La persistance des inégalités condamne les personnes en situation de pauvreté pour des générations, selon un expert de l'ONU
20 octobre 2021
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NEW YORK (20 octobre 2021) – « La pauvreté et les privilèges se perpétuent, pris dans des cercles vicieux par des inégalités inacceptables. Avec de la volonté politique, on peut mettre fin à ces cycles et passer de la fatalité à la création d'opportunités ». Tel est le message principal de l’expert sur la pauvreté de l’ONU Olivier De Schutter dans un nouveau rapport présenté aujourd’hui à l’Assemblée générale des Nations unies.
« De nombreux pays se targuent de garantir de hauts niveaux de mobilité sociale. En réalité pourtant, la règle demeure celle de la persistance des privilèges au sommet et de la misère au bas de l’échelle sociale. Dans les pays de l’OCDE, il faut en moyenne de quatre à cinq générations à un enfant né dans une famille défavorisée pour atteindre le niveau de revenu moyen de son propre pays. Dans les pays émergents comme le Brésil, la Colombie ou l’Afrique du Sud, il faudrait au moins neuf générations pour sortir de la pauvreté », a expliqué le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté.
« Depuis 1980, les revenus des personnes les plus favorisées ont augmenté plus rapidement que ceux des personnes défavorisées, creusant davantage encore les écarts de richesse. Dans les pays de l’OCDE, les 10 % les plus riches possèdent 52 % de la richesse nette totale, tandis que les 60 % les plus pauvres ne possèdent que 12 %. Ces disparités condamnent les plus pauvres à la misère », a-t-il ajouté.
« Les enfants nés dans des familles pauvres ont moins d’accès aux services de santé, à un logement adéquat, à une éducation de qualité et à un emploi décent que les plus nantis », a expliqué Olivier De Schutter. « Cela réduit dramatiquement leurs chances de se libérer du piège de la pauvreté. Le résultat est choquant : les enfants nés dans une famille défavorisée sont trois fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté à l’âge adulte que ceux qui n’ont jamais connu le dénuement ».
Selon l’expert, « la pauvreté infantile est une violation des droits humains ; inacceptable moralement, elle représente également un coût social important. Aux États-Unis, la pauvreté infantile coûte plus de mille milliards de dollars par an, ce qui représente 5,4 % du PIB. A l'inverse, pour chaque dollar investi dans la réduction de la pauvreté des enfants, ce sont 7 dollars qui sont économisés ».
« Il est grand temps de déconstruire le mythe selon lequel les inégalités motivent les gens à travailler plus dur. C’est plutôt le contraire qui se produit : les inégalités réduisent la mobilité sociale et renforcent les privilèges et la pauvreté sur des décennies. Une vision fétichiste du mérite a trop longtemps stigmatisé les personnes en pauvreté à qui il est reproché d’être responsables de leur situation », a expliqué l’expert de l'ONU. « La pauvreté n'est pas imputables aux erreurs que l’individu a commises; elle est une responsabilité de la société toute entière ».
« Ce nouveau rapport montre comment le cercle vicieux de la pauvreté peut être brisé. Investir dans la petite enfance; promouvoir l’enseignement inclusif; garantir un revenu universel pour les jeunes adultes financé par une taxe sur les héritages; et combattre les discriminations anti-pauvres : ces mesures peuvent contribuer à mettre fin à la persistance de la pauvreté et des privilèges. Les gouvernements doivent agir dès à présent pour éviter qu'une génération de plus soit condamnée à subir le même destin que leurs parents ».
M. Olivier De Schutter est le rapporteur spécial des Nations unies sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme. Il a été nommé par le Conseil des droits de l'homme le 1er mai 2020. Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance du Conseil qui traitent de situations spécifiques à des pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.
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