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Burundi - Couteau ou barre de fer : comment préférez-vous être tués ?

04 septembre 2017

Ils sont jeunes, parfois mineurs. Certains ont participé aux manifestations contre un nouveau mandat du Président Nkurunziza, au printemps 2015, ou étaient membres d’un parti d’opposition. De nombreux autres assurent n’avoir ni manifesté, ni mené d’activité politique. Tous ont pourtant vu leur vie basculer dans l’horreur.

Alphonse* a 22 ans quand il est interpellé dans son quartier, avec d’autres. « Des militaires nous ont ligoté les bras au niveau des coudes. Ils nous ont donné des coups de pied, frappé avec des fils électriques, des barres de fer et des crosses de fusil. Des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, leur prêtaient main forte. » Arrêtés chez eux ou dans la rue, ces victimes de torture font partie des quelque 500 personnes qui ont accepté de témoigner auprès de la Commission d’enquête sur le Burundi, établie par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en septembre 2016.

Ils racontent les mauvais traitements, les insultes, les violences sexuelles, les exécutions sommaires. Ils montrent les cicatrices, les traces de brûlure, les fractures ou les infirmités qui en résultent. Les témoignages disent l’extrême cruauté et la brutalité de leurs bourreaux : le plus souvent, des membres du Service national de renseignement (SNR) burundais, des policiers, des militaires et des Imbonerakure.

Jean, Marie Claudette et les autres

Ces jeunes ont souvent cru leur dernière heure arrivée. « Un agent de police m’a mis son fusil dans la bouche et l’a chargé », se souvient l’un d’entre eux. « Ils nous ont fait nous allonger sur le sol, nous ont ligotés et nous ont demandé de choisir la manière dont nous voulions être tués : au couteau ou à la barre de fer », raconte un autre.

Certaines personnes ont disparu sans laisser de traces. Jean Bigirimana, journaliste du média indépendant Iwacu, n’a plus donné signe de vie depuis le 22 juillet 2016. Marie Claudette Kwizera, trésorière de la ligue burundaise des droits de l’homme Iteka, a été emmenée dans une voiture du SNR le 10 décembre 2015 : personne ne l’a revue. Et tant d’autres dont les familles attendent désespérément le retour.

Il y a aussi celles et ceux qui ne reviendront pas, qui ne témoigneront plus. « Ils nous ont alignés les uns à côté des autres. Ils ont commencé à tirer. Un premier homme a reçu une balle dans la tête. Son cerveau a éclaté sur la personne à côté de lui », poursuit Alphonse, qui a vu deux de ses amis mourir ainsi.

Un espoir : que justice soit rendue

Même libérés ou réfugiés à l’étranger, nombreux sont ceux qui vivent dans la terreur. « Avant j’étais très dynamique et sociable.

Maintenant, je suis renfermé et ne sors presque plus de chez moi. J’ai des douleurs qui ne passent pas, malgré les médicaments », détaille Alphonse. En dépit de la peur, des menaces, contre eux ou leurs proches, des séquelles physiques et psychologiques, lui et des centaines d’autres ont choisi de parler.

Dans un pays miné par l’impunité, où les défenseurs des droits humains et les médias sont bâillonnés ou contraints à l’exil, témoigner devant la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi, c’est garder l’espoir que justice soit rendue un jour, que les auteurs de ces crimes soient présentés devant un tribunal. « Même si cela doit prendre des années, je raconterai ce qu’ils m’ont fait subir », assure le jeune homme.

4 septembre 2017

* Le prénom a été modifié