Skip to main content

Journée des droits de l'homme

Les droits humains appartiennent à chacun d'entre nous. Rejoignez-nous et défendez les droits de tous, partout dans le monde. Nos droits, notre avenir, maintenant.

En savoir plus
Fermer

Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Réunion d’information sur la nouvelle vision de l’état de droit du Secrétaire général

04 août 2023

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Excellences,

La justice, sous toutes ses formes, est essentielle à la paix, à un contrat social équitable et durable, et au développement durable.

Ces liens interdépendants se reflètent dans la promesse de l’objectif de développement durable no 16, qui engage les États à « promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».

Aujourd’hui, l’ODD 16, comme de nombreux autres ODD, accuse des retards. Si des progrès importants ont été réalisés, ils ont été inégaux et spécifiques à chaque pays : à l’échelle mondiale, nous n’avons pas réussi à assurer une justice accessible et disponible pour tous. De nombreuses institutions chargées de garantir l’état de droit et la justice sont confrontées à une crise de capacité ainsi qu’à une crise de confiance de la part du public. Des millions de personnes n’ont pas d’accès effectif à la justice et vivent dans des conditions de profonde injustice.

Permettez-moi de citer deux chiffres du rapport 2019 de l’équipe spéciale sur la justice.

Premièrement, on estime qu’environ 250 millions de personnes vivent dans des conditions extrêmes d’injustice, sans aucune réelle protection de la loi.

Deuxièmement, environ 4,5 milliards de personnes – soit au moins 60 % de la population mondiale, se retrouvent privées de la protection et des opportunités sociales, économiques et politiques que la loi devrait leur fournir. Certaines n’ont pas de terres, d’attestation de résidence ou de documents relatifs à leur logement, ou sont employées sans contrat dans le secteur informel. Elles n’ont donc pas accès aux soins de santé, à l’éducation, aux prêts bancaires et à certains types de travail, et ont parfois un accès limité aux institutions dont le rôle est de représenter, d’exprimer, de protéger et de mettre en application leurs droits, tels que les processus politiques, l’administration publique, les tribunaux et la police. Les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont tombées dans le piège de la marginalisation.

Le Groupe de haut niveau sur l’accès des femmes à la justice a souligné que les femmes et les enfants doivent surmonter les plus grands obstacles pour accéder à la justice. Il a révélé qu’en 2017, plus d’un milliard de femmes n’étaient pas protégées contre les violences sexuelles commises au sein du couple, tandis qu’environ 1,5 milliard ne bénéficiaient d’aucune protection juridique contre le harcèlement sexuel au travail.

La corruption est un autre obstacle majeur à la bonne gouvernance et à la justice. L’indice de contrôle de la corruption de la Banque mondiale indique l’ampleur de la perception qu’ont les citoyens de l’exercice du pouvoir public à des fins privées, dans chaque région. Selon le rapport 2022 sur le développement durable, 15 % des entreprises dans le monde, soit une entreprise sur sept, ont fait l’objet d’une demande de versement de pot-de-vin de la part de fonctionnaires. La corruption dans le système judiciaire, quant à elle, porte gravement atteinte à la légitimité du système judiciaire et à la confiance qu’il inspire, un principe fondamental de l’état de droit.

À l’instar de la corruption, l’accélération des inégalités et de la désinformation, ainsi que l’insuffisance des mesures visant à garantir l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité des institutions juridiques, aggravent la crise de confiance des citoyens dans la capacité de leur gouvernement à répondre à leurs besoins et à faire respecter leurs droits.

Lorsque les gens ne croient pas à la légitimité et à l’efficacité des institutions publiques, ni à leur capacité à résoudre les conflits, les griefs se multiplient et s’aggravent. Les différends ne peuvent être correctement résolus. Les tensions se transforment en violence.

Pour que l’état de droit joue son rôle dans le rétablissement de la confiance, les institutions publiques doivent être plus réactives, équitables et efficaces.

Réactives, dans le sens où les institutions publiques doivent être centrées sur les personnes et leurs droits, en comprenant les besoins des personnes en matière de justice et en développant des solutions appropriées, en les incluant et en leur rendant des comptes.

Équitables, en ce sens que les institutions publiques ne doivent pas faire de discrimination et doivent être libres de toute corruption ou d’influence indue.

Efficaces, dans la mesure où les institutions publiques doivent pouvoir faire face aux chocs et aux défis contemporains, fournir les services nécessaires, notamment ceux juridiques, et garantir tous les droits humains dont les gens ont besoin.

Je voudrais souligner ici que, de la même manière que l’état de droit est un élément central de la promotion et de la protection efficaces des droits de l’homme, les droits de l’homme sont au cœur de l’état de droit et de l’instauration de la confiance dans les institutions publiques. Les droits de l’homme constituent la norme fondamentale, la base sous-jacente de tout système d’état de droit qui fonctionne.

La nouvelle vision de l’état de droit du Secrétaire général, lancée au mois de juin, réaffirme cette symbiose. Cette vision reconnaît non seulement que l’état de droit et les droits de l’homme se renforcent mutuellement, mais aussi que si l’état de droit doit servir la population et instaurer la confiance, il doit être pleinement aligné sur les droits de l’homme.

Le HCDH est prêt à jouer un rôle déterminant au sein du système des Nations Unies pour concrétiser la nouvelle vision du Secrétaire général.

Dans le contexte des célébrations du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, je m’engage à approfondir et à élargir le travail du HCDH sur l’état de droit et l’objectif de développement durable no 16, en investissant dans nos activités relatives à l’état de droit sur le terrain et au siège.

Grâce à cet effort renouvelé, nous continuerons à aider les États, les communautés et les populations du monde entier à faire de l’état de droit une réalité et à façonner des institutions publiques au service des citoyens et capables de relever les défis difficiles auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Dans quelques minutes, nous entendrons Abdoul Aziz Thioye, responsable de la section du HCDH chargée de l’état de droit, s’exprimer sur cette nouvelle vision et sur le travail de fond du HCDH dans de nombreux domaines liés à l’état de droit, que nous continuerons de renforcer.

Excellences,

Je souhaite m’attarder quelques instants sur l’urgence de cette tâche qui consiste à instaurer la confiance en renforçant l’état de droit et les droits de l’homme. Permettez-moi de donner deux exemples.

Premièrement, malgré l’énorme potentiel des technologies, les scandales liés à Pegasus et à d’autres logiciels espions, ainsi que les outils de surveillance de masse ont démontré que la technologie peut constituer une menace immédiate pour l’état de droit et les droits de l’homme. Si l’intelligence artificielle a un potentiel positif évident, elle peut aussi être utilisée pour rendre des systèmes d’armes létaux autonomes, faciliter la surveillance de masse, exacerber la discrimination et la désinformation, limiter l’équité des procès et renforcer l’autoritarisme.

Afin d’exploiter le potentiel des technologies, l’état de droit doit fournir un cadre efficace à travers une réglementation claire et des garde-fous contraignants. En bref, pour être efficace et humaine, toute réglementation doit être fondée sur les droits de l’homme.

Mon deuxième exemple concerne le vaste domaine de la justice climatique. Notre travail de protection de l’environnement à travers l’état de droit se développe considérablement. Je pense à la reconnaissance du droit à un environnement sain par l’Assemblée générale. De nombreux pays recourent de plus en plus aux procédures judiciaires pour obliger les pollueurs à rendre des comptes. De nouvelles discussions sont en cours sur un crime d’« écocide » relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Je vois également se développer des possibilités dans les domaines de la défense de l’environnement, de l’établissement des responsabilités et de la prévention liées à l’état de droit.

Face à la gravité et à l’accélération des crises environnementales qui nous entourent, nous devons renforcer et accélérer nos efforts. Les droits de l’homme et l’état de droit peuvent constituer des garde-fous essentiels et une force motrice nous aidant dans notre recherche urgente de solutions durables à notre triple crise planétaire fondées sur nos valeurs communes.

Aujourd’hui, dans le cadre du thème du mois d’août sur la justice et de notre initiative d’un an visant à raviver l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme, je me tourne vers vous pour que vous preniez des mesures urgentes en réponse à ces défis et à d’autres encore. Je vous encourage à envisager d’éventuelles promesses de renforcement de l’état de droit et des droits de l’homme, notamment en plaçant l’état de droit et les droits de l’homme au centre des discussions lors du prochain sommet sur les ODD, le mois prochain, et lors du Sommet de l’avenir de 2024.

Nous devons rattraper notre retard concernant l’ODD 16, notamment grâce à un financement mondial adéquat, en fournissant un bilan sur ses indicateurs et en donnant la priorité à la mise en œuvre de ses engagements.

Nous devons aussi donner à nos sociétés les meilleurs outils possibles pour faire face aux menaces mondiales croissantes. Ces outils constituent un état de droit solide et la puissante cohésion sociale qui découle de la réalisation de l’ensemble des droits de l’homme dans un cadre d’égalité, d’équité et de justice.

Face aux bouleversements actuels, notamment les inégalités de plus en plus marquées et la montée des divisions et des griefs, nous pouvons et nous devons nous appuyer sur la vision du Secrétaire général. À travers elle, nous nous engageons à aider les États à mettre en place des systèmes de justice et d’état de droit plus réactifs, plus équitables, plus efficaces et fermement ancrés dans les droits de l’homme.

J’espère que la réunion d’information d’aujourd’hui nous donnera l’occasion de dialoguer sur la manière de renforcer notre action en faveur de l’état de droit et de tirer le meilleur parti des discussions mondiales à venir.

Merci.

Mots-clés