Nigéria, Pérou, Portugal, Qatar, République démocratique du Congo, Slovénie, Soudan, Union européenne, Uruguay, Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Organisation internationale des migrations, et Action Canada pour la population et le développement.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel