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Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport de Madagascar

10 novembre 2015

10 novembre 2015
 
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport de Madagascar sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le rapport a été présenté par la Ministre de la justice de Madagascar, Mme Noeline Ramanantenasoa. La Garde des sceaux a rappelé que Madagascar avait été confrontée à une longue crise politique et institutionnelle qui a empêché la réalisation de certaines des recommandations émises lors du dernier examen, en 2008. Depuis le retour à l'ordre constitutionnel en 2014, le Gouvernement a élaboré un Plan national de développement qui consacre parmi ses programmes prioritaires la protection sociale ciblant les groupes les plus vulnérables, y compris les femmes, en matière d'accès à l'eau potable, à l'éducation, à la justice, à l'emploi, à la santé, au crédit et à la propriété foncière. La Ministre a fait valoir que la révision constitutionnelle de 2010 prévoyait «l'égal accès et la participation des femmes et des hommes aux emplois publics et aux fonctions dans le domaine de la vie politique, économique et sociale». Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la création en 2014 de la nouvelle Commission nationale indépendante des droits de l'homme, conformément aux Principes de Paris. Des mesures ont aussi été prises pour faciliter l'accès de tous à la terre, notamment s'agissant des femmes rurales. Des efforts ont en outre été fournis pour l'amélioration de l'accès des femmes rurales aux services d'information et aux soins obstétriques d'urgence. La Ministre de la justice a indiqué que des projets de loi sont en cours d'adoption, au nombre desquels le projet de loi contre la torture, le projet de loi portant réforme du code de nationalité, le projet de loi érigeant en infraction pénale le viol conjugal, ou encore le projet de loi sur la lutte contre la violence basée sur le genre. L'âge minimum pour contracter mariage a été fixé à 18 ans pour les deux sexes, a-t-elle aussi indiqué.

La délégation malgache était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la population, de la protection sociale et de la promotion de la femme, du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de l'éducation nationale. Elle a apporté des réponses aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de l'accès à la justice; de la définition de la discrimination; de l'âge minimum du mariage et autres questions relatives au mariage; de la traite des personnes, en particulier pour ce qui est des émigrantes domestiques et du tourisme sexuel; des questions de nationalité; de l'enregistrement des naissances; des questions d'éducation et de santé; de la violence sexuelle à l'école; de l'interdiction de l'avortement; de la situation des femmes rurales; de l'accès des femmes au crédit; des questions d'héritage.

Les membres du Comité ont notamment souligné que le changement climatique et la pauvreté extrême étaient des problèmes graves à Madagascar. Madagascar pâtit en outre, notamment, de l'un des taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés du monde. Plusieurs experts se sont inquiétées d'informations faisant état de troubles dans le sud du pays, sous forme notamment de conflits entre voleurs de bétail, police et gendarmerie et laissant apparaître, dans ce contexte, des violences sexuelles et des villages mis à feu, ainsi que, parfois, des actes visant directement les femmes. La violence sous toutes ses formes, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée, produit des effets graves sur les femmes et les jeunes filles du pays, a fait observer l'experte, avant d'insister sur la nécessité de faire cesser immédiatement cette violence. Madagascar est un pays d'origine de la traite de femmes et d'enfants soumis au travail forcé et à l'exploitation par le tourisme sexuel, a-t-il en outre été souligné. Les membres du Comité se sont inquiétés d'informations faisant état d'une forte hausse du nombre de mineurs engagés dans le tourisme sexuel.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de Madagascar lors de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le vendredi 20 novembre prochain.

Le Comité examinera demain le rapport du Timor-Leste (CEDAW/C/TLS/2-3).

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique de Madagascar (CEDAW/C/MDG/6-7), ainsi que de ses réponses (CEDAW/C/MDG/Q/6-7/Add.1) à une liste de questions que lui a adressées le Comité (CEDAW/C/MDG/Q/6-7).

MME NOELINE RAMANANTENASOA, Garde des sceaux, Ministre de la justice de Madagascar, a rappelé que Madagascar, juste après la présentation de son dernier rapport, en octobre 2008, avait été confrontée à une longue crise politique et institutionnelle qui a empêché la réalisation de certaines des recommandations émises lors du dernier examen. Depuis le retour à l'ordre constitutionnel en 2014, le Gouvernement a élaboré un Plan national de développement - suivi d'un plan de mise en œuvre – qui consacre parmi ses programmes prioritaires la protection sociale ciblant les groupes les plus vulnérables, y compris les femmes, en matière d'accès à l'eau potable, à l'éducation, à la justice, à l'emploi, à la santé, au crédit et à la propriété foncière.

Mme Ramanantenasoa a fait valoir que depuis la présentation du dernier rapport, Madagascar a ratifié, l'an dernier, la Convention relative à la protection des droits des personnes handicapées.

La Ministre malgache de la justice a souligné que la révision constitutionnelle de 2010 avait consacré la reconnaissance de l'égalité entre hommes et femmes en son article 6, alinéa 3, qui prévoit «l'égal accès et la participation des femmes et des hommes aux emplois publics et aux fonctions dans le domaine de la vie politique, économique et sociale». Mme Ramanantenasoa a par ailleurs attiré l'attention sur l'adoption et la promulgation de la loi du 20 juillet 2014 sur la lutte contre la traite de personnes qui se caractérise par l'extension de sa base légale par rapport à la loi de 2007 en incluant toutes les formes d'exploitation constitutive de traite, notamment la traite relative à l'exploitation sexuelle, la traite de travail domestique, la traite de la mendicité d'autrui, l'esclavage moderne, le mariage forcé, le trafic d'organe, l'adoption illégale et la vente des personnes. L'application de cette loi permet en outre d'accroître la protection des travailleuses malagasy (malgaches) migrantes dans les pays d'accueil, a insisté la Ministre. Pour une meilleure application de cette loi antitraite, a-t-elle ajouté, le Gouvernement a mis en place le Bureau national de lutte contre la traite des êtres humains, qui est en charge d'harmoniser et de coordonner toutes les actions de lutte contre la traite de personnes. Un plan national de lutte contre la traite de personnes a par ailleurs été validé cette année.

Mme Ramanantenasoa a d'autre part indiqué que le Conseil national des droits humains avait été remplacé par la Commission nationale indépendante des droits de l'homme, institution nouvellement créée par la loi n°2014-007 et conforme aux Principes de Paris. Cette loi prévoit pour cette institution une composition pluraliste et représentative, un mandat étendu et des ressources financières inscrites dans le budget de l'État, a fait valoir la Ministre de la justice. La Commission est habilitée à mener des enquêtes sur les violations de tous les droits humains, y compris ceux des femmes; à visiter des lieux de détention; et à interpeller le Gouvernement sur les cas de violations des droits de l'homme, y compris les violences à l'égard des femmes, a précisé Mme Ramanantenasoa. Pour donner suite aux recommandations du Comité exhortant Madagascar à accorder une attention particulière à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles, Madagascar a procédé à des actions de sensibilisation à grande échelle, a-t-elle ajouté.

Pour faciliter l'accès de tous à la terre, y compris celui des femmes rurales, a poursuivi Mme Ramanantenasoa, le Gouvernement malgache a élaboré et adopté une lettre de politique foncière, en août dernier, garantissant la sécurisation effective de la propriété foncière à Madagascar. Cette nouvelle politique foncière a notamment pour finalité l'intensification de l'opération de sécurisation foncière massive; l'inclusion de tous, quels que soient leur sexe, leur âge, leurs ressources, dans les processus d'accès à la terre, de sécurisation des droits légitimes et de valorisation de la terre, a précisé la Ministre malgache de la justice. Elle a ajouté que le Gouvernement avait mis en place en 2013 un programme d'autonomisation économique des femmes.

Mme Ramanantenasoa a en outre rappelé que la loi 2007-022 sur le mariage et les régimes matrimoniaux avait relevé l'âge minimum pour contracter mariage à 18 ans pour les deux sexes. Cette loi accorde à la femme, au même titre que l'homme, l'exercice de l'autorité parentale et le droit de choisir résidence commune; il en est de même en matière de conclusion de contrat, d'administration de biens et de droit à la libre circulation. À Madagascar, la femme et l'homme bénéficient d'une égale protection devant les tribunaux à tous les stades de la procédure, a ajouté la Ministre de la justice.

Attirant l'attention sur les efforts entrepris pour faire en sorte que les femmes participent activement à la gestion des affaires politiques de l'État, Mme Ramanantenasoa a notamment indiqué que 32 femmes contre 16 en 2008 siègent actuellement à l'Assemblée nationale et que 85 femmes contre 70 en 2008 ont été élues maires – l'une d'elles étant maire de la capitale. L'État a pris plusieurs mesures pour renforcer le système éducatif pour la promotion de la scolarisation des filles, a poursuivi la Ministre, citant notamment l'institution des bourses d'études pour les écolières, la lutte contre le mariage précoce ou encore la construction de toilettes séparées pour les filles et pour les garçons dans les établissements scolaires. Il en découle que Madagascar a presque atteint la parité entre les sexes aux niveaux primaire et secondaire, avec respectivement 49% de filles et 51% de garçons. Cependant, au niveau universitaire, il y a 46% d'étudiantes et 54% d'étudiants, a ajouté la Ministre de la justice.

En matière d'emploi, le principe de l'accès sur un pied d'égalité pour les hommes et les femmes est respecté dans le domaine de l'accès à la fonction publique, a poursuivi Mme Ramanantenasoa. Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, «il n'existe pas de dénonciation sur l'inégalité de traitement de salaire pour un travail égal», a-t-elle en outre déclaré, avant d'ajouter que «par contre, dans le secteur informel, le risque de traitement inégalitaire subsiste encore». Pour y remédier, a indiqué la Ministre, le nombre d'inspecteurs du travail a été porté à 150, contre 90 en 2011 et 127 en 2014.

En septembre 2015, une Politique nationale de protection sociale a été adoptée, qui vise à ce que «la moitié de la couche de la population vulnérable bénéficie d'une protection sociale efficace d'ici 2030 et à réduire de 15% le nombre de la population en situation d'extrême pauvreté», a en outre indiqué Mme Ramanantenasoa. Les femmes figurent parmi les cibles prioritaires de cette politique, dont les filles, les femmes vivant avec un handicap, les femmes âgées, ainsi que les femmes enceintes et allaitantes, a-t-elle précisé. Les axes prioritaires de mise en œuvre sont l'augmentation des revenus des plus pauvres à l'aide des filets de sécurité sociale; l'amélioration de l'accès aux services sociaux de base; la protection et la promotion des droits des groupes spécifiques à risque; et la consolidation progressive du régime contributif, a souligné la Ministre de la justice.

Suite aux préoccupations soulevées par le Comité portant sur le taux élevé de mortalité maternelle et infantile par manque de soins appropriés et en raison d'un recours limité aux services existants, des efforts ont été fournis pour l'amélioration de l'accès des femmes rurales aux services d'information et aux soins obstétriques d'urgence, a ensuite fait valoir Mme Ramanantenasoa, évoquant notamment la formation des accoucheuses traditionnelles au niveau des zones rurales et la sensibilisation des femmes enceintes à effectuer les quatre consultations prénatales et à accoucher dans les centres de santé dans lesquels il y a des personnels compétents.

Mme Ramanantenasoa a assuré que Madagascar entendait poursuivre la mise en œuvre du Plan d'opérationnalisation des recommandations issues de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, des organes conventionnels et des rapporteurs spéciaux. En matière de mise en conformité des textes nationaux avec les normes internationales, a-t-elle ajouté, des projets de loi sont en cours d'adoption, au nombre desquels le projet de loi contre la torture, le projet de loi portant réforme du code de nationalité, le projet de loi érigeant en infraction pénale le viol conjugal, ou encore le projet de loi sur la lutte contre la violence basée sur le genre. Madagascar entend en outre poursuivre le renforcement des capacités des acteurs en matière de lutte contre la discrimination à l'égard de la femme; élaborer un plan national d'action de lutte contre les violences; et actualiser la Politique nationale de la promotion de la femme, tout en intensifiant les campagnes de sensibilisation et de vulgarisation des textes, a conclu la Ministre de la justice.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a assuré que le Comité était conscient de la crise que le pays a connue de 2009 et 2012 et de l'impact de cette crise sur la capacité du pays à mettre en œuvre les recommandations que le Comité lui avait adressées à l'issue de l'examen de son précédent rapport périodique. Le Comité espère que le retour à l'ordre constitutionnel permettra au pays d'accélérer les mesures attendues aux fins de la mise en œuvre pleine et entière de la Convention, a-t-elle ajouté. Quand Madagascar entend-elle ratifier le Protocole à la Convention, comme le pays s'y est engagé lors de son Examen, a-t-elle en outre demandé ? Quand le pays prévoit-il l'adoption d'une définition de la discrimination conforme à l'article premier de la Convention, s'est-elle également enquise ? Quand, par ailleurs, le pays entend-il entreprendre la révision de ses lois discriminatoires ? L'accès des femmes à la justice reste très limité, a d'autre part relevé cette experte.

Une autre experte s'est inquiétée de la situation difficile à laquelle sont confrontées les personnes handicapées à Madagascar, sur fond d'extrême pauvreté et d'importants préjugés à leur encontre, y compris au sein de la famille.

Une experte a souhaité savoir si la Commission nationale des droits de l'homme pourrait avoir un pouvoir de saisine, c'est-à-dire un droit de regard extérieur, sur les textes de lois intéressant les droits des femmes.

Une experte s'est inquiétée d'informations laissant apparaître que les initiatives visant à promouvoir l'adoption de mesures temporaires spéciales en faveur des femmes avaient échoué.

Relevant que seuls des hommes semblent avoir présenté des demandes d'amnistie en vertu de la loi sur l'amnistie, une experte a souhaité savoir s'il pourrait y avoir parmi ces demandeurs des personnes qui se seraient livrées à des violences sexuelles contre des femmes.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés d'informations faisant état de troubles dans le sud du pays, sous forme notamment de conflits entre voleurs de bœufs, police et gendarmerie et laissant apparaître que, dans ce contexte, des violences sexuelles et mises à feu de villages seraient intervenues, ainsi que, parfois, des actes visant directement les femmes. Quelles mesures ont-elles été prises dans ce contexte pour rétablir la sécurité et assurer la protection spécifique des droits des femmes, a-t-il été demandé?

Le changement climatique et la pauvreté extrême sont des problèmes graves à Madagascar, a souligné une experte. La violence sous toutes ses formes, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée, produit des effets graves sur les femmes et les jeunes filles du pays, a fait observer l'experte, avant d'insister sur la nécessité de faire cesser immédiatement cette violence. Quand le viol conjugal va-t-il être érigé en délit, a demandé l'experte?

Madagascar est un pays d'origine de la traite de femmes et d'enfants soumis au travail forcé et à l'exploitation par le tourisme sexuel, a souligné une experte. Des progrès évidents et clairs ont certes été réalisés pour lutter contre ce phénomène de la traite de personnes, mais il n'empêche que le problème subsiste, a-t-elle insisté, rappelant que des milliers de femmes, originaires des zones rurales, sont employées dans le travail domestique, au Moyen-Orient notamment, et que ces femmes sont particulièrement vulnérables à toutes formes d'abus par les agences de recrutement. Des femmes sont envoyées vers la Chine avec des pièces d'identité falsifiées par les agences de recrutement et d'après certaines informations pourraient même être vendues comme épouses, s'est en outre inquiétée l'experte. L'embargo décrété en 2013 concernant l'envoi de femmes domestiques vers des pays à hauts risques est-il toujours en vigueur, a-t-elle demandé ?

Une experte a souhaité savoir si la législation portant à 18 ans l'âge minimum du mariage pour les personnes des deux sexes s'appliquait également aux mariages coutumiers ou si elle ne concerne que les seuls mariages civils.

Une experte s'est inquiétée d'informations laissant apparaître une forte hausse du nombre de mineurs engagés dans le tourisme sexuel à Madagascar. Relevant que la loi en vigueur dans le pays prévoit la juridiction universelle des tribunaux malgaches dans le contexte de la traite de personnes, cette experte a souhaité savoir si des poursuites avaient déjà été engagées dans ce sens.

Une experte a attiré l'attention sur la faible participation et représentation des femmes dans la vie politique et publique du pays.

Madagascar a réalisé de très grands progrès pour étendre l'enregistrement des naissances, mais le pays compte encore 20% d'enfants dont la naissance n'est pas enregistrée, a fait observer une experte, avant de s'enquérir des mesures envisagées par les autorités malgaches pour parvenir à un enregistrement simplifié de toutes les naissances sur l'ensemble du territoire.

Une experte s'est inquiétée de la discrimination pratiquée par certaines entreprises qui n'embauchent pas les femmes qui sont enceintes ou perçues comme pouvant le devenir. Cette experte a en outre relevé qu'aucune étude n'avait été menée concernant l'écart de salaires – à travail égal – entre hommes et femmes, alors que certaines informations font état de l'existence d'un tel écart, particulièrement marqué dans le secteur privé. Selon certaines informations, des enfants sont employés dans les travaux domestiques à Madagascar, a ajouté l'experte, avant de s'enquérir des mesures prises par les autorités pour prévenir et combattre ce phénomène et maintenir les enfants à l'école.

Madagascar pâtit de l'un des taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés du monde, s'est inquiétée une experte. Elle s'est également inquiétée du nombre élevé de mariages et de grossesses précoces.

Une experte s'est inquiétée de la culture du silence qui semble entourer les pratiques de violence sexuelle à l'école ainsi que les pratiques de harcèlement sexuel, notamment sur les lieux de travail.

Qu'en est-il des modes de contamination par le VIH/sida prévalant à Madagascar, a demandé une experte ?

Tout en prenant note des difficultés économiques que rencontre actuellement le pays, une experte a rappelé que les stratégies de prévention et de lutte contre la pauvreté relèvent en premier lieu de l'État. Cette experte s'est en outre enquise de la proportion de femmes chefs d'entreprise. Une autre experte a rappelé qu'une grande majorité de femmes malagasy vivent à la campagne et que la pauvreté extrême touche plus particulièrement les femmes qui sont chefs de famille ou vivent seules. Les femmes vivant en zones rurales rencontrent davantage de difficultés que les autres en matière d'accès aux services de base et sont en fin de compte davantage touchées par la pauvreté, a insisté cette experte. Elle a plaidé pour l'abrogation de la disposition légale, déjà fort ancienne, qui permet aux cohéritiers de décider que l'héritière femme recevra sa part sous forme pécuniaire, ce qui peut entraver l'accès des femmes à la propriété foncière.

Une experte a déploré le manque de protection des femmes dans le cadre des unions de fait, c'est-à-dire autres que les mariages officiellement reconnus.

Réponses de la délégation

La délégation a rappelé que la Constitution de Madagascar consacrait déjà l'égalité de tous devant la loi. Pour ce qui est l'accès à la justice, le pays dispose de «cliniques juridiques» qui peuvent proposer l'accompagnement des femmes qui sont victimes de violence. Un système d'accueil a été mis en place au niveau des tribunaux de première instance pour orienter les femmes vers les services pouvant leur être utiles, a ajouté la délégation. La délégation a par la suite indiqué que les autorités entendaient porter pour 2016 de 9 à 17 le nombre de «cliniques juridiques» opérationnelles à travers le pays.

Alors que cela n'avait pas été possible durant la crise que le pays a connue, Madagascar peut désormais engager le processus visant la révision de la définition de la discrimination afin de disposer d'une définition en la matière qui soit pleinement conforme à la Convention, a indiqué la délégation. La délégation a pris note de la suggestion du Comité s'agissant de la primauté de la Convention et de la définition de la discrimination qui y figure sur les dispositions du droit interne, en vue d'intégrer aisément la définition de la discrimination figurant à l'article premier de la Convention dans l'ordre juridique interne du pays.

En réponse aux questions sur les mesures temporaires spéciales de discrimination positive adoptées dans le pays pour la promotion de la femme, la délégation a expliqué que la loi électorale pour les élections sénatoriales de décembre prochain avait déjà été adoptée et ne prévoyait pas l'instauration de quotas pour les femmes.

S'agissant des personnes handicapées, la délégation a rappelé que Madagascar avait ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et mis en œuvre le système d'éducation inclusive, qui consiste à permettre aux personnes vivant avec un handicap, y compris parmi elles les jeunes filles, à être scolarisées dans les mêmes écoles que celles où sont scolarisées les personnes sans handicap.

La délégation a indiqué qu'il n'y avait pas eu de plainte pour violence sexuelle durant les opérations menées dans le contexte des troubles dans le sud du pays, que cette violence soit imputable aux voleurs de bétail ou aux membres des forces de l'ordre. Les plaintes déposées dans ce contexte concernaient essentiellement des vols de zébus, a-t-elle précisé. Quelques villages ont été mis à feu et les autorités ont dans ce contexte porté secours aux familles nécessiteuses, sous forme de fourniture de vivres, de couvertures et d'ustensiles de cuisine, a ajouté la délégation.

Répondant aux inquiétudes du Comité s'agissant de la loi d'amnistie, la délégation a souligné que les personnes ayant commis des crimes de sang ne pouvaient pas bénéficier d'une amnistie.

Madagascar n'a effectivement pas encore adopté de définition du viol conjugal, a admis la délégation, avant de préciser qu'un projet de loi en ce sens avait été rejeté par le Parlement et que les autorités allaient donc œuvrer à l'élaboration d'un nouveau texte. Pour ce qui est de la violence sexuelle dans les écoles, la délégation a reconnu que souvent, les jeunes filles n'osent pas porter plainte de peur d'être mises à l'index.

La loi en vigueur fixe à 18 ans l'âge minimum du mariage; ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un mineur peut contracter mariage, et ce sur autorisation du juge et non plus des parents comme cela était le cas auparavant. Le mariage coutumier est certes prévu par les textes en vigueur, mais l'âge minimum du mariage reste officiellement fixé à 18 ans, a-t-elle ajouté, faute de quoi il s'agirait de simples unions libres, issues de mariages coutumiers qui ne respectent pas les dispositions de la loi sur le mariage. Ce sont ces unions libres que les autorités ne parviennent pas à surveiller, mais il reste qu'elles ne sont pas considérées comme des unions légitimes. La loi sur la traite peut s'appliquer dans ce contexte s'il peut être établi que le mariage a été effectué sous la contrainte d'une personne.

La délégation a par ailleurs indiqué que si par malheur un mariage impliquant une personne de moins de 18 ans est détecté, la nullité de ce mariage pourra être prononcée, a poursuivi la délégation.

S'agissant de la traite de personnes, la délégation a rappelé que le Gouvernement malgache a décidé de suspendre l'envoi de femmes domestiques à l'étranger. Les autorités du pays souhaitent instaurer une coopération judiciaire avec les pays d'accueil, en assurant notamment le suivi de ces femmes par un agent de liaison présent dans chaque pays d'accueil pour les préserver d'éventuelles exactions et violences à leur encontre, a indiqué la délégation. Madagascar est en train d'élaborer un projet de loi relatif à cette coopération judiciaire, a-t-elle précisé.

Quant aux cas de femmes envoyées en Chine avec des cartes d'identité falsifiées afin de faire croire qu'elles étaient majeures, la délégation a de nouveau souligné qu'après la décision du Gouvernement malgache de suspendre l'envoi de femmes au Liban et dans d'autres pays, il n'y a plus d'agence qui soit autorisée à envoyer des femmes à l'extérieur.

La délégation a reconnu l'existence d'une «distorsion entre le code de la nationalité et la Convention» et a fait valoir que des efforts ont donc été déployés en vue de réviser le code de la nationalité. Un projet de loi portant nouveau code de la nationalité va être soumis au Conseil des ministres avant d'être transmis au Parlement, ce qui pourrait être fait durant cette deuxième session parlementaire, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs reconnu l'existence d'un problème en matière d'enregistrement des naissances en raison de l'éloignement de certaines populations. Aussi, les autorités malgaches projettent-elles notamment d'allonger le délai pour la déclaration de naissance; pour les cas hors délai, elles envisagent en outre de permettre un jugement supplétif d'enregistrement de naissance pour permettre à tous les bébés d'être enregistrés, a ajouté la délégation.

Le code du travail n'établit aucune discrimination en matière d'embauche et de salaire et prévoit un salaire égal pour un travail égal, a d'autre part fait valoir la délégation. Le code du travail interdit en outre le travail domestique des enfants, considéré comme l'une des pires formes de travail des enfants. Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est défini comme «toute conduite non souhaitée de nature sexuelle qui interfère avec le travail, conditionne l'emploi ou le déroulement de la carrière ou créé un environnement de travail intimidant», a d'autre part indiqué la délégation, avant de préciser que le champ d'application du code pénal en la matière est encore plus large.

Lorsque des inspecteurs du travail décèlent des cas d'exaction à l'encontre de femmes, par exemple à l'encontre de femmes domestiques, il est conseillé à ces femmes de déposer plainte, a d'autre part indiqué la délégation.

Pour maintenir les enfants à l'école, a été pris un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l'installation de cantines scolaires, la distribution de kits scolaires et l'octroi de bourses aux écolières, a fait valoir la délégation.

S'agissant des questions de santé – et plus particulièrement du taux élevé de mortalité maternelle – la délégation a notamment réitéré que les femmes enceintes sont encouragées à se présenter aux quatre consultations prénatales recommandées, qui sont gratuites, et à accoucher dans les centres de santé compétents.

La délégation a par ailleurs indiqué ne pas être en mesure de présenter des chiffres concernant l'avortement car aucune base de données ne permet de recueillir ce type d'information. Le code pénal en vigueur à Madagascar sanctionne l'avortement, a-t-elle en outre rappelé, ajoutant que cela amène certaines femmes à opérer des avortements clandestins en dehors de toute assistance médicale, ce qui ne doit pas manquer de contribuer à la mortalité maternelle. Il est désormais envisagé de sanctionner l'avortement d'une simple amende, a indiqué la délégation. Un membre du Comité ayant souligné que, selon une source alternative, quelque 75 000 avortements étaient pratiqués chaque année dans le pays, et plus de 53% des femmes âgées de 15 à 24 ans en zone urbaine affirmaient avoir cherché à un moment ou un autre à subir un avortement, la délégation a affirmé que maintenant que le contexte a changé, il sera peut-être possible de convaincre l'ensemble des entités et acteurs concernés d'aller au-delà de la contraventionnalisation de l'avortement et de le dépénaliser carrément ou tout au moins de promouvoir l'avortement médicalement assisté sous certaines conditions.

Quant aux femmes rurales, la délégation a rappelé que la politique générale de l'État inclut la lutte contre la pauvreté. Il est vrai que l'accès des femmes rurales au microcrédit est insuffisant, a admis la délégation; mais la promotion de l'accès des femmes rurales à la terre – envisagée dans la lettre de politique foncière – devrait permettre de combattre la pauvreté des femmes rurales, a-t-elle fait valoir.

La loi sur le mariage établit une distinction entre la femme qui a conclu un mariage sous le régime de la communauté de biens et celle qui a conclu ce contrat sous le régime de la séparation des biens; pour ce qui est de l'accès au crédit, l'autorisation préalable du mari est requise dans le premier cas mais pas dans le second, a expliqué la délégation.

En matière d'héritage, la loi a effectivement prévu que les cohéritiers, s'ils s'entendent, peuvent proposer à la femme héritière de recevoir sa part sous forme pécuniaire, a reconnu la délégation; mais si la femme refuse cette option, les cohéritiers ne peuvent pas lui imposer leur décision, a-t-elle aussitôt précisé.

La loi sur le mariage prévoit le mariage civil et le mariage coutumier, ce dernier étant aussi consigné dans le registre civil, a par ailleurs indiqué la délégation. Ce sont les mariages intermédiaires qui ne sont pas enregistrés; mais en cas de séparation, la femme est toujours protégée en matière de partage de biens, car ces mariages sont considérés comme des «sociétés de fait» ouvrant droit au partage des biens, a-t-elle expliqué. La polygamie reste interdite par la loi, a indiqué la délégation. «Même s'il y a des musulmans à Madagascar, dans la pratique ils ne sont pas nombreux à pratiquer la polygamie» et ce sont toujours les dispositions de loi sur le mariage qui prévalent, a-t-elle ajouté.

La garde de l'enfant est toujours octroyée dans l'intérêt supérieur de l'enfant, a d'autre part souligné la délégation.

Une experte s'étant enquise de l'impact de la loi relative aux investisseurs étrangers sur le contrôle des ressources et des terres par les populations rurales malgaches, la délégation a indiqué qu'elle répondrait à cette dernière question par écrit dans un délai de 48 heures, comme le lui autorisent les procédures en vigueur au Comité.

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