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Communiqués de presse Organes conventionnels
14 septembre 2022
Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la République tchèque en tant qu'État partie à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ratifiée en 2017.
Présentant le rapport de son pays, le Chef du Secrétariat du Conseil de Gouvernement pour les droits de l'homme de la République tchèque, M. Jakub Machačka, a déclaré que d'une manière générale, la disparition forcée n'est pas un problème majeur dans son pays. La République tchèque n'a, heureusement, jamais connu le phénomène de disparitions forcées. Elle n'a donc pas jugé nécessaire d'en faire un crime spécifique dans son code pénal, même si, en vertu des lois en vigueur, les auteurs de cette violation restent passibles de peine pouvant aller de deux ans d'emprisonnement à la perpétuité dans les cas les plus graves.
Les membres du Comité, par la voix des deux rapporteuses chargées de l'examen du rapport de la République tchèque, Mmes Milica Kolaković-Bojović et Suela Janina, ont estimé que la disparition forcée n'y est pas abordée de manière adéquate et différenciée. La législation tchèque ne stipule pas expressément l'interdiction de la disparition forcée en toutes circonstances. Les définitions de la disparition forcée et de la victime ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention. Les membres du Comité ont également posé des questions sur l'applicabilité directe de la Convention, le droit à la réparation des victimes, les peines encourues par les auteurs de disparitions forcées. Le Comité a également demandé des informations sur la politique de non-refoulement et les procédures aux frontières, sur les déclarations d'absence ou de décès ou encore sur la situation des mineurs non-accompagnés, entre autres.
La délégation tchèque – également composée, notamment, de représentants de l'Autorité de contrôle interne de la police et d'une représentante de la mission à Genève –, a souligné que la la définition de la disparition forcée en République tchèque était conforme à celle de la Convention et à celle en vigueur dans les pays de l'Union européenne. La délégation a également expliqué qu'un acteur étatique qui serait auteur d'une disparition forcée pouvait se voir appliquer une peine plus lourde en raison de son statut. De plus, les politiques et pratiques en matière de non-refoulement sont conformes aux instruments internationaux et s'appliquent sans exception. Enfin, en République tchèque, la garde à vue est une mesure préventive qui ne dure que deux jours.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la République tchèque. Elles seront rendues publiques à l'issue de sa session, qui se termine le 23 septembre prochain.
À sa prochaine séance publique, demain après-midi à partir de 15 heures, le Comité tiendra un dialogue avec la délégation de l'Uruguay, qui présentera des renseignements complémentaires sur la mise en application de la Convention (CED/C/URY/AI/1).
Examen du rapport
Le Comité était saisi du rapport initial de la République tchèque (CED/C/CZE/1) ainsi que des réponses, à paraître en français) à la liste des points à traiter qui lui a été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
M. JAKUB MACHAČKA, Chef du Secrétariat du Conseil de Gouvernement pour les droits de l'homme de la République tchèque, a déclaré que d'une manière générale, la question des disparitions forcées n'a pas été un problème majeur en République tchèque, ni dans le passé, ni dans la période récente. Le consensus historique veut que le régime communiste totalitaire qu'a connu le pays au cours du XXe siècle n'a pas eu recours aux disparitions forcées contre ses détracteurs et ses ennemis. Depuis la révolution de velours en 1989, la République tchèque fait partie des pays démocratiques européens traditionnels. Devenue membre de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales appliquant les normes des droits de l'homme, la République tchèque a ratifié tous les principaux instruments relatifs aux droits de l'homme tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tous les droits et obligations découlant de ces engagements internationaux constituent le fondement de l'interdiction et de la protection contre les disparitions forcées.
Le chef de la délégation a ensuite expliqué que du fait que la République tchèque n'a, heureusement, pas connu dans le passé le phénomène des disparitions forcées, elle n'a pas jugé nécessaire d'établir un crime spécifique de disparition forcée dans son code pénal. Néanmoins, l'acte de disparition forcée, tel que défini dans la Convention, est passible de responsabilité pénale en vertu de textes de loi existants. Cet acte peut être puni principalement en tant que crime de privation ou de limitation de la liberté. La République tchèque reconnaît également le crime d'enlèvement, mais il ne concerne que les cas d'enfants ou de personnes dépendantes. La commission de ces actes par des agents publics ayant compris l'ordre donné ou ayant autrement participé peut être punie avec une circonstance aggravante ou en tant que crime spécifique d'abus de pouvoir.
Les sanctions pour les crimes mentionnés vont de deux ans d'emprisonnement à des peines de prison à vie dans les cas les plus graves. Le Code pénal comprend également une liste non exhaustive de circonstances atténuantes et aggravantes qui peuvent être invoquées par le juge pour réduire ou aggraver la peine selon les faits de la cause. Selon le Code de procédure pénale, les autorités répressives tchèques sont tenues de poursuivre tout acte dont elles ont connaissance, à la suite d'une plainte ou autrement. Leur tâche est d'établir les faits de l'affaire au-delà de tout doute raisonnable. Elles procèdent dans le respect des droits procéduraux de l'accusé, notamment la présomption d'innocence, le droit d'être entendu, le droit à un avocat, le droit à la défense, notamment.
Les droits des personnes détenues sont également protégés par les lois réglementant leur exercice. Elles prévoient la notification aux membres de la famille, la communication et les droits de visite sur une base régulière. Les dossiers sont conservés par les autorités dans tous les cas de détention. Ils contiennent les noms, les dates d'entrée et les limites de détention et peuvent être vérifiés par les autorités de contrôle, y compris le procureur. Les éléments de preuve centraux de la police sont accessibles dans des cas limités. Les membres de la famille peuvent également obtenir des informations dans le cadre de la procédure judiciaire ou autrement sur demande avec le consentement de la personne détenue. Les victimes ont droit à un soutien comprenant des conseils psychologiques, une assistance juridique, une approche sensible des autorités chargées de l'application des lois et un soutien et une assistance monétaires, a déclaré M. Machačka.
Questions et observations du Comité
Une des deux rapporteuses chargées de l'examen du rapport de la République tchèque,
MME MILICA KOLAKOVIĆ-BOJOVIĆ, a salué la délégation pour sa franchise lorsqu'elle reconnaît qu'aucune organisation de la société civile n'a été impliquée dans la préparation et la rédaction du rapport. Elle s'est toutefois montrée intéressée de savoir s'il y avait en République tchèque un mécanisme chargé de veiller à la participation des organisations de la société civile dans l'élaboration des rapports et le suivi des politiques publiques en matière de protection des droits de l'homme.
L'experte a aussi interrogé la délégation sur l'applicabilité directe de la Convention, dans le contexte où la délégation affirme que, compte tenu de sa ratification récente, la Convention n'est pas encore pleinement appliquée. Mais qu'en est-il des autres conventions, a demandé l'experte, souhaitant savoir s'il existait en République tchèque un mécanisme chargé de l'application directe des conventions internationales régulièrement ratifiées par le pays. De plus, que se passerait-il, aujourd'hui, si une disposition du droit national n'est pas conforme à la Convention, a-t-elle demandé.
Faisant référence à la loi n°110 de 1998, en particulier son article 6, elle a constaté que la législation tchèque ne comporte pas une interdiction formelle des disparitions forcées, même en cas de guerre, d'instabilité politique ou autres urgences. De plus, la législation interne ne fait pas de différence claire entre les disparitions forcées commises par un agent étatique et par les agents non-étatiques. Ce faisant, elle a estimé que la législation n'abordait pas la disparition forcée de manière adéquate. Elle a alors demandé à la délégation de dire si la République tchèque entendait adopter une définition de la disparition forcée en tant qu'infraction autonome, couvrant tous les éléments constitutifs prévus par l'article 2 de la Convention.
S'agissant des peines prononcées à l'encontre des coupables de disparitions forcées, l'experte a voulu savoir comment ces peines tiennent compte de la gravité de l'infraction, des circonstances aggravantes ou atténuantes, conformément à l'article 7 de la Convention. Quelles sont par ailleurs les peines maximales et minimales encourues par les auteurs, a demandé l'experte.
Selon le Comité, la définition de la victime de disparition forcée en République tchèque n'est pas conforme à celle de l'article 24 de la Convention. Dans ce contexte, il a été demandé à la délégation de dire si le Gouvernement entend adopter une définition conforme.
Le Comité souhaite également avoir des informations sur le droit à réparation des victimes, notamment si elles peuvent être réclamées au plan civil et au pénal, et si oui, quels sont les montants minimaux et maximaux que les victimes peuvent escompter, ainsi que les délais et les procédures en vigueur. Par ailleurs, qu'advient-il des réparations et indemnisations lorsque l'auteur est déclaré pénalement irresponsable, a demandé la corapporteuse.
L'experte a aussi demandé des informations sur les autorités responsables d'émettre une déclaration d'absence ou de décès et sur la procédure à suivre ainsi que sa durée.
Des questions ont également été posées sur le mandat du défenseur public et sur les données ventilées sur les personnes disparues, notamment afin de savoir si le système de gestion de cas de disparitions forcées dans les tribunaux permet de collecter de telles données, dont le Comité a besoin. Le Comité a aussi requis des informations sur les mineurs non-accompagnés actuellement placés en institution, leur nombre, le type d'établissements, et le nombre d'entre eux qui ont quitté les institutions, ont disparu ou sont devenus victimes d'actes criminels, comme la traite des personnes ou l'enlèvement.
MME SUELA JANINA, également rapporteuse pour le rapport de la République tchèque, a relevé des incohérences dans les informations fournies par la République tchèque, notamment en ce qui concerne les délais de prescription de la responsabilité pénale. Le rapport indique entre un et vingt ans, tandis que les réponses à la liste des points à traiter soumis par le Comité évoquent une période de dix à quinze ans.
L'experte a également souhaité savoir si un membre des forces armées qui a commis un crime de disparition forcée lors d'opérations à l'intérieur ou à l'extérieur du pays peut être poursuivi par la police militaire. De même, elle a souhaité connaître la disposition législative ou administrative qui permet de prévenir et sanctionner l'entrave à enquête dans les cas de disparitions forcées. La délégation a également été invitée à expliquer le rôle de l'inspecteur général des forces de sécurité à cet égard.
En matière de d'extradition, la rapporteuse a demandé à la délégation de dire si la République tchèque avait signé des traités d'extradition avec d'autres États parties, après l'entrée en vigueur de la Convention. Si tel est le cas, le crime de disparition forcée est-il inclus dans ces traités, a interrogé l'experte. Elle a également souhaité savoir s'il y avait une ou des dispositions dans les accords existants ou dans la législation interne qui puisse faire obstacle à l'obligation d'assistance et de coopération judiciaire entre États parties.
La délégation a également été interrogée sur le principe de non-refoulement, le Comité se demandant si la disparition forcée était explicitement mentionnée dans les mesures de protection garanties par l'État partie. La corapporteuse a également voulu avoir des détails concrets sur la procédure aux points de passage frontaliers pour les étrangers qui peuvent demander une protection, ainsi que sur la formation des policiers, les centres d'accueil des requérants, les procédures judiciaires d'appel en cas de refus d'asile.
Réponses de la délégation
Répondant aux questions sur la participation des organisations de la société civile en matière d'élaboration et de suivi des politiques publiques des droits de l'homme, la délégation a indiqué qu'il existait en République tchèque une Instance consultative gouvernementale, spécialisée dans les questions de droits de l'homme en général. Mais il est vrai que la question des disparitions forcées n'a jamais été une question de grande importance en République tchèque et de ce fait, cette instance n'a pas porté son attention sur la question. Elle traite davantage de questions liées à la torture, aux mauvais traitement et autres violations, notamment dans les lieux de détention.
Concernant l'applicabilité de la Convention, la délégation a déclaré que le droit positif tchèque dispose que les textes internationaux sont supérieurs au droit interne et qu'ils sont d'application directe par les tribunaux. C'est déjà le cas des autres conventions auxquelles la République tchèque est partie et ce sera le cas pour la Convention, a-t-il été assuré.
En ce qui concerne la collecte de données ventilées, la délégation a reconnu « qu'il est vrai qu'il y a des problèmes ». D'autres comités l'ont également souligné. Mais l'État ne veut pas abuser de la collecte de données parfois sensibles, comme l'ethnicité, a expliqué la délégation.
Concernant la définition de la disparition forcée, les auteurs potentiels, les responsabilités pénales, les poursuites et les peines encourues, les prescriptions, le droit pénal tchèque dispose d'une section spécifique, appelée « section générale » consacrée à ces questions. Il est difficile de donner une réponse plus précise, a dit un membre de la délégation, assurant néanmoins que des sanctions sont prévues.
Sur les questions relatives à la responsabilité des acteurs étatiques, un membre de la délégation a expliqué qu'ils peuvent se voir appliquer des circonstances aggravantes, en raison de leur statut. Mais il n'existe pas de tribunaux spéciaux pour les juger, pas plus que des tribunaux militaires. Si un soldat commet un crime, il sera jugé de la même manière qu'une personne ordinaire et jugé devant une cour ordinaire. Il encourt peut-être une sanction plus lourde.
La délégation a aussi expliqué que la politique et la pratique en matière de non-refoulement sont conformes aux instruments internationaux, notamment à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il n'y a aucune exception à ladite protection et tous peuvent y prétendre. En revanche, la République tchèque peut parfois refuser une demande d'asile en raison du passé du requérant, s'il a par exemple commis des crimes graves. Mais la personne déboutée ne peut être renvoyée dans son pays d'origine si elle court un risque de mauvais traitement ou de disparition forcée. Elle dispose par ailleurs d'un délai de 60 jours pour faire une demande dans un autre pays et 90 jours pour déposer un recours, qui a un caractère suspensif.
La liste des pays dits « sûrs » est quant à elle commune à celle de l'Union européenne. Le ressortissant d'un de ces pays doit en effet apporter davantage d'éléments pour prouver qu'il est en danger, a reconnu la délégation. L'Ukraine n'en faisant plus partie, les ressortissants ukrainiens sont considérés comme « légaux », du fait de l'accueil généreux qu'ils ont reçu à cause de la guerre. Ils ne sont pas placés dans les centres de détention.
S'agissant de la définition de victime de disparition forcée en République tchèque, la délégation a estimé qu'elle est conforme à la Convention. Elle correspond à celle appliquée au sein des pays de l'Union européenne et recouvre y compris les proches. La victime ne peut en revanche saisir la justice, cette action revenant au procureur. Dans la pratique, il n'y pas de délai pour entamer la procédure pénale, même si le principe général dit qu'elle doit être entamée « le plus rapidement possible ».
En matière de garde à vue, la délégation a expliqué qu'il ne s'agissait pas d'une sanction, mais d'une mesure préventive. Elle ne peut durer plus de deux jours. La garde à vue ne peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel. Il existe neuf raisons pour lesquelles une personne peut être placée en garde à vue, notamment si elle représente un danger pour elle-même ou pour autrui ; si la personne fait l'objet de mesures de protection ; si elle doit faire de la détention ou si elle présente un risque de récidive. En matière de visite de famille, la pratique est plus flexible que la loi : tout est fait pour maintenir un contact plus régulier entre le détenu et sa famille. De plus, les membres de la famille peuvent interjeter appel au nom du détenu, et contester la durée d'une garde à vue.
La délégation a indiqué que, jusqu'à présent, il n'y avait pas eu beaucoup de mineurs non accompagnés parmi les migrants en République tchèque. On parle d'une dizaine de jeunes au cours des deux dernières années. Seules deux institutions situées à Prague les accueillent, et ces enfants sont scolarisés. Mais la situation a changé avec la guerre en Ukraine. Cette nouvelle donne constitue un nouveau défi auquel la République tchèque doit répondre, a reconnu la délégation.
En ce qui concerne l'indemnisation des victimes, il n'est plus prévu de plafond pécuniaire. Le montant est fixé à la discrétion du juge, mais la Cour suprême a adopté une directive interdisant la pratique passée d'une faible indemnisation et orientant les juges dans l'estimation des montants. L'indemnisation peut aussi être réclamée de l'État dans le cas où l'auteur des faits ne peut réparer son crime.
La déclaration d'absence ou de décès relève exclusivement des tribunaux, a expliqué la délégation en réponse à une autre question. Les tribunaux peuvent être saissi cinq ans après les faits mais il n'ont pas un délai à respecter pour prononcer les déclarations, la délégation ajoutant qu'en général, cela se passe rapidement. Mais si une personne ayant fait l'objet d'une déclaration de décès est par la suite retrouvée en vie, la situation antérieure est rétablie, à l'exception du mariage, a expliqué la délégation.
Conclusions
M. MACHAČKA, chef de la délégation de la République tchèque, a dit que bien que la disparition forcée ne soit pas un problème en République tchèque, cela ne veut pas dire qu'il n'y pas de questions en tension à régler, notamment en ce qui concerne la détention. Bien évidemment, la République tchèque entend se conformer à ses obligations internationales, notamment en ce qui concerne sa définition de la disparition forcée, une meilleure intégration des droits des victimes ou le traitement du flux de réfugiés avec la guerre en Ukraine. M. Machačka a remercié le Comité et l'a assuré de sa volonté de coopération.
MME VILLA QUINTANA, Présidente du Comité, a salué la disponibilité de la République tchèque à réfléchir aux questions soulevées par le Comité. Il est important de rendre efficaces les engagements pris en signant la Convention, notamment en ce qui concerne les enquêtes et les recherches de personnes disparues. Elle a, une fois de plus, appelé la République tchèque à faire la promotion de la Convention et de son utilité dans ses discussions avec les États qui ne l'ont pas ratifiée.
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Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.
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