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Gaza : des experts condamnent la décision d’Israël de rouvrir les « portes de l’enfer » et de modifier unilatéralement les conditions de l’accord de paix

06 mars 2025

GENÈVE – En décidant de rompre l’accord de cessez-le-feu et de bloquer l’aide humanitaire, Israël a recommencé à militariser la famine à Gaza, a averti aujourd’hui un groupe d’experts indépendants des droits de l’homme.* Selon eux, il s’agit d’une violation flagrante du droit international et de toute perspective de paix. Ces experts ont publié la déclaration suivante :

« Nous sommes alarmés par la décision d’Israël de suspendre une fois de plus l’entrée dans la bande de Gaza de toutes les marchandises et fournitures, y compris l’aide humanitaire vitale. Cette annonce fait suite à la décision du cabinet de guerre israélien de rompre l’accord de cessez-le-feu à Gaza et aux appels lancés par des ministres pour rouvrir les "portes de l’enfer" dans l’enclave assiégée.

Outre la cruauté de ces déclarations, qui ont été prononcées le deuxième jour du mois sacré du Ramadan, ces actions sont manifestement illégales au regard du droit international. En tant que puissance occupante, Israël est toujours tenu de fournir assez de nourriture, de fournitures médicales et d’autres services de secours. En réduisant délibérément les fournitures vitales, notamment celles relatives à la santé sexuelle et procréative et à l’équipement d’assistance pour les personnes handicapées, Israël se sert à nouveau de l’aide comme d’une arme. Ces actions constituent de graves violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en vertu du Statut de Rome.

L’accord de cessez-le-feu en trois phases aurait dû conduire à une cessation permanente des hostilités et à la libération de tous les Palestiniens et Israéliens illégalement détenus, condition essentielle d’une paix durable. Au lieu de cela, ces mesures ont entraîné une recrudescence de la violence et une destruction encore plus importante de la vie des Palestiniens. C’est à la fois illégal et totalement inhumain.

Pendant le cessez-le-feu, les conditions sont restées très difficiles. Très peu de tentes et aucune unité mobile n’ont été autorisées à entrer dans Gaza, et des Palestiniens, notamment des enfants et des personnes âgées, ont continué de mourir à cause du froid et des conditions désastreuses. Le rétablissement d’une politique de siège total contre une population qui a à peine survécu à 16 mois de bombardements constants, de déplacements forcés répétés et de destruction de 80 % des terres agricoles et des infrastructures civiles, ne fera qu’aggraver la situation déjà catastrophique.

Il semblerait qu’Israël est déterminé à rendre les conditions de vie intenables pour les Palestiniens sous occupation israélienne sur l’ensemble du territoire palestinien occupé, de la bande de Gaza décimée à la Cisjordanie. L’annexion de territoires par la force progresse à grande vitesse en Cisjordanie, où les camps de réfugiés et les villes sont bombardés, dépeuplés et pillés, et où d’autres zones sont attaquées par des colons armés avec la complicité des forces israéliennes.

En réalité, si le cessez-le-feu a redonné une lueur d’espoir aux Palestiniens et aux Israéliens, il n’a « jamais mis fin » aux attaques contre les Palestiniens. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 19 janvier 2025, les forces israéliennes ont tué au moins 100 Palestiniens à Gaza, ce qui porte le total des victimes à au moins 48 400. Dans le contexte actuel, Israël semble décidé à détruire davantage la vie des Palestiniens, y compris par la famine.

En examinant l’allégation de génocide portée contre Israël, la Cour internationale de Justice a ordonné à Israël de faciliter l’acheminement de l’aide à Gaza. Lors de la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre de dirigeants israéliens en 2024, la Cour pénale internationale a estimé qu’il y avait "des motifs raisonnables de croire qu’Israël avait utilisé la famine comme méthode de guerre".

Nous sommes particulièrement consternés par l’aval rapide donné par certains États et certaines organisations régionales concernant la justification fournie par Israël pour couper l’aide à Gaza en réaction aux prétendues violations du cessez-le-feu par le Hamas, alors que les nombreuses violations du cessez-le-feu commises par Israël n’ont pas été signalées pour la plupart.

En reprenant le siège et le bombardement de Gaza, Israël a modifié unilatéralement les conditions de l’accord de cessez-le-feu et les prochaines étapes. Nous demandons instamment aux médiateurs du cessez-le-feu à Gaza, à savoir l’Égypte, le Qatar et les États-Unis, d’intervenir pour préserver l’accord conformément aux obligations internationales.

Le cessez-le-feu a pris effet dans le contexte plus large d’une occupation illégale à laquelle il faut mettre fin. Israël a l’obligation légale de retirer son occupation et sa présence générale du territoire palestinien, comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice l’année dernière. Ce point sous-tend les obligations de toute partie en vertu des termes de l’accord de cessez-le-feu.

Nous exhortons les nations du monde entier à rappeler leurs propres obligations en vertu du droit international et à agir pour mettre fin à cette attaque brutale et sans fin contre le peuple palestinien et ses droits, sous peine de voir le monde entier emporté par cette vague de non-droit et d’injustice. »

*Les experts : Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ; Ben Saul, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ; Astrid Puentes Riaño, Rapporteuse spéciale sur le droit humain à un environnement propre, sain et durable ; Gina Romero, Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ; Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable ; Attiya Waris, Experte indépendante sur la dette extérieure et les droits de l’homme ; Heba Hagrass, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées ; Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; George Katrougalos, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable ; Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays ; Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, Bina D’Costa (Présidente), Barbara G. Reynolds, Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine ; Laura Nyirinkindi (Présidente), Claudia Flores (Vice-Présidente), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ; Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ; Geneviève Savigny (Présidente-Rapporteuse), Carlos Duarte, Uche Ewelukwa, Shalmali Guttal, Davit Hakobyan, Groupe de travail sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales ; Surya Deva, Rapporteur spécial sur le droit au développement ; Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences ; Claudia Mahler, Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme ; Elisa Morgera, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques ; et Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants.

Les Rapporteurs spéciaux, les Experts indépendants et les Groupes de travail relèvent de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.

Pour plus d’informations, veuillez contacter [email protected].

Pour toute requête des médias relative à d’autres experts indépendants des Nations Unies, veuillez contacter Dharisha Indraguptha ([email protected]) ou Maya Derouaz ([email protected]).

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