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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Ukaine : Volker Türk réitère son appel à une paix juste

12 juillet 2023

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Cinquante-troisième session du Conseil des droits de l’homme

A partir de

Dialogue interactif sur l’Ukraine (résolution 47/22) et rapport de situation du Secrétaire général sur les droits humains en Crimée (résolution 77/229 de l’Assemblée générale)

Monsieur le Vice-Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les représentants,

La guerre insensée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine continue de donner lieu à des violations graves et généralisées des droits de l’homme.

Vendredi dernier, qui fut le 500e jour de ce conflit, notre mission de surveillance des droits de l’homme a souligné le prix effroyable de la guerre payé par la population ukrainienne. Plus de 9 000 civils, dont plus de 500 enfants, ont été tués depuis le début de la guerre, le 24 février 2022. Les chiffres réels sont très probablement beaucoup plus élevés.

Le rapport A/HRC/53/CRP.3, que vous pouvez voir devant vous, examine la situation des civils détenus dans le cadre de cette guerre. Il s’appuie sur 274 visites de sites effectuées par mes collègues, dont 70 visites de centres de détention officiels, et des entretiens avec 1 136 personnes.

Avant d’aborder ce rapport plus en détail, je tiens à souligner une nouvelle fois que le travail de surveillance du HCDH, qui est au cœur de notre mandat, respecte les normes les plus strictes en matière d’impartialité, de professionnalisme, d’objectivité et de non-sélectivité. Ces principes ont guidé la collecte des données présentées dans ce rapport, comme dans tous les autres rapports produits par le HCDH. C’est grâce à notre rigueur et au soin apporté à la collecte et à l’analyse des données et des éléments de preuve que nous sommes en mesure d’établir les faits et de garantir l’établissement des responsabilités avec la plus grande force.

Dans le rapport qui vous est présenté, nous avons recensé la détention arbitraire de plus de 900 civils, dont huit enfants, entre le 24 février 2022 et le 23 mai 2023.

La Fédération de Russie a refusé de fournir un accès aux lieux de détention, ce qui conduit inévitablement à une sous-estimation. Malgré cela, nous avons pu interroger 178 personnes détenues par la Fédération de Russie après leur libération. Au total, 864 des cas que nous avons enregistrés ont été perpétrés par la Fédération de Russie. Nombre de ces cas étaient des détentions au secret, ce qui équivaut à des disparitions forcées. Nous avons également recensé l’exécution sommaire de 77 civils détenus arbitrairement par la Fédération de Russie. Plus de 90 % des personnes détenues par la Fédération de Russie que nous avons pu interroger ont déclaré avoir été soumises à des actes de torture et à des mauvais traitements, dont des cas de violences sexuelles dans certains cas, par le personnel des services de sécurité russes.

Parmi les civils détenus par la Fédération de Russie que nous avons pu interroger figuraient des responsables locaux, des bénévoles humanitaires, d’anciens soldats, des opposants politiques présumés, des prêtres et des enseignants. Dans 26 % des cas, ils ont été transférés dans d’autres lieux de l’Ukraine occupée ou de la Fédération de Russie, sans que leurs familles en soient informées. Nous avons également relevé plusieurs cas qui suggèrent que des civils détenus ont été utilisés par les forces armées russes comme « boucliers humains » afin de protéger certaines zones des attaques militaires.

Ces informations sont choquantes. Elles nécessitent que la Fédération de Russie prenne des mesures concrètes pour instruire son personnel et veiller à ce qu’il respecte le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire.

Le HCDH a eu un accès étendu et sans entrave aux lieux de détention sous le contrôle des autorités ukrainiennes. Je tiens à reconnaître et remercier le Gouvernement pour cette coopération, qui s’inscrit dans un contexte de crise nationale et de survie. Nous avons relevé 75 cas de détention arbitraire. La plupart d’entre eux étaient des personnes soupçonnées d’infractions pénales liées à la guerre, et de nombreuses détentions arbitraires résultaient de modifications trop larges apportées à la législation pénale sous la loi martiale. Nous avons également constaté que le personnel ukrainien dans les lieux de détention non officiels ou, dans une bien moindre mesure, dans les centres de détention provisoire officiels, s’est livré à des actes de torture ou à des mauvais traitements, y compris des violences sexuelles, le plus souvent sous la forme de menaces.

Je suis particulièrement préoccupé par le fait que la « loi sur les activités de collaboration » adoptée en mars 2022 criminalise un large éventail de comportements, y compris des comportements qui peuvent être autorisés par le droit international humanitaire, et a conduit à des cas de détention arbitraire.

Monsieur le Vice-Président,

Le rapport A/HRC/53/64 du Secrétaire général souligne les violations des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol temporairement occupées, ainsi que dans les zones occupées par la Russie dans les régions de Kherson, Zaporijia, Donetsk et Lugansk en Ukraine.

Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022, le HCDH a recensé 60 arrestations arbitraires dans ces régions par des agents de sécurité russes, ainsi que des disparitions forcées et des actes de torture.

En ce qui concerne la conscription forcée, les autorités russes ont annoncé que 2 500 hommes de Crimée ont été enrôlés au cours de la période considérée, et le HCDH a recensé 112 poursuites pénales pour insoumission au service militaire en 2022.

Je suis aussi gravement préoccupé par les transferts de population. Au cours de la période considérée, le HCDH a recueilli des informations concernant 23 habitants arrêtés par les forces de sécurité russes et transférés de l’autre côté de la frontière administrative jusqu’en Crimée, apparemment menottés et les yeux bandés. Dans le même temps, les autorités russes ont continué à transférer hors de Crimée des citoyens ukrainiens qu’elles considéraient comme des « étrangers ».

En Crimée et dans les régions occupées de l’Ukraine, nous avons constaté des violations massives des droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association, y compris de nouvelles sanctions pour avoir exprimé publiquement des opinions qui « discréditent » les forces armées russes, ainsi qu’une nouvelle détérioration des conditions dans lesquelles les défenseurs des droits humains exercent leurs activités. Les enseignants ont été poussés à soutenir activement l’invasion russe et à encourager les enfants à adopter une attitude positive à son égard.

Le déni des droits à une procédure régulière et à un procès équitable reste un problème systémique en Crimée. Le HCDH a pu confirmer 16 cas où des tribunaux ont condamné des citoyens ukrainiens à l’issue de procédures qui n’ont pas respecté les garanties d’un procès équitable.

Monsieur le Vice-Président,

L’établissement des responsabilités face aux violations commises au cours de cette guerre continue d’être inexistant. Je n’ai connaissance d’aucune enquête en cours de la part de la Fédération de Russie concernant des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture ou des mauvais traitements perpétrés par ses forces en Ukraine contre des civils.

Je suis profondément préoccupé par le fait que le Parlement de la Fédération de Russie a récemment adopté une loi fédérale qui pourrait exonérer de toute responsabilité pénale les auteurs d’infractions pénales internationales commises dans les régions occupées de l’Ukraine. Le droit international interdit l’octroi d’une telle amnistie en cas de violations graves du droit international humanitaire ou de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme.

En Ukraine, bien que de nombreuses procédures aient été engagées, je n’ai connaissance d’aucune enquête pénale achevée concernant des membres du personnel ukrainien pour détention arbitraire, disparition forcée ou torture visant des civils. Je me félicite que l’Ukraine ait créé un mécanisme d’indemnisation des victimes de détentions arbitraires et de disparitions forcées liées au conflit.

Les problèmes décrits dans nos rapports sont profondément préjudiciables aux droits humains du peuple ukrainien et doivent être traités de toute urgence. Je compatis également avec toutes les personnes touchées par la destruction le mois dernier du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, dans la région occupée de Kherson, dont les droits seront affectés pendant longtemps par cet acte de guerre cruel. Les dommages causés à l’environnement en général sont l’une des horribles conséquences de cette guerre qui aura de graves répercussions pour les générations à venir. Je continue d’être profondément troublé par les implications potentiellement énormes de la situation précaire à Zaporijia et dans d’autres centrales nucléaires en ce qui concerne les droits de l’homme.

Ces questions et d’autres problèmes liés aux droits de l’homme ont des répercussions très importantes dans la région et dans le monde entier, étant donné le rôle essentiel de l’Ukraine dans l’approvisionnement alimentaire mondial et dans d’autres secteurs commerciaux clés.

Il n’y a qu’une seule solution à cette immense tragédie : que toutes les personnes capables d’influencer la situation œuvrent pour une paix juste, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.

Merci.

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