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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Volker Türk lance un « plan d’action » sur les droits économiques, sociaux et culturels

Rapport du HCDH sur les droits économiques, sociaux et culturels et le relèvement après la pandémie de COVID-19

15 septembre 2023

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Cinquante-quatrième session du Conseil des droits de l’homme

Madame la Vice-Présidente,
>Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,

Les droits humains sont un bien public mondial. Ils ne sont pas (et n’ont jamais été) des éléments accessoires que l’on peut choisir à sa guise.

Il y a 57 ans, lorsque le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été adopté, ce principe a été renforcé.

Les États Membres ont exprimé leur conviction selon laquelle les besoins fondamentaux de l’être humain, dont l’éducation, la santé, un travail décent, la sécurité sociale, un niveau de vie suffisant, le droit d’être à l’abri de la faim et l’accès à la science et à la culture, ne sont pas des services ou des produits, mais des droits humains dont chaque personne doit pouvoir jouir.

L’année dernière, l’Assemblée générale des Nations Unies a enfin reconnu qu’un environnement propre, sain et durable était un droit humain, dans une résolution historique soulignant qu’une planète prospère est indissociable du bien-être et de la dignité humaine.

Les pays ont convenu, comme ils l’ont fait lors de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que sans droits économiques, sociaux et culturels, les personnes ne peuvent pas participer pleinement à la vie civile et politique.

Que tous les droits, qu’ils soient civils, culturels, économiques, politiques ou sociaux, sont des obligations de même valeur et sont universels, indivisibles et interdépendants.

Et que le fait d’avoir l’un sans l’autre cause des fractures et des divisions.

Madame la Vice-Présidente,

La pandémie de COVID-19 et les crises sanitaires et économiques mondiales qu’elle a déclenchées ont mis en évidence de profondes inégalités au sein des pays et entre ces derniers, ainsi que des décennies de sous-investissement dans des systèmes et des services essentiels au respect des droits économiques, sociaux et culturels.

Toutefois, la COVID-19 nous a aussi montré ce qu’il est possible de réaliser lorsque les États investissent dans ces systèmes, et a démontré avec force à quel point ces derniers sont essentiels.

Des gouvernements du monde entier ont investi des milliards dans des régimes de sécurité sociale, y compris le revenu minimum universel, afin d’offrir une bouée de sauvetage aux personnes qui ont perdu leur emploi ou qui ne peuvent pas travailler.

Ils ont interdit les interruptions des services d’utilité publique.

Ils ont empêché des personnes dans l’incapacité de payer leurs factures d’être expulsées.

La mise en place de systèmes de soins de santé et d’éducation opérationnels est devenue une priorité à l’échelle nationale et mondiale.

Madame la Vice-Présidente,

Nous ne devrions pas avoir à subir une crise de santé publique mondiale pour réaliser l’importance des droits économiques, sociaux et culturels.

Pourtant, au lieu de tirer les leçons de la pandémie, dans de trop nombreux cas, ces droits sont encore considérés comme des éléments supplémentaires facultatifs ou des aspirations, et non comme des obligations contraignantes ou une feuille de route pour un avenir meilleur.

La promesse du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reste illusoire pour des milliards de personnes.

Les dépenses publiques consacrées aux droits économiques, sociaux et culturels à l’échelle mondiale sont nettement insuffisantes.

Il nous suffit de regarder les chiffres.

D’ici 2030, 84 millions d’enfants ne seront pas scolarisés et 300 millions n’achèveront pas le cycle d’enseignement primaire et n’acquerront pas les connaissances de base.

L’année dernière, environ deux milliards de travailleurs occupaient des emplois informels précaires, sans sécurité sociale.

Deux milliards de personnes sont également confrontées à des dépenses de santé catastrophiques ou entraînant leur appauvrissement.

Près de 600 millions de personnes souffriront de la faim d’ici 2030.

Deux milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’approvisionnement en eau potable gérés de façon sûre.

La pauvreté mondiale a également augmenté pour la première fois en 20 ans. Si les tendances actuelles se poursuivent, d’ici 2030, 574 millions de personnes, soit près de 7 % de la population mondiale, auront plongé dans l’extrême pauvreté.

Ces statistiques choquantes ont une dimension humaine, surtout si l’on considère l’impact profond et disproportionné qu’elles ont sur la vie des femmes et des jeunes filles.

Ces problèmes vont au-delà des frontières et de tous les autres clivages.

Madame la Vice-Présidente,

Le rapport présenté au Conseil aujourd’hui souligne les priorités du HCDH concernant la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et met en avant le besoin d’agir de toute urgence.

Si les États ne redoublent pas d’efforts pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels, à titre individuel et dans le cadre de la coopération internationale, nous avons très peu de chances d’atteindre les 17 objectifs de développement durable énoncés dans le Programme 2030.

Le Programme de développement durable est un programme axé sur les droits humains.

Je me suis exprimé cette année sur le concept d’une économie respectueuse des droits humains pour aider à garantir que les décisions et les politiques économiques et sociales soient guidées par les droits humains et investissent dans ces derniers.

Les économies respectueuses des droits humains mesurent leur réussite non pas en fonction de la taille du PIB, mais du bien-être de l’ensemble de la population.

Elles font en sorte que tous les enfants et les jeunes apprennent à l’école, que chaque personne ait accès aux soins de santé lorsqu’elle en a besoin, que tout le monde puisse se nourrir et que la sécurité sociale soit à la portée de tous.

Elles mettent en place des garde-fous pour protéger les droits humains, notamment dans le cadre des politiques fiscales, des budgets et des systèmes de prise en charge, et veillent à ce que les mesures visant à garantir les droits fondamentaux, tels qu’un logement convenable, une éducation de qualité, une alimentation et un environnement propre, sain et durable, soient protégés face aux mesures d’austérité.

Elles s’efforcent de réduire les inégalités, en particulier en ce qui concerne les questions de genre et d’éliminer la discrimination systémique et la corruption.

Elles cherchent à garantir un travail et des conditions de travail décents et équitables pour tous.

Elles donnent la priorité à des mesures robustes face à la triple crise planétaire, en défendant notre droit à un environnement propre, sain et durable.

Elles permettent aussi une participation active et significative et une prise de décision transparente, en particulier pour les groupes et les individus qui ont été historiquement mis à l’écart, notamment les femmes et les filles.

De tels systèmes économiques peuvent résister aux chocs les plus importants et les plus profonds.

Car il est essentiel de donner la priorité aux personnes et à la planète pour garantir notre bien-être social et économique au sens large, et pour soutenir le progrès humain.

Les ambitions du HCDH sont les mêmes que celles de mon mandat : faire des droits humains une réalité pour tous, partout au monde.

La vision exposée dans ce rapport a pour but d’aider chaque pays à atteindre cet objectif.

Notre approche sera guidée par une collaboration dans cinq domaines principaux.

Premièrement, nous aiderons les États à respecter leurs obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels, notamment par le biais de politiques macroéconomiques et budgétaires compatibles avec l’obligation d’utiliser au maximum les ressources disponibles.

Deuxièmement, en réponse à la demande croissante des pays de mettre en œuvre le principe de ne laisser personne de côté, nous renforcerons les efforts des États visant à s’attaquer aux causes profondes des inégalités et à donner la priorité aux personnes et aux communautés les plus touchées par des discriminations bien ancrées. Il faut pour cela adopter une approche particulière fondée sur l’âge, le sexe et la non-discrimination au sens large.

Troisièmement, les progrès réels en matière de droits économiques, sociaux et culturels dépendent des efforts déployés par l’ensemble de la société, des institutions nationales des droits de l’homme à la société civile, en passant par les entreprises et les parlements. En renforçant la participation active et significative de tous aux politiques et aux décisions, les pays peuvent réaliser des progrès en matière de développement, de paix et de sécurité, et renforcer la cohésion sociale et la confiance.

Quatrièmement, en réponse à l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une réforme urgente de l’architecture du système financier international, notamment pour traiter la question de la dette et des conditions dans les accords d’investissement et de prêt, nous travaillerons avec les institutions financières internationales et les institutions de financement du développement pour intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans leurs politiques et leurs opérations et pour promouvoir la coopération internationale et la mobilisation des ressources en faveur de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

Enfin, nous aiderons les États à utiliser le potentiel des données pour mieux comprendre, combler les lacunes et élaborer des politiques socioéconomiques ciblées, inclusives et efficaces, sur la base de données probantes.

Madame la Vice-Présidente,

Pour lutter contre les inégalités et réaliser les droits économiques, sociaux et culturels, le HCDH peut et devrait en faire plus. À mesure que les défis mondiaux se multiplient, les appels des États à nous soutenir se multiplient également.

Cependant, pour mettre en œuvre cette vision et développer notre travail, nous avons besoin de plus de ressources.

Le rapport met l’accent sur l’assistance technique, le renforcement des capacités et le soutien législatif pour élargir la marge de manœuvre budgétaire, lutter contre les inégalités et réduire la pauvreté, autant d’exemples concrets de la manière dont nous pouvons aider les États Membres à respecter leurs engagements en matière de droits économiques, sociaux et culturels.

Avec une équipe solide répartie dans le monde entier, nous pourrions fournir aux États Membres un soutien adapté au contexte et sur mesure pour stimuler l’investissement dans ces droits fondamentaux et concevoir des systèmes socioéconomiques efficaces fondés sur les droits, inclusifs, équitables et transparents, intégrés dans le cadre plus large des droits humains, qui sont indivisibles.

La vision présentée dans ce rapport est un plan d’action dans le contexte du relèvement après la pandémie, du climat économique actuel et de notre avenir.

Nous nous engageons à jouer notre rôle et comptons sur votre soutien, votre action concrète et votre coopération pour améliorer la situation des droits économiques, sociaux et culturels de tous, partout dans le monde.

Merci.