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Le Haut-Commissaire Volker Türk demande plus de coopération à l’ouverture du Conseil des droits de l’homme

19 juin 2023

Le travail des militants de la société civile est essentiel à toute société – iStock © Getty Images Plus

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Cinquante-troisième session du Conseil des droits de l’homme

A partir de

Point 2 : bilan du Haut-Commissaire sur la situation mondiale

Lieu

Genève

Monsieur le Président du Conseil,
Excellences,
Chers amis,

Lorsque Trygve Lie, premier Secrétaire général des Nations Unies, a posé la première pierre du bâtiment new-yorkais qui allait abriter les Nations Unies, celle-ci renfermait un exemplaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les droits de l’homme sont littéralement la pierre angulaire des Nations Unies.

Depuis, les États ont mis en place un écosystème d’organismes internationaux de défense des droits de l’homme pour les aider à faire avancer cette cause. Parmi eux, les dix organes conventionnels, ce Conseil des droits de l’homme, avec son Examen périodique universel, ses enquêtes et ses titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, et le HCDH.

Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment crucial, 75 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 30 ans après la Déclaration de Vienne, avec en toile de fond des conflits qui s’enveniment, un Programme de développement durable qui dérape dangereusement et des atteintes à l’environnement qui menacent l’humanité. La coopération internationale est vitale pour promouvoir les droits de l’homme.

C’est ce que la Charte des Nations Unies pose comme principe.

C’est pourquoi, avant cette session du Conseil, j’axerai ma déclaration sur la coopération entre les États Membres et l’écosystème des organismes internationaux des droits de l’homme : un lien vital, solide car composé lui-même de nombreux liens, à l’image des cordes marines.

Une mauvaise coopération laisse les États à la dérive.

Une coopération sélective affaiblit la force de ce lien vital.

Monsieur le Président,

En collaborant avec une présence stable du HCDH sur le terrain, les États montrent qu’ils coopèrent de manière constructive pour faire progresser les droits de l’homme.

Quatre-vingt-quinze États ou territoires comptent des présences sur le terrain dans le domaine des droits de l’homme. Ils seront mentionnés sur la page Web du HCDH où sera publiée cette déclaration.1 Je tiens à saluer à leur engagement. Laissez-moi vous présenter quelques exemples.

La Colombie a récemment étendu la présence du HCDH sur le terrain à l’année 2032. Notre travail a grandement contribué à la paix, à une plus grande protection de l’espace civique, à l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis pendant le conflit armé, ainsi qu’à une approche de la justice transitionnelle centrée sur les victimes. En outre, la Colombie a récemment renouvelé les visites de pays effectuées dans le cadre des procédures spéciales du Conseil et collabore de manière constructive avec les organes conventionnels. Nous continuerons d’aider la réforme de la police, les efforts visant à protéger les défenseurs et défenseuses des droits humains et la mise en place des mesures de lutte contre la violence qui perdure. Le sauvetage de quatre enfants huitoto au début du mois, après avoir survécu seuls dans la jungle pendant 40 jours, a été une nouvelle encourageante, mais elle nous a aussi rappelé que de nombreuses personnes, comme leur famille, sont toujours contraintes de fuir la violence des groupes armés.

Au Honduras, le bureau du HCDH dans le pays collabore avec les autorités et la société civile sur les questions relatives à la justice, à l’examen de la législation et aux conflits fonciers, entre autres. Nous contribuons également à la création d’un modèle de développement respectueux des droits de l’homme qui vise à réduire la pauvreté, les inégalités et les dégâts causés à l’environnement. Je reste préoccupé par les conflits concernant l’accès à la terre, notamment dans la région du Bajo Aguan, et par les attaques contre les défenseurs des droits humains et de l’environnement, comme le meurtre la semaine dernière d’un autre défenseur de l’environnement, quelques mois après l’assassinat de son frère et d’un autre militant.

Au Guatemala, notre présence sur le terrain aide les autorités à surmonter les obstacles concernant les droits des femmes, des peuples autochtones et des personnes handicapées, les protections sociales, l’accès à la terre et les entreprises. Je suis profondément préoccupé par les attaques contre les membres du système judiciaire, les défenseurs des droits humains et les journalistes. L’extension de la présence du HCDH contribuerait à maintenir le soutien à l’État et à la société civile.

Il y a quatre mois, dans un contexte de manifestations politiques généralisées, le HCDH a formalisé un accord visant la mise en place d’un plan de travail de deux ans au Pérou. J’espère que des progrès seront réalisés dans de nombreux domaines, notamment la protection des défenseurs et défenseuses des droits humains liés à l’environnement, la prévention et la gestion des conflits sociaux et l’amélioration de l’accès à la justice. Pour mener à bien ce projet, la garantie du principe de responsabilité est essentielle, tout comme le respect de l’indépendance des principales institutions, notamment les organes électoraux et judiciaires.

Le HCDH mène des discussions avec la Bolivie pour continuer à coopérer et à suivre d’importantes questions relatives aux droits humains, suite à la décision du Gouvernement de mettre fin à la mission technique que nous avions déployée depuis 2019.

L’Ouganda a choisi de ne pas renouveler le mandat de notre bureau de pays, ce que je regrette profondément. Cette décision a été rapidement suivie par l’adoption d’une législation profondément inquiétante qui érige en infraction pénale l’homosexualité, exposant ainsi un groupe social particulier à la persécution. La dernière visite officielle en Ouganda au titre des procédures spéciales remonte à 2007. Face à l’aggravation des inégalités et aux restrictions croissantes de l’espace civique et politique, il est plus important que jamais de défendre les droits de l’homme. Nous restons déterminés à travailler avec l’Ouganda pour surmonter ces obstacles et je profite également de cette occasion pour exprimer ma solidarité et ma sympathie envers les victimes de l’horrible attentat perpétré la semaine dernière dans une école.

Au Kenya, notre équipe continue de travailler avec les organismes de sécurité pour assurer le respect des droits humains durant les opérations de maintien de l’ordre, notamment lors des manifestations. Nous coordonnons également l’appui fourni par les Nations Unies aux réformes de la police et des prisons. Le projet du Kenya concernant les entreprises et les droits de l’homme, lancé le mois dernier, est un exemple des progrès importants qui peuvent résulter de la coopération entre tous les organismes de défense des droits de l’homme. Ce projet est né d’une recommandation de l’EPU, à laquelle se sont ajoutées des recommandations supplémentaires du Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme. Je recommande de mener des efforts de suivi et de coopération avec les procédures spéciales à cet égard.

En Mauritanie, le soutien que nous apportons aux autorités se concentre en particulier sur la lutte contre la discrimination, notamment la question récurrente de l’esclavage, sur les droits des femmes et des filles et sur le renforcement de l’état de droit, en particulier avec les forces de sécurité intérieure. Le Gouvernement a facilité les enquêtes indépendantes sur les violations des droits humains et l’accès total du HCDH à tous les lieux de détention. Au moins 38 cas d’esclavage ont été portés devant les tribunaux en vertu de la loi sur la lutte contre l’esclavage, et dix jugements ont été rendus au cours des deux premiers mois de cette année. Je salue la coopération des autorités avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage lors de sa visite l’année dernière.

Concernant la requête du Mali concernant le retrait de la MINUSMA, soyons clairs : les droits humains doivent toujours prévaloir sur la politique. Dans l’exercice des responsabilités qui lui sont confiées, le Haut-Commissariat n’est guidé que par son mandat. Lorsque des violations graves des droits de l’homme sont commises, quels qu’en soient les auteurs, nous devons les surveiller, les recenser et en rendre compte, dans l’intérêt de l’ensemble de la population malienne, œuvrer en faveur de la prévention et apporter un soutien aux institutions nationales. Je suis tout à fait conscient de la complexité de la situation au Mali, ainsi que de la contribution du pays à la cause des droits humains, en particulier la Charte du Mandén, datant du XIIIe siècle. Les droits de l’homme sont essentiels pour l’avenir du pays, et le HCDH reste déterminé à poursuivre son travail au Mali en coopération avec les autorités de transition, la société civile et d’autres acteurs. En ce qui concerne l’annonce faite le mois dernier sur une éventuelle action en justice contre mon personnel et d’autres personnes, je compte sur les autorités pour respecter les privilèges et immunités des Nations Unies, et pour veiller à ce qu’aucune mesure de représailles ne soit prise contre les victimes, les témoins ou leurs proches.

Le Cambodge constitue notre plus long engagement sur le terrain et nous avons soutenu de nombreuses réformes juridiques et institutionnelles, mais je suis alarmé par le rétrécissement de l’espace civique à l’approche des élections nationales de juillet.

À Sri Lanka, bien que le Gouvernement ait malheureusement rejeté certains aspects des résolutions du Conseil relatives à la responsabilité, il a poursuivi le dialogue avec notre présence sur le terrain. Sri Lanka a reçu une douzaine de visites de titulaires de mandat au cours des dix dernières années et j’encourage les autorités à mettre en œuvre leurs recommandations.

Aux Philippines, un programme conjoint qui répond aux préoccupations identifiées par ce Conseil a fait l’objet d’un engagement fort de la part du Gouvernement, de la société civile, de la Commission nationale des droits de l’homme et des partenaires des Nations Unies. Les Philippines autorisent également à nouveau la tenue de visites dans le cadre des procédures spéciales après une interruption de plusieurs années. Il est essentiel que le Gouvernement multiplie ses efforts pour que les membres des forces de sécurité soient tenus responsables des exécutions extrajudiciaires et autres violations, et qu’il renforce la protection des défenseurs et défenseuses des droits humains.

Dans le Pacifique, afin de mieux protéger les droits des personnes déplacées en raison des changements climatiques, le bureau régional contribue à soutenir les Fidji et les Tuvalu dans l’élaboration d’un cadre régional solide sur la mobilité liée aux changements climatiques.

Avec le soutien du HCDH, la Mongolie a adopté la première loi d’Asie sur les défenseurs des droits humains. Elle a également mis en place un mécanisme national de prévention de la torture qui contribuera à résoudre des problèmes persistants dans les prisons. La semaine dernière, elle a adopté un plan d’action sur les entreprises et les droits de l’homme qui contribuera à remédier aux effets des industries extractives sur l’environnement.

Dans plusieurs pays de la région Asie-Pacifique, comme les Maldives et le Timor-Leste, le HCDH a contribué durant plusieurs années aux processus de transition visant à renoncer aux conflits ou à instaurer la démocratie. De la même manière, nous travaillons actuellement avec le Gouvernement du Népal sur un projet d’examen de la législation sur la justice transitionnelle. J’espère que les modifications prévues seront conformes aux normes internationales et seront axées sur les victimes, de manière à finaliser enfin cet élément important de l’accord de paix.

En Ukraine, notre Mission de surveillance des droits de l’homme a obtenu un accès illimité à l’ensemble du territoire contrôlé par le Gouvernement, y compris aux lieux de détention des civils et des prisonniers de guerre. Le Gouvernement collabore avec nous pour mettre en œuvre les recommandations et discuter de nos conclusions. La coopération de l’Ukraine avec la Commission d’enquête internationale indépendante du Conseil a aussi été importante, cette dernière pouvant accéder à tous les sites demandés. J’encourage l’Ukraine à poursuivre cette approche en fournissant à la Commission toutes les informations qu’elle demande.

J’exhorte la Fédération de Russie à coopérer avec tous les organes internationaux chargés des droits de l’homme, y compris le HCDH, pour faire face aux graves problèmes liés aux droits de l’homme que connaît le pays. On peut citer notamment la fermeture de l’espace civique, les procédures judiciaires ciblant les militants des droits de l’homme, les opposants politiques et les dissidents, et les allégations persistantes de torture et de mauvais traitements. En ce qui concerne l’Ukraine, je réitère la nécessité de coopérer avec la Commission d’enquête du Conseil et de permettre à mes collègues d’avoir accès au territoire ukrainien occupé par la Fédération de Russie et à la Fédération de Russie elle-même, notamment pour rencontrer les détenus civils, les prisonniers de guerre, et les enfants ukrainiens et les personnes handicapées qui ont été transférés dans ces régions.

Le HCDH demande depuis plusieurs années l’accès aux zones sous contrôle effectif des autorités de facto dans la région du Caucase du Sud. La population est davantage vulnérable en raison de l’absence de contrôles réguliers par les mécanismes de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme et de contact avec ces derniers. Un tel accès nous permettrait de mener des évaluations de la situation des droits de l’homme et de répondre aux besoins de la population, tout en contribuant à renforcer la confiance de cette dernière.

J’encourage l’Arménie et l’Azerbaïdjan à accélérer leurs efforts dans le domaine des droits humains. Je tiens également à souligner l’importance d’une circulation libre et sûre dans le corridor de Latchine et la nécessité d’éviter tout impact humanitaire sur les civils. 

Je suis profondément préoccupé par la détérioration de la situation des droits humains en Afghanistan, où les autorités talibanes de facto ont démantelé les principes les plus fondamentaux des droits humains, en particulier pour les femmes et les filles. Cependant, certaines possibilités se sont présentées, notamment grâce au Rapporteur spécial, à d’autres experts et à notre présence sur le terrain, par exemple en continuant à visiter les prisons.

L’Iran continue de coopérer formellement avec le HCDH, notamment sur les questions relatives à la discrimination à l’égard des femmes et des filles, à l’établissement des responsabilités face aux violations graves des droits de l’homme et aux exécutions imminentes. Pourtant, la mise en œuvre concrète des obligations de l’État au titre du droit international des droits de l’homme reste très limitée, et je suis préoccupé par la montée en flèche des exécutions, ainsi que par la discrimination persistante à l’égard des femmes et des filles. L’Iran ne coopère pas avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales et n’a reçu qu’un seul titulaire au cours des 17 dernières années.

Monsieur le Président,

L’Examen périodique universel du Conseil montre clairement que l’examen minutieux de la situation des droits de l’homme ne constitue en aucun cas une violation de la souveraineté, mais qu’il est une question d’intérêt international légitime. L’inclusion des points de vue de la société civile et ce cycle d’examen permanent contribuent à sensibiliser davantage la communauté internationale aux questions liées aux droits de l’homme et à focaliser l’attention sur le suivi.

L’EPU n’est pas un acte unique. Il s’agit d’un processus de quatre ans et demi qui doit aboutir à la mise en œuvre de recommandations. Toutefois, au quatrième cycle d’examen, comme dans les cycles précédents, de nombreuses recommandations sont simplement reconduites et répétées. Je demande donc à tous les États d’intensifier leurs efforts de mise en œuvre, afin d’exprimer leur véritable coopération avec l’EPU. Les rapports volontaires à mi-parcours peuvent être un outil utile à cet égard.

Le Conseil a par ailleurs créé 59 mandats au titre des procédures spéciales et 14 organes d’enquête.

Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales bénéficient généralement d’une coopération positive avec les États. En moyenne, ils effectuent 60 à 80 visites de pays par an, et 129 États leur ont adressé une invitation permanente. En effet, malgré la pandémie, dix États ont reçu cinq visites ou plus au titre des procédures spéciales au cours des cinq dernières années : l’Argentine, le Bangladesh, le Canada, l’Équateur, le Honduras, le Kirghizistan, les Maldives, la Mongolie, le Qatar et la Tunisie.

Cependant, 19 pays2 n’ont fait l’objet d’aucune visite au cours des cinq dernières années, bien qu’ils aient reçu au moins cinq demandes, et que sept3 de ces États aient adressé une invitation permanente.

Je suis profondément préoccupé par le fait que plusieurs titulaires de mandat ont fait l’objet de violences et de menaces. Ces attaques portent atteinte au Conseil lui-même. Tout discours de haine ou d’incitation à la violence à l’encontre des titulaires de mandat, en ligne ou hors ligne, est inacceptable. Je ferai tout mon possible pour soutenir l’indépendance et l’intégrité des procédures spéciales.

Un certain nombre de mandats de pays et d’organes d’enquête du Conseil sont confrontés à de graves problèmes de coopération et d’accès.

Le Soudan du Sud fait exception et je prends acte de l’accord du Gouvernement pour permettre à la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud de baser son secrétariat dans le pays. Cela renforce considérablement la capacité de la Commission à aider le Gouvernement à relever les nombreux défis du pays en matière de droits de l’homme. Malheureusement, les incidents violents signalés touchant des civils ont augmenté de 12 % au cours des trois premiers mois de cette année, et les autorités n’ont guère pris de mesures pour obliger les auteurs de ces actes à rendre des comptes, alors que de hauts responsables prétendument impliqués dans des crimes graves sont toujours en poste.

La Syrie n’a pas participé à la Commission d’enquête du Conseil, ni au Mécanisme international, impartial et indépendant, et a reçu seulement trois visites dans le cadre des procédures spéciales au cours des huit dernières années. Si la Syrie collabore avec le HCDH à Genève, elle ne coopère plus avec notre bureau à Beyrouth depuis 2011. La situation des droits de l’homme reste désastreuse. J’espère que les autorités prendront part à la nouvelle initiative de l’Assemblée générale pour traiter de la question des personnes disparues, et que cela engendrera une plus grande coopération.

L’Érythrée a rejeté tout engagement avec le Rapporteur spécial sur l’Érythrée, ainsi qu’avec la précédente Commission d’enquête et l’enquête conjointe du HCDH et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme. L’Érythrée n’a jamais fait l’objet d’une visite dans le cadre des procédures spéciales, alors que ce pays est actuellement membre du Conseil. Je demande à l’Érythrée de changer d’approche et de coopérer avec l’ensemble des organismes de défense des droits de l’homme.

L’Éthiopie a coopéré avec le HCDH, ce qui nous a permis de déployer des dispositifs internationaux de suivi des droits de l’homme dans le nord. Je note également les possibilités de coopération concernant l’élaboration d’une politique globale de justice transitionnelle. Toutefois, l’Éthiopie n’entretient pas de relations avec la Commission internationale d’experts des droits de l’homme créée par le Conseil, et je continue d’encourager de telles relations avant la publication de son rapport.

Le régime militaire au Myanmar a refusé de coopérer avec la Mission d’établissement des faits du Conseil, le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar et le Rapporteur Spécial. Le HCDH n’a pas pu se rendre dans le pays depuis 2019Dans le même temps, les militaires ont renversé le Gouvernement démocratiquement élu et ont commis des violations généralisées des droits de l’homme qu’une présence des droits de l’homme sur le terrain aurait pu contribuer à atténuer ou à prévenir.

De même, le HCDH n’a pas pu se rendre au Nicaragua depuis 2018 et le Groupe d’experts des droits de l’homme mis en place l’année dernière n’a obtenu aucune coopération de la part du Gouvernement. Les autorités ont continué à porter atteinte aux droits humains du peuple nicaraguayen, en exerçant une répression extrêmement sévère sur la société civile et en réduisant considérablement l’espace civique, notamment en annulant le statut juridique de nombreuses organisations. Le Nicaragua n’a pas participé aux trois derniers examens des organes conventionnels, et la dernière visite officielle d’un titulaire de mandat au titre des procédures spéciales a eu lieu il y a 14 ans. Le Nicaragua quittera également l’Organisation des États américains en novembre prochain, ce qui isolera encore davantage le pays, et aggravera la peur et la vulnérabilité de sa population. Je réitère l’appel au dialogue du HCDH auprès du Gouvernement, comme je l’ai exprimé dans deux lettres que j’ai envoyées au Ministre des affaires étrangères, restées sans réponse.

La République populaire démocratique de Corée s’est également isolée en renonçant à de nombreuses possibilités de coopération avec le système des droits de l’homme des Nations Unies. Auparavant, bien qu’elle ait systématiquement rejeté les résolutions et les mandats de pays du Conseil, y compris la présence d’un Rapporteur pour le pays, elle avait pris part aux mandats thématiques et aux organes conventionnels. Toutefois, le pays accuse aujourd’hui du retard dans la présentation de ses rapports aux organes conventionnels ; il n’y a pas eu de visite dans le cadre des procédures spéciales depuis 2017 ; et le pays n’a pas donné suite aux offres d’assistance technique du HCDH. Avec la réouverture du pays après la pandémie, et dans l’esprit de l’initiative « Droits humains 75 », j’espère que de nouvelles possibilités de coopération se présenteront.

J’encourage également le Bélarus de revoir sa décision et de coopérer pleinement avec les organes des Nations Unies chargés des droits de l’homme. La récente visite du Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants s’est limitée à la situation à la frontière avec la Pologne. Le Bélarus refuse de participer au processus d’examen de la situation des droits de l’homme du HCDH demandé par ce Conseil, et de collaborer avec le Rapporteur spécial sur le Bélarus et les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales chargés des droits civils et politiques. Bien que le Bélarus ait rempli jusqu’à présent ses obligations formelles en matière de présentation de rapports aux organes conventionnels, il s’est retiré du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et a mis fin à notre présence sur le terrain en 2021. Cela limite considérablement la capacité du HCDH à fournir l’assistance dont le pays a profondément besoin.

Depuis 2016, le Burundi refuse l’accès à la Commission d’enquête du Conseil et aux procédures spéciales, y compris au mandat de pays et a cessé toute coopération avec ces organes. Il a demandé la fermeture de notre présence sur le terrain en 2019. Compte tenu de la fragilité persistante du pays, de l’absence généralisée de l’établissement des responsabilités et des inégalités, un plus grand engagement nous permettrait de favoriser un espace civique plus ouvert, et de traiter d’autres questions urgentes.

Je suis gravement inquiet face à la dégradation de la situation dans le Territoire palestinien occupé. En Cisjordanie occupée, l’usage excessif de la force et les homicides illicites de Palestiniens par les forces de sécurité israéliennes ont augmenté, y compris les exécutions extrajudiciaires apparentes. La récente escalade de la violence à Gaza, ainsi que le transfert forcé de Palestiniens au moyen d’expulsions, de la destruction de logements, de l’expansion des colonies et de la violence des colons exigent également des solutions fondées sur les droits de l’homme. Cependant, si la coopération d’Israël avec l’EPU le mois dernier a été constructive, sa collaboration avec les procédures spéciales et la Commission d’enquête internationale indépendante est quasi inexistante. En outre, depuis trois ans, les autorités n’accordent pas de visas à mes collègues internationaux pour qu’ils puissent suivre l’évolution de la situation sur le terrain. J’espère sincèrement que l’acceptation par Israël de recommandations clés au cours de son quatrième cycle de l’EPU jettera les bases d’un engagement renouvelé et constructif avec le HCDH et l’écosystème des droits de l’homme des Nations Unies.

Monsieur le Président,

Les traités relatifs aux droits de l’homme et les dix organes conventionnels qui surveillent leur mise en œuvre constituent le fondement du travail de tous les autres organes de défense des droits de l’homme, y compris ce Conseil.

Par exemple, au cours de l’année écoulée, la Chine a coopéré avec plusieurs organes conventionnels, menant ainsi à la création d’orientations importantes en matière de suivi. Elles portent notamment sur des questions en lien avec la loi sur la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong, la discrimination à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, les politiques d’assimilation qui portent atteinte à l’identité des minorités, y compris du peuple tibétain, ainsi que les restrictions imposées à l’espace civique. Le HCDH cherche à coopérer davantage avec la Chine sur ces questions et d’autres, et nous encourageons la Chine à solliciter l’expertise des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales.

La présentation régulière de rapports aux organes conventionnels fait partie des principaux engagements de la part de chaque État ; et elle ne nécessite pas un PIB élevé. Contrairement à de nombreux États plus riches, le Sénégal a ratifié tous les principaux traités relatifs aux droits de l’homme et s’est acquitté de toutes ses obligations en matière de présentation de rapports. J’ai récemment été informé de certaines inquiétudes, mais il est important de reconnaître qu’il s’agit d’un pays qui a une longue tradition de coopération positive. Le Belize, qui a également ratifié tous les traités fondamentaux, a réalisé des progrès significatifs dans l’établissement de ses rapports, avec l’aide du HCDH. Le Samoa a ratifié six traités et des discussions sont en cours concernant la ratification d’un septième ; elle dispose également d’un mécanisme de suivi très efficace.

Malgré ces exemples de pays moins riches qui coopèrent pleinement avec des organes conventionnels, le système dans son ensemble est confronté à un manque important de coopération de la part de ses États parties.

Seulement 37 États ou organisations régionales4 sont actuellement à jour concernant toutes leurs obligations en matière de présentation de rapports aux organes conventionnels.

Au total, 601 rapports sont en retard. Les rapports de 78 États5 sont en retard depuis plus de dix ans.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, dont les objectifs et les recommandations sont fondamentaux pour tous les droits de l’homme, partout dans le monde, est l’organe conventionnel enregistrant le taux le plus faible de rapports à ce jour. Cette année, alors que nous célébrons le 75e anniversaire de la Déclaration universelle, il est nécessaire que tous les États mettent en œuvre au plus vite les recommandations formulées par les organes des Nations Unies pour la lutte contre le racisme et dans le programme de transformation pour la justice et l’égalité raciales. J’exhorte tous les États à prendre des mesures décisives pour démanteler le racisme systémique dans tous les domaines, notamment dans le contexte de l’application de la loi, en particulier à l’encontre des Africains et des personnes d’ascendance africaine.

L’année dernière, le Sous-comité pour la prévention de la torture a été contraint de suspendre sa visite en Australie6 en raison d’un manque de coopération de la part des autorités au niveau régional. Je tiens également à mentionner le refus du Nicaragua d’approuver la visite du Sous-Comité cette année.

Les retards accumulés dans l’examen des rapports des États parties et dans les communications émanant de particuliers sont alarmants. Au 30 avril, 385 rapports d’États parties étaient en attente d’examen. Il faudrait aux comités un peu plus de trois ans pour rattraper ce retard, avec les ressources actuelles, sans tenir compte des nouveaux rapports qui arriveraient pendant cette période. La situation concernant les plaintes émanant de particuliers est également désastreuse, plus de 1 800 plaignants attendant actuellement une décision sur leur cas. Il est clair que nos ressources ne sont pas à la hauteur de ces tâches importantes et nous demandons aux États Membres de nous soutenir davantage.

Le processus de renforcement des organes conventionnels a atteint un stade crucial. Nous devons absolument mettre en place un système d’organes conventionnels plus durable, plus rentable et mieux adapté aux besoins. La résolution biennale de l’Assemblée générale sur le système des organes conventionnels en décembre 2024 sera une occasion importante pour les États Membres d’adopter des mesures. Le HCDH a formulé plusieurs solutions7 pour établir un calendrier prévisible d’examen des rapports des États, harmoniser les méthodes de travail des organes conventionnels et réaliser des progrès dans le domaine numérique. J’espère vivement que vous pourrez participer à ce processus, afin que nous obtenions un résultat solide en décembre 2024.

Pour que les organes conventionnels soient efficaces, leur composition doit également être diversifiée, y compris concernant l’équilibre entre les sexes, or il n’y a actuellement que deux femmes parmi les 11 candidats désignés par les États parties pour les prochaines élections au Comité contre la torture. J’ai donc l’intention de publier une infographie sur la composition par sexe de tous les mécanismes des droits de l’homme afin que les États puissent assurer une représentation équilibrée des sexes parmi les experts qu’ils nomment.

Dans le cadre de l’initiative « Droits humains 75 », le HCDH a lancé une campagne pour promouvoir la ratification de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme et les protocoles facultatifs.

La Convention relative aux droits de l’enfant est l’instrument le plus ratifié, 196 États l’ayant signé. En d’autres termes, chaque État Membre est signataire de ce traité, à l’exception des États-Unis d’Amérique. J’encourage les États-Unis à le ratifier, ainsi que les cinq autres traités relatifs aux droits de l’homme qu’ils n’ont pas encore ratifiés. Je suis également d’accord avec le Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre qui, à la suite d’une visite de coopération aux États-Unis, a noté que « l’héritage profond et durable » de l’esclavage se manifeste notamment par une discrimination raciale structurelle dans l’application de la loi. Ce constat nécessite l’adoption de mesures urgentes, tout comme l’incarcération disproportionnée, la pauvreté, les problèmes de santé et la mortalité, dont les décès maternels, des personnes d’ascendance africaine. Je prends note de l’approche positive des États-Unis à l’égard de ce mécanisme.

Monsieur le Président,

Les attaques ciblant les personnes qui coopèrent avec les Nations Unies constituent une forme particulièrement insidieuse de non-coopération et peuvent avoir un effet dissuasif sur l’ensemble de l’espace civique. Conformément à la résolution 12/2 du Conseil, 13 rapports sur les intimidations et les représailles ont été publiés par le Secrétaire général, avec des informations sur plus de 700 cas ou incidents de représailles dans 77 pays. Le rapport de 2022 contient des allégations d’incidents ayant eu lieu dans 42 pays. Parmi ces derniers, 12 États sont actuellement membres de ce Conseil.

Toutefois, le rapport annuel sur les représailles ne dresse pas un tableau complet de la situation. Lorsque les actes d’intimidation et de répression sur la société civile sont tels que les gens ne veulent tout simplement plus prendre le risque de coopérer avec des organismes internationaux, à terme nous ne recevrons aucun rapport sur les représailles, car personne n’osera communiquer avec nous. Je suis profondément préoccupé par cet étranglement de la société civile dans plusieurs pays.

Monsieur le Président,

Il y a 30 ans, la Déclaration de Vienne a ouvert la voie à la création du HCDH, qui est au cœur de l’écosystème des droits humains des Nations Unies.

Au cours des 30 dernières années, le HCDH est passé de 2 à 101 présences sur le terrain, dans 95 pays. Cela montre que le fait de coopérer avec nous pour faire progresser les droits de l’homme présente d’immenses avantages pratiques largement reconnus, notamment notre capacité à partager les meilleures pratiques entre États.

Nous souhaitons à présent accroître la coopération, notamment en Asie centrale, au Brésil, en Équateur, au Kenya, au Mozambique et aux États-Unis, ainsi que dans la région des Caraïbes. Je pense également qu’il est important pour nous d’établir pour la première fois une présence en Chine et en Inde, deux pays qui, ensemble, représentent plus d’un tiers de la population mondiale.

Il est également essentiel que le HCDH intensifie son travail dans certaines situations humanitaires, qui déclenchent presque invariablement, ou exacerbent considérablement, les problèmes liés aux droits humains. Nos orientations doivent être plus profondément intégrées dans tous les aspects liés à l’alerte précoce et à l’action précoce, à la planification et à la préparation, ainsi qu’aux réponses opérationnelles des Nations Unies aux conflits et aux catastrophes. J’espère également que vous soutiendrez activement notre programme de conseillers pour les droits de l’homme.

Pour atteindre ces objectifs, nous devons doubler le budget du HCDH dans les années à venir. Nous avons aussi besoin d’un plus grand soutien politique. À terme, il devrait y avoir un bureau du HCDH dans tous les pays, afin d’apporter un soutien, mais aussi de tirer parti de l’expérience de chaque pays en matière de lutte pour les droits de l’homme.

Un HCDH fort et un écosystème des droits de l’homme sain et doté de ressources suffisantes constituent un bien public mondial, en particulier en ces temps difficiles.

Merci, Monsieur le Président.


[1] Afghanistan, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belize, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, El Salvador, Eswatini, Éthiopie, Fédération de Russie, Fidji, Gambie, Géorgie, Guatemala, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Guyana, Haïti, Honduras, Iraq, Jamaïque, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kosovo, Kirghizistan, Liban, Lesotho, Libéria, Libye, Madagascar, Malawi, Malaisie, Maldives, Mali, Mauritanie, Mexique, Moldova, Mongolie, Monténégro, Mozambique, Népal, Niger, Nigéria, Macédoine du Nord, Palestine, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, Qatar, République centrafricaine, République du Congo, République démocratique du Congo, République de Corée, République dominicaine, Rwanda, Samoa, Sénégal, Serbie, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Sri Lanka, Suriname, Tadjikistan, Tchad, Thaïlande, Timor-Leste, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Ouganda, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Yémen, Zambie et Zimbabwe.

Toute référence à l’État de Palestine doit être comprise conformément à la résolution 67/19 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Toute référence au Kosovo doit être comprise conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjudice du statut du Kosovo.

[2] Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Cameroun, Cuba, Côte d’Ivoire, Haïti, Inde, Israël, Malawi, Nicaragua, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Ouganda, Zambie

[3] Inde (19) ; Rwanda (9) ; Cameroun, Papouasie-Nouvelle-Guinée (6) ; Malawi, Nicaragua, Zambie (5)

[4] Allemagne, Andorre, Arménie, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bélarus, Belgique, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chili, Danemark, El Salvador, États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Finlande, France, Honduras, Islande, Iraq, Italie, Kazakhstan, Kiribati, Koweït, Lituanie, Norvège, Ouzbékistan, Pays-Bas, Philippines, Qatar, Sénégal, Singapour, Suède, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine, Union européenne

[5] Afrique du Sud, Algérie, Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Belize, Bolivie, Botswana, Brunéi Darussalam, Burundi, Cabo Verde, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Croatie, Chypre, Djibouti, Dominique, Érythrée, Eswatini, Gabon, Gambie, Ghana, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Guyana, Haïti, Hongrie, Îles Salomon, Inde, Indonésie, Jamaïque, Jordanie, Kenya, Liban, Lesotho, Libéria, Libye, Madagascar, Malawi, Malaisie, Maldives, Mali, Malte, Mauritanie, Maurice, Monaco, Mozambique, Namibie, Nigéria, Ouganda, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, République arabe syrienne, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République dominicaine, République populaire démocratique de Corée, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Saint-Marin, Serbie, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Suriname, Tanzanie, Tchad, Timor-Leste, les Tonga, Trinité-et-Tobago, Vanuatu, Yémen, Zambie

[6] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/un-torture-prevention-body-terminates-visit-australia-confirms-missions

[7] https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/treaty-bodies/annualmeeting/35meeting/2023-06-19-Working-paper-implementation-treaty-body-Chairs-conclusions.docx