Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Discours du Haut-Commissaire Volker Türk devant le Conseil des droits de l’homme à l’occasion de la Journée internationale des femmes : la discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles doit être démantelée, brique par brique
07 mars 2025
Prononcé par
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
À
Réunion du Conseil des droits de l’homme sur la Journée internationale des femmes
Excellences,
Il y a 30 ans, la mobilisation, la sagesse et l’expertise exceptionnelles des mouvements féministes et des organisations de défense des droits des femmes ont abouti à l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.
De grands progrès ont depuis été réalisés pour les femmes, les filles et les sociétés en général.
Plus de 160 pays ont adopté des lois pour lutter contre la violence domestique.
Le nombre de femmes siégeant dans les parlements du monde entier a plus que doublé depuis l’adoption de cette Déclaration.
En outre, 50 millions de filles supplémentaires ont été scolarisées dans le monde depuis 2015.
Ces progrès sont en grande partie dus aux pays qui ont défendu cette cause, tant au niveau national qu’international.
C’est aussi grâce aux défenseuses des droits humains des quatre coins du monde qui se sont battues, au prix de lourds sacrifices personnels, pour les libertés fondamentales dont jouissent automatiquement les hommes.
Ce courage, cette solidarité et cette détermination doivent être pour nous tous une source d’inspiration, car nous avons encore un long chemin à parcourir pour réaliser le changement transformationnel nécessaire pour les femmes du monde entier.
La discrimination à l’égard des femmes reste omniprésente dans nos sociétés et nos systèmes de gouvernance, et se manifeste dans tous les domaines de la vie.
Toutes les dix minutes, une femme est tuée par un partenaire intime ou par un membre de sa famille, et la plupart des cas ne sont pas recensés et ne font pas l’objet de poursuites.
Je m’inquiète de voir qu’on limite de plus en plus le droit des femmes à faire des choix concernant leur propre corps et que, par conséquent, on les prive du contrôle de leur propre vie.
Le harcèlement en ligne touche près de six femmes et filles sur dix et se transforme souvent en menaces réelles.
La haine, la diabolisation et les restrictions arbitraires des droits des femmes LGBTIQ+, en particulier des femmes transgenres, atteignent des niveaux sans précédent.
Le HCDH vient de publier un rapport qui montre que les contributions significatives des femmes au travail de soin et d’assistance restent largement non rémunérées ou sous-payées. Au niveau mondial, les femmes consacrent deux heures et demie de plus par jour que les hommes au travail domestique et de soins non rémunéré, ce qui creuse l’écart de pauvreté entre les femmes et les hommes. Ce travail n’est pas non plus pris en compte dans le calcul du produit intérieur brut.
Seuls 30 % des États Membres des Nations unies ont déjà eu une femme à la tête de leur gouvernement.
Au rythme actuel, il faudra environ cinq générations pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.
Mesdames et Messieurs les délégués,
Ces faits ne sont pas aléatoires sans lien entre eux.
L’affaiblissement, le refus ou le démantèlement des droits des femmes s’inscrivent dans une dynamique de pouvoir bien ancrée, qui tire profit du maintien d’un système de domination et d’assujettissement de la moitié de la population mondiale.
Cette vieille tactique se réinvente sous de nouvelles formes. Elle est utilisée dans les débats politiques, ou se révèle dans des promesses vides qui détournent l’attention du travail acharné nécessaire pour parvenir à l’égalité.
La discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles doit être démantelée, brique par brique, afin de faire place à un modèle de gouvernance fondé sur la parité totale dans tous les domaines de la vie.
La parité totale entre les hommes et les femmes nous aide à construire des économies durables et inclusives, et les renforce.
Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par l’urgence climatique. Leur expérience est donc riche d’enseignements pour l’élaboration d’une politique climatique durable, notamment en ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique.
Il est essentiel d’inclure les femmes dans la conception et le déploiement des nouvelles technologies afin d’éviter les préjugés et d’intégrer l’égalité des genres dans les algorithmes qui régissent nos vies numériques.
Sur ces questions comme sur d’autres, la voix des femmes dans toute leur diversité (les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes âgées, les femmes issues de minorités raciales, religieuses ou ethniques et de la communauté LGBTIQ+) est essentielle.
Cette année, nous célébrons également le 25e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Nous devons réaffirmer notre engagement à cet égard et garantir la participation égale et significative des femmes aux processus politiques, quel que soit le type de conflit, car la participation des femmes rend la paix plus durable. Il est choquant de voir que, lors des pourparlers de paix, la plupart des images ne montrent que des hommes.
Les États doivent redoubler d’efforts pour adopter ou renforcer des lois et des politiques visant à lutter contre la discrimination fondée sur le genre et veiller à ce que les auteurs de violations, allant de la violence fondée sur le genre au sexisme et à la misogynie, soient tenus de rendre des comptes. La défense et le soutien des défenseuses des droits humains et des organisations de femmes constituent un élément essentiel de ces efforts.
Toute la société est concernée par la protection et la promotion des droits des femmes et des filles.
Le secteur des entreprises doit également mettre en place et prendre des mesures concrètes pour augmenter le nombre de femmes occupant des postes de direction. Après tout, nous savons que cela rend les entreprises plus durables.
Les réseaux sociaux ont également un rôle majeur à jouer, en réglementant les discours haineux en ligne et en modérant efficacement les contenus. Cela peut aider les femmes à se sentir plus en sécurité pour s’exprimer et enrichir notre écosystème d’information.
Enfin, nous devons investir dans une éducation fondée sur les valeurs universelles que nous partageons tous, afin de permettre aux enfants et aux jeunes de déconstruire le patriarcat et les dynamiques de pouvoir au sens large. Le soutien des hommes et des garçons est essentiel. Ils doivent dénoncer le harcèlement et la misogynie et réclamer l’égalité totale.
Nous ne pouvons pas arrêter d’avancer, de défendre, de lutter et d’investir jusqu’à ce que nous ayons atteint l’égalité.
Nous sommes solidaires des femmes partout dans le monde.