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À l’ouverture du Conseil des droits de l’homme, Volker Türk propose de nouvelles solutions axées sur les droits humains

26 février 2024

Le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres et le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk discutent durant le Conseil des droits de l’homme © HCDH

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Cinquante-cinquième session du Conseil des droits de l’homme

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Président du Conseil des droits de l’homme,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,

Ce Conseil entame cette session alors que le monde fait face à d’énormes chocs. Les conflits actuels brisent la vie de millions de civils et creusent des fossés encore plus profonds entre les nations.

La douleur et le massacre de tant de personnes au Moyen-Orient, en Ukraine, au Soudan, au Myanmar, en Haïti et dans tant d’autres régions du monde sont insoutenables. Lorsque nous discuterons ces prochaines semaines, pays par pays, nous devrons nous souvenir de leurs visages et de leur effroi.

Alors que des violations aussi atroces sont commises, est-il naïf d’exiger de tous les États qu’ils respectent leurs engagements en matière de droits humains ?

Ou s’agit-il d’une tâche cruciale : la plus importante, la plus conséquente, la plus urgente que chacun d’entre nous puisse entreprendre ?

Ne sont-ils pas, en réalité, nos seules garanties, essentielles, profondément enracinées, ancrant nos sociétés en ces temps de troubles et de désarroi ?

Les États Membres et de nombreux partenaires se sont rassemblés lors de la manifestation de haut niveau organisée en décembre à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce fut un moment important où nous avons pu réfléchir aux succès et aux échecs de la mise en œuvre des droits de l’homme, et à la manière dont nous pouvons faire mieux à l’avenir. Ce fut le point culminant d’une année riche marquée par de nombreux engagements à travers le monde, qui ont fait écho aux appels forts lancés pour que le monde tienne les promesses de la Déclaration universelle.

Des appels forts en faveur de mesures pour mettre fin aux conflits. Pour éradiquer la discrimination. Pour guérir nos systèmes économiques faussés et notre environnement meurtri. Des appels forts pour assurer des services de qualité, notamment en matière d’éducation et de soins de santé. Pour mettre un terme à la corruption. Pour que nous ayons notre mot à dire sur notre propre avenir. Et des appels qui demandent sans cesse aux États de changer de cap, afin que l’humanité puisse bénéficier d’une plus grande justice, d’un développement plus inclusif, d’une plus grande égalité et de la paix.

À l’issue de cet événement de deux jours, 153 États Membres ont formulé des engagements concrets, de même que des groupes de la société civile, des organismes des Nations Unies, des entreprises et d’autres acteurs : plus de 770 engagements en tout. Ces promesses vont du renforcement du rôle de premier plan des femmes et de l’égalité en matière d’emploi à la lutte contre l’extrême pauvreté, en passant par la garantie d’une justice transitionnelle et l’amélioration de l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à la protection sociale.

L’élan de soutien de la part du public, aux quatre coins du monde, a été tout aussi important. Selon le baromètre d’Open Society Foundations, une enquête menée auprès de 36 000 personnes dans 30 pays, la vaste majorité des participants ont convenu que les droits humains étaient une « force positive ». En d’autres termes, la majorité silencieuse adhère aux principes des droits humains qui garantissent le progrès et la justice dans toutes les sociétés et qui assurent la sécurité de notre monde.

Je suis heureux de lancer aujourd’hui le document Droits humains : une voie vers des solutions [NdT : titre provisoire en français], qui est le résultat du travail réalisé au cours de cette année de commémoration et qui servira à orienter le Sommet de l’avenir. Il énonce huit messages pour guider une action renouvelée en faveur de la paix, de systèmes économiques au service des populations et de la planète, d’une gouvernance efficace et de garde-fous pour les progrès numériques et scientifiques. Il élargit notre conception des droits, de manière à transformer les sociétés et notre communauté mondiale.

L’annonce faite par le Secrétaire général concernant l’engagement en matière de protection et l’Agenda pour la protection des Nations Unies permettra à l’ensemble des Nations Unies d’accorder la priorité à la promotion des droits humains dans toutes les circonstances, quelles que soient les difficultés rencontrées. Je me réjouis de travailler avec mes collègues des Nations unies pour mettre en œuvre cet engagement.

J’aborderai les différentes situations nationales tout au long de cette session du Conseil, particulièrement dans le cadre du bilan de la situation mondiale que je présenterai lundi prochain. En revanche, je voudrais souligner ce matin deux préoccupations majeures qui peuvent avoir des répercussions sur tous les pays.

Premièrement, les négociations sur les traités relatifs à la prévention des pandémies et à la cybercriminalité, ainsi qu’à la pollution plastique, et les discussions mondiales sur la réglementation de l’intelligence artificielle : toutes ces discussions sont en cours, mais elles ne tiennent pas suffisamment compte des obligations en matière de droits humains, ni des préjudices qui pourraient être causés à ces droits.

Deuxièmement, je suis troublé par les tentatives visant à porter atteinte à la légitimité et au travail des Nations Unies et d’autres institutions. Nous pouvons citer notamment les campagnes de désinformation qui ciblent les organisations humanitaires des Nations Unies, les Casques bleus et le HCDH. Les Nations Unies sont devenues le point de mire d’une propagande manipulatrice et le bouc émissaire des échecs politiques. Cela est profondément destructeur pour le bien commun et trahit sans ménagement les nombreuses personnes dont la vie en dépend.

Les Nations Unies sont particulièrement bien équipées pour permettre aux États de discuter de problèmes mondiaux urgents et de les résoudre, et ce pouvoir de rassemblement est particulièrement vital aujourd’hui, alors que l’ampleur des conflits, de la crise planétaire et de la transformation numérique exige des solutions urgentes. Les organismes humanitaires des Nations Unies aident des centaines de millions de personnes à rester en vie. Le travail des Nations Unies en faveur du développement et de la paix est absolument crucial pour toutes les nations. Le HCDH est chargé de suivre la situation des droits humains et d’en faire rapport, car les États ont convenu que les droits et la justice sont la meilleure manière d’aller de l’avant, voire la seule. Les efforts d’ouverture au dialogue et de protection des droits ne sont pas faciles pour tout le monde, mais ils sont essentiels pour nous tous.

Nous devons dépasser la vision manichéenne selon laquelle si vous n’êtes pas pour nous et contre nos ennemis, alors vous êtes vous aussi un ennemi. Au sein des pays, l’illogisme du « nous contre eux » crée des divisions de plus en plus dangereuses et destructrices, en particulier pendant les périodes préélectorales, qui sont nombreuses cette année. Il s’agit d’une politique de distraction, de bellicisme, qui engourdit lentement notre sens le plus profond de la compassion. En particulier en période de division et de peur profondes, voir l’humanité dans l’autre est la bouée de sauvetage qui peut nous éloigner du désastre.

Je puise force et espoir dans les puissants hommages rendus l’année dernière à la Déclaration universelle des droits de l’homme : les témoignages que nous avons entendus de la part de tant de personnes et les engagements significatifs qui ont été pris.

Le pouvoir des droits humains est ancré dans leur universalité : la valeur égale de chaque vie humaine qui est au cœur de ces droits. Les mêmes normes en matière de droits humains doivent être appliquées partout, et elles doivent constituer des critères pour les progrès futurs, et non des limites sous lesquelles nous placer.

Tous les êtres humains sont nés égaux. Toutes les victimes méritent une justice égale. Personne ne peut être laissé de côté. Et personne n’est au-dessus des lois.

Merci, Monsieur le Président.