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Mali : des experts de l'ONU estiment que le Mali ne devrait pas entraver ou suspendre les activités des partis politiques
08 mai 2025
GENÈVE - L'adoption d'un projet de loi abrogeant les protections fondamentales de la participation politique par le Conseil des ministres le 30 avril 2025 et la signature d'un décret le 7 mai 2025 suspendant les activités des partis politiques jusqu'à nouvel ordre constituent une violation directe des droits humains fondamentaux, a averti aujourd'hui un groupe d'experts indépendants en matière de droits humains.
« Ce décret suspendant les activités politiques doit être immédiatement abrogé. De plus, s'il est adopté, le projet de loi du 30 avril mettra le Mali en contravention avec ses obligations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les libertés d'association et d'expression », ont souligné les experts.
Le gouvernement du Mali a fait valoir que l'abrogation des lois existantes ne remettait pas en cause l'existence des partis politiques et que le gouvernement cherchait seulement à « mettre fin à la prolifération des partis politiques » dans le pays.
Cependant, les experts ont souligné que la prolifération des partis est plus facile à réduire avec des règles électorales légitimes, y compris celles qui subordonnent l'enregistrement à des résultats électoraux antérieurs. « Au lieu de cela, le projet de loi récemment adopté conditionnera l'enregistrement d'un parti et les candidatures à des dépôts financiers onéreux, limitant le droit à la participation politique aux secteurs à forte capacité économique », ont-ils averti.
« Le gouvernement affirme qu'il s'agit de propositions directes issues des dialogues nationaux : les Assises Nationales de la Refondation de 2021 et les consultations sur la révision de la Charte des Partis Politiques d'avril 2025. Cependant, aucune consultation véritable n'est possible dans le climat actuel de suppression de l'espace civique, où les opposants et les journalistes indépendants ont des raisons de craindre que la liberté d'expression soit sanctionnée », ont déclaré les experts.
Plusieurs partis politiques ont boycotté les consultations d'avril 2025 parce qu'ils craignaient, à juste titre, que les autorités maliennes de transition n'utilisent le processus comme un outil pour dissoudre les partis politiques ou interdire leurs activités.
Le Conseil des ministres du Mali a également pris note d'autres recommandations issues des consultations d'avril 2025, notamment la nomination de l'actuel chef de l'État, le général Assimi Goita, comme président, sans élections, pour une période de cinq ans renouvelable à compter de 2025. Le projet de loi, ainsi que l'accueil favorable réservé par le Conseil des ministres à des propositions aussi alarmantes, trahiraient les engagements nationaux et internationaux pris par les autorités maliennes, estiment les experts.
Ils ont rappelé que le Général Assimi Goïta lui-même, lors du Conseil des Ministres du 27 novembre 2024, avait appelé le Gouvernement à « créer les conditions nécessaires à l'organisation d'élections transparentes et apaisées qui devraient mettre fin à la transition ». Le Mali avait également accepté des recommandations spécifiques pour protéger les libertés d'association et d'expression lors de l'Examen Périodique Universel de 2023 : les actions actuelles remettraient en cause la crédibilité des autorités maliennes.
Le projet de loi sera maintenant présenté au Conseil national de transition, présidé par le général Malick Diaw, pour approbation.
« Nous demandons instamment au Conseil national de transition de s'abstenir d'approuver ce projet de loi », ont déclaré les experts. « Nous sommes prêts à aider le gouvernement à réviser le projet de loi d'amendement afin de garantir la conformité avec les normes et standards internationaux en matière de droits humains », ont-ils ajouté.
Suite à l'adoption du projet de loi, les partis politiques ont appelé à des manifestations et à des activités publiques les 3 et 4 mai. Cependant, ils ont allégué que des individus prétendant soutenir les autorités de transition ont violemment perturbé leurs rassemblements. En outre, les partis politiques ont appelé à de nouveaux rassemblements publics le 9 mai.
« Le droit de se réunir pacifiquement est essentiel à la santé d'une communauté politique dynamique », ont déclaré les experts. « Les autorités maliennes de transition doivent le respecter scrupuleusement et s'abstenir d'actes d'intimidation et de répression mettant en péril l'intégrité physique et les droits des manifestants. »
*Les experts: Eduardo Gonzalez, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali; Irene Khan, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; Gina Romero, Rapporteuse Spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association.
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