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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Ilze Brands Kehris exhorte Israël à mettre fin à sa présence illégale dans le Territoire palestinien occupé et à l’occupation du Golan syrien dans plusieurs rapports communiqués à l’Assemblée générale de l’ONU

18 novembre 2024

Prononcé par

Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme

À

Quatrième Comité de l’Assemblée générale – New York

Merci, Madame la Présidente,
Monsieur l’Ambassadeur Pieris, 
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,

Depuis plusieurs décennies, l’occupation israélienne du Territoire palestinien empêche les Palestiniens d’exercer leur droit à l’autodétermination et de vivre dans l’égalité et la dignité.

Alors que nous entrons dans la deuxième année de cette horrible escalade du conflit, nous sommes témoins des effets atroces et cumulés de la guerre : une spirale sans fin de mort, de famine, de déplacements et de destruction, et une région en proie à une insécurité croissante.

Selon le Ministère de la santé de l’État de Palestine, au moins 43 000 personnes ont été tuées à Gaza depuis le 7 octobre 2023, 70 % d’entre elles étant des femmes et des enfants. Plus de 101 000 personnes ont été blessées et près de 1,9 million de personnes ont été déplacées, souvent à de nombreuses reprises, que ce soient des nouveau-nés, des personnes âgées, des femmes enceintes ou encore des personnes handicapées. Ces chiffres stupéfiants sont probablement en dessous de l’ampleur réelle de cette tragédie, car d’innombrables personnes sont encore ensevelies sous les décombres.

Ces chiffres effarants sont la conséquence directe de la conduite des hostilités à Gaza, en particulier des moyens et méthodes de guerre choisis par l’armée israélienne et du non-respect constant par Israël de ses obligations en tant que puissance occupante à Gaza. Les principes fondamentaux du droit international humanitaire (distinction, proportionnalité et précautions dans l’attaque) destinés à protéger les civils, de même que l’obligation d’Israël d’assurer l’approvisionnement en nourriture et en médicaments à la population de Gaza, ont été ignorés à maintes reprises.

Ces violations sont profondément ressenties en particulier dans le nord de Gaza, où la situation est devenue tout simplement apocalyptique. Depuis un mois et demi, la région est véritablement assiégée, les civils se voyant refuser l’aide de base et les produits de première nécessité, tandis que les bombardements répétés et les autres attaques se poursuivent. Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire a alerté sur la forte probabilité d’une famine imminente dans le nord du pays. Par ailleurs, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en garde contre les crimes de guerre et les risques de nouvelles atrocités criminelles.

Dans le cadre de cette catastrophe, l’armée israélienne a continué d’entraver l’entrée et la distribution de l’aide, et en restreignant les activités de l’UNRWA, Israël risque de violer ses propres obligations en tant que puissance occupante de répondre aux besoins en services essentiels (nourriture, logement, soins de santé et éducation) non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.

Dans le reste du Territoire palestinien occupé, à savoir la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, la situation se détériore rapidement en raison de l’aggravation de l’oppression, de la ségrégation et de la violence israéliennes. Les forces de sécurité israéliennes poursuivent une campagne d’assassinats ciblés contre les Palestiniens et de raids dans les camps de réfugiés et les villes de Cisjordanie, caractérisée par l’utilisation illégale de méthodes et d’armes conçues pour le combat. Les attaques violentes des colons, les arrestations massives, les mauvais traitements et les détentions arbitraires persistent, et ce en toute impunité. Un nombre record d’avant-postes a également été mis en place en parallèle à l’expansion continue des colonies, menaçant encore davantage les droits des Palestiniens, notamment en matière de sûreté et de sécurité.

Madame la Présidente,

Ces crises et ces difficultés qui s’accumulent nécessitent des efforts décuplés pour désamorcer la situation et établir une voie viable vers une paix et une sécurité durables.

Il faut un cessez-le-feu immédiat. Nous réitérons l’appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus à Gaza par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Nous réitérons également l’appel à la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement par Israël. Nous avons besoin d’un afflux immédiat et durable d’aide humanitaire partout à Gaza. Nous avons également besoin d’un rétablissement complet et urgent des services essentiels, ce qui est actuellement impossible sans l’UNRWA.

Fondamentalement, Israël doit mettre fin à sa présence illégale dans le Territoire palestinien occupé aussi rapidement que possible, conformément à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) de juillet dernier et à la résolution ES-10 (2024) de l’Assemblée générale adoptée en septembre. Pour cela, il doit mettre fin à toutes ses politiques et pratiques illégales, comme l’a constaté la CIJ, notamment en cessant toute nouvelle activité de colonisation et en abrogeant toutes les lois et mesures qui créent ou maintiennent cette situation illégale, ainsi que toutes les mesures visant à modifier la composition démographique de n’importe quelle partie du Territoire palestinien occupé. Le peuple palestinien doit pouvoir exercer pleinement son droit à l’autodétermination. Les Palestiniens et les Israéliens doivent pouvoir vivre côte à côte dans la paix, l’égalité et la dignité.

Madame la Présidente,

Depuis plus de 20 ans, le suivi et les rapports du HCDH sur l’évolution de la situation dans le Territoire palestinien occupé ont montré à cette Assemblée et au Conseil des droits de l’homme la persistance des violations du droit international humanitaire et des violations du droit international des droits de l’homme et des atteintes à ce dernier par Israël, ainsi que par les responsables palestiniens. L’absence généralisée d’établissement des responsabilités a créé les conditions propices à l’ampleur des graves violations du droit international auxquelles nous assistons actuellement.

Ce constat est illustré à nouveau dans deux rapports que je présente au point 50.

Le rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, présenté en application de la résolution 78/78 de l’Assemblée générale, couvre la période allant du 1er juin 2023 au 31 mai 2024.

Ce rapport fait le point sur les mesures accélérées prises par le Gouvernement israélien pour consolider son système discriminatoire et oppressif de contrôle des Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.

Le rapport décrit plusieurs mesures politiques et juridiques qui, selon la Cour internationale de Justice, renforcent le contrôle d’Israël sur le Territoire palestinien occupé, et souligne que le transfert des pouvoirs administratifs sur les terres et les colonies des autorités militaires à des fonctionnaires civils facilite encore le processus d’annexion par Israël. Le Gouvernement israélien a également simplifié le processus d’approbation de la construction des colonies et étendu la juridiction des administrations locales israéliennes aux colonies. Les colons israéliens bénéficient ainsi des mêmes services que les habitants d’Israël, ce qui efface encore davantage l’administration distincte du territoire occupé. Le rapport fait remarquer que ces mesures reflètent les faits sur le terrain, à savoir qu’Israël administre la Cisjordanie comme son propre territoire et d’une manière discriminatoire à l’égard de la population protégée.

Ces changements structurels se sont accompagnés d’une intensification des activités de colonisation après le 7 octobre 2023, qui ont atteint des niveaux record le 30 avril 2024, et ont eu des conséquences catastrophiques pour les droits des Palestiniens. Au cours de la période considérée, des plans pour 19 500 unités de logement ont été avancés ou approuvés, soit une augmentation de 86 %, ne serait-ce qu’à Jérusalem-Est. Le rapport indique que 30 nouveaux avant-postes ont également été créés, que l’attribution des titres de propriété à Jérusalem-Est s’est accélérée et que le développement des infrastructures, y compris des routes réservées aux colonies, s’est poursuivi en Cisjordanie. Ces mesures ont bloqué l’accès des Palestiniens aux terres et compromis la viabilité d’un État palestinien d’un seul tenant. Israël a également continué à appliquer illégalement des lois et des politiques discriminatoires en matière de logement, de propriété et de planification, ce qui a entraîné des démolitions systématiques, des saisies de structures appartenant à des Palestiniens et des expulsions forcées dans toute la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.

L’expansion des colonies s’est également accompagnée d’une nette augmentation de la violence des colons et des déplacements de Palestiniens qui en découlent depuis le 7 octobre, exacerbant une tendance à la hausse des violations des droits humains et des atteintes à ces droits commises par les colons ces dernières années.

Les effets de cette violence ont été particulièrement ressentis par les communautés bédouines et pastorales de la zone C de la Cisjordanie, dont l’existence sur leurs terres est menacée par l’environnement coercitif créé par ces violations, ainsi que par les restrictions discriminatoires à l’accès à la justice et à l’application de la loi. Le rapport souligne que cette violence a été rendue possible par la complicité, l’acquiescement, voire le soutien ou la participation des forces de sécurité israéliennes, dans un contexte d’impunité généralisée.

Le rapport conclut que l’établissement et l’expansion continue des colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé équivalent au transfert par Israël de sa propre population civile dans un territoire occupé, ce qui est contraire au droit international humanitaire. Ces informations coïncident également avec la conclusion récente de la CIJ selon laquelle certaines politiques et pratiques israéliennes dans le Territoire palestinien occupé sont incompatibles avec les obligations qui incombent à Israël en vertu des traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment l’interdiction de la ségrégation raciale et de l’apartheid conformément à l’article 3 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Dans son rapport, le Secrétaire général réitère ses recommandations à Israël de cesser immédiatement et complètement toutes les activités de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes des Nations Unies. Il demande instamment à Israël de mettre immédiatement fin à toutes les démolitions de propriétés palestiniennes et aux expulsions forcées, et de cesser toute activité susceptible de contribuer à l’instauration d’un environnement coercitif ou de conduire à des transferts forcés. En outre, il recommande de donner des ordres clairs et sans ambiguïté aux forces de sécurité israéliennes pour qu’elles assurent la protection de la population palestinienne contre la violence des colons, conformément à l’obligation d’Israël en tant que puissance occupante ; de garantir des enquêtes et des poursuites rapides, efficaces, approfondies, impartiales et transparentes sur tous les incidents de violence commis par les colons et les forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens ; et d’offrir aux victimes des voies de recours effectives. Enfin, le Secrétaire général recommande à tous les États tiers de prendre toutes les mesures légales nécessaires pour assurer efficacement le respect du droit international applicable.

Le deuxième rapport que je présente brièvement aujourd’hui est le rapport du Secrétaire général sur le Golan syrien occupé, qui est soumis conformément à la résolution 78/77 de l’Assemblée générale du 7 décembre 2023. Par sa résolution, l’Assemblée générale a demandé à Israël, en tant que puissance occupante, de se conformer aux résolutions pertinentes concernant le Golan syrien occupé, en particulier la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité, dans laquelle ce dernier a décidé notamment que la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration au Golan syrien occupé était nulle et non avenue et sans effet juridique international, et a exigé qu’Israël revienne sans délai sur sa décision.

Par cette résolution, il a également été demandé à Israël de renoncer à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut juridique du Golan syrien occupé et, en particulier, de renoncer à l’implantation de colonies de peuplement.

Le rapport résume les réponses des États Membres aux demandes d’information concernant les mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de cette résolution.

Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,

Ces problèmes liés aux droits humains et à la situation humanitaire continuent de s’aggraver chaque jour. Avant même l’escalade spectaculaire des hostilités entre Israël et le Hezbollah en septembre, 13 civils avaient été tués dans le Golan syrien occupé au cours des hostilités continues entre ces parties, dont 12 enfants dans un seul incident en juillet dernier. Plus que jamais, nous devons écarter la menace d’une guerre plus vaste et plus horrible encore, qui risque d’engloutir la vie, l’espoir et les droits humains des populations de toute la région.

Les recommandations du Secrétaire général offrent un moyen pratique pour prévenir de nouveaux cycles de violence. Mettre fin à la présence illégale d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et à son occupation du Golan syrien est une étape essentielle pour garantir la paix et la sécurité dans la région, dans le respect de l’état de droit international.

Merci.

Situation dans le Territoire palestinien occupé, en Israël et au Liban

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