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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Ilze Brands Kehris avertit le Conseil de sécurité de la situation catastrophique des droits humains pour les civils à Gaza

12 novembre 2024

Prononcé par

Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme

À

New York

Monsieur le Président,
Excellences,

La situation humanitaire et des droits humains des civils palestiniens à Gaza est catastrophique.

Selon les chiffres vérifiés par le HCDH, près de 70 % des personnes tuées à Gaza par des frappes, des bombardements et autres hostilités étaient des enfants et des femmes. La tranche d’âge la plus représentée dans les décès vérifiés est celle des enfants de 5 à 9 ans.

Selon le Ministère de la santé de l’État de Palestine, au moins 43 000 personnes ont été tuées depuis les terribles attaques du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens contre Israël le 7 octobre dernier. Plus de 100 000 personnes ont été blessées. Ces chiffres sont probablement sous-estimés, car de nombreuses personnes tuées ou blessées sont encore sous les décombres.

Près de 1,9 million de personnes ont été déplacées, souvent à plusieurs reprises, notamment des femmes enceintes, des personnes handicapées, des personnes âgées et des enfants. Les frappes israéliennes sur les abris et les bâtiments résidentiels continuent de tuer un nombre inadmissible de civils : femmes, hommes, jeunes et personnes âgées. Les attaques contre les présumées « zones de sécurité » prouvent qu’aucun endroit n’est sûr à Gaza.

Les activités de suivi du HCDH montrent que ce niveau sans précédent de morts et de blessés de civils est une conséquence directe des choix des parties quant aux méthodes et moyens de guerre, et de leur incapacité à respecter les principes fondamentaux du droit international humanitaire.

La manière dont ces frappes sont menées montre que les forces de défense israéliennes ont systématiquement violé les principes fondamentaux du droit international humanitaire de distinction, proportionnalité et précautions dans l’attaque. Les groupes armés palestiniens ont également mené des attaques ayant probablement contribué au nombre de victimes civiles.

Dans leur conduite des hostilités, Israël a détruit les infrastructures civiles de Gaza, y compris des lieux bénéficiant d’un statut de protection en vertu du droit international : hôpitaux, établissements scolaires et services vitaux tels que l’électricité, l’eau et les égouts. Cela contribue directement au risque de famine dont il est question aujourd’hui.

Israël a tué des centaines de membres du personnel médical, de la police civile, de journalistes et de travailleurs humanitaires, dont plus de 220 membres du personnel des Nations Unies.  Des milliers de Palestiniens ont été emmenés de Gaza en Israël, généralement menottés et les yeux bandés, et ont été détenus au secret.

Par ailleurs, on observe des interférences constantes et continues dans l’entrée et la distribution de l’aide humanitaire, qui est tombée à des niveaux parmi les plus bas depuis un an.

En tant que puissance occupante, Israël est tenu, en vertu du droit international, de protéger les civils palestiniens et de leur fournir les produits essentiels à leur survie.

Pourtant, l’impact cumulé de plus d’un an de destruction à Gaza a eu d’énormes conséquences : les services de base pour les Palestiniens de Gaza, qui forment le tissu de la société, ont été décimés. Les conditions de vie, en particulier dans le nord de Gaza, sont de moins en moins viables.

Monsieur le Président,

En ce qui concerne la situation dans le nord de la bande de Gaza, le dernier rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, organisme respecté et indépendant, alerte sur la forte probabilité d’une famine imminente.

Cette horrible possibilité ne peut être dissociée des attaques incessantes contre les droits humains des civils sur le terrain.

Ces cinq dernières semaines, l’armée israélienne a mené des frappes qui ont fait de très nombreuses victimes civiles dans le nord de la bande de Gaza, en particulier des femmes, des enfants, des personnes âgées, des malades et des personnes handicapées, dont beaucoup seraient pris au piège des restrictions militaires israéliennes et des attaques visant les voies d’évacuation.

Le schéma et la fréquence des attaques signalées suggèrent le ciblage systématique de lieux connus pour abriter un nombre important de civils, ou qui auraient dû être connus comme tels, ainsi que l’utilisation continue d’armes à large rayon d’impact dans des zones peuplées. Nous avons averti à plusieurs reprises que cela avait entraîné des pertes civiles disproportionnées. L’armée israélienne a également mené des attaques répétées contre les trois principaux hôpitaux de la région et contre d’autres infrastructures vitales, tout en limitant illégalement l’entrée et la distribution de l’aide humanitaire dans le nord de Gaza.

Le HCDH a montré comment, dès avril de cette année, les restrictions sévères imposées par Israël à l’entrée et à la distribution des biens et des services nécessaires à la survie de la population civile entraînaient un risque de famine et de famine à Gaza. Nous tenons à réitérer le fait que l’utilisation de la famine comme méthode de guerre contre la population civile est strictement interdite en vertu du droit international humanitaire.

Plus récemment, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a présenté une analyse détaillée des violations commises entre novembre 2023 et avril 2024. Les conclusions de ce rapport nécessitent de faire le point sur les graves allégations de violations du droit international.

La manière dont l’armée israélienne mène ses opérations dans le nord de Gaza suggère non seulement qu’Israël cherche par ses actions à vider le nord de Gaza des Palestiniens, en déplaçant les survivants vers le sud, mais aussi qu’il existe d’autres risques d’atrocités de la plus haute gravité.

Les groupes armés palestiniens doivent également se conformer au droit international humanitaire, notamment en s’abstenant de placer délibérément des objectifs militaires à proximité de civils et d’infrastructures civiles, et doivent prendre toutes les précautions possibles pour protéger la population civile sous leur contrôle des effets des attaques. Cependant, le fait que les groupes armés palestiniens ne respectent pas le droit international humanitaire ne supprime ni ne réduit l’obligation des forces israéliennes de s’y conformer.

Monsieur le Président,

Tous les États Membres, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, doivent donc évaluer les ventes ou transferts d’armes et la fourniture d’un soutien militaire, logistique ou financier à une partie au conflit, en vue de mettre fin à ce soutien s’il risque d’entraîner de graves violations du droit international.

Comme le Haut-Commissaire l’a déclaré à plusieurs reprises, la violence doit cesser immédiatement. Les otages et les personnes détenues arbitrairement doivent être libérés. Nous devons faire parvenir l’aide humanitaire à Gaza par toutes les voies et rétablir immédiatement les services essentiels. Il faut également que des autorités judiciaires crédibles et impartiales établissent les responsabilités et traitent les allégations de violations graves du droit international.

Les risques sont très réels et immédiats. Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire a demandé que des mesures soient prises dans les jours et non dans les semaines à venir. Nous demandons à ce Conseil de prendre toutes les mesures dont il dispose en vertu de la Charte pour inciter les parties à mettre fin aux violations, à faciliter un accès humanitaire impartial et à protéger les civils.  Cette guerre horrible doit cesser. Conformément à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice et à la résolution ES-10/24 de l’Assemblée générale, Israël doit mettre fin à sa présence continue dans le Territoire palestinien occupé aussi rapidement que possible et permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination.

La seule solution durable à ce conflit consiste à tracer une voie qui donne aux Palestiniens et aux Israéliens la possibilité de vivre côte à côte dans la paix, l’égalité et la dignité.

Merci.

Situation dans le Territoire palestinien occupé, en Israël et au Liban

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