Journée des droits de l'homme
Les droits humains appartiennent à chacun d'entre nous. Rejoignez-nous et défendez les droits de tous, partout dans le monde. Nos droits, notre avenir, maintenant.
Les droits humains appartiennent à chacun d'entre nous. Rejoignez-nous et défendez les droits de tous, partout dans le monde. Nos droits, notre avenir, maintenant.
26 avril 2022
« J’ai du mal à me souvenir de la date précise à laquelle j’ai eu ma commotion cérébrale. Pendant les bombardements, on est pris dans cet engrenage sans fin, et on perd la notion du temps. » Cet homme venait de fuir Kharkiv, à l’est de l’Ukraine.
Nataliia* est assise par terre, dans le complexe sportif d’Oujhorod, dans l’ouest de l’Ukraine, et écoute l’histoire de cet homme, ainsi que de nombreuses autres personnes déplacées à l’intérieur du pays. Cette spécialiste des droits de l’homme travaille pour la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine.
Elle est désormais chargée entre autres de recueillir des informations de première main sur les allégations d’atteintes aux droits de l’homme et de violations du droit humanitaire dues à l’attaque armée de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Elle parle avec des gens sur le terrain, écoute leur témoignage et établit ce qui leur est arrivé, ainsi qu’à leurs proches. Dans ce complexe sportif, elle tente de recueillir des informations qui pourront l’aider à vérifier les signalements d’incidents ayant fait des victimes civiles dans tout le pays.
« Certaines des personnes avec qui j’ai parlé ont perdu leur famille et leurs amis », explique-t-elle. « Certains d’entre eux ont pour ainsi dire tout perdu et n’ont nulle part où aller.
Même si c’est parfois difficile, je sais que notre travail est nécessaire, nous établissons la vérité sur ce qui s’est passé, pour que les gens puissent obtenir justice à l’avenir..
- Nataliia*, spécialiste des droits de l'homme, Ukraine
Le recueil des témoignages des victimes et des témoins n’est qu’une partie du travail de surveillance mené par la mission. Néanmoins, c’est un élément essentiel, car il permet à la mission de fournir une source fiable d’informations attestées concernant les violations des droits de l’homme, dont celles visant les civils, recensées en Ukraine depuis 2014.
À cette fin, les spécialistes des droits de l’homme consultent tout un éventail de sources.
Lorsque cela est possible, ils se rendent, sur les lieux où les incidents ont eu lieu et interrogent les victimes et les témoins. Lorsqu’il n’est pas envisageable de se rendre sur place, la mission s’appuie sur un large réseau de contacts de confiance et de partenaires établis durant ses huit années de collaboration en Ukraine. En outre, les spécialistes des droits de l’homme se déplacent dans plusieurs lieux pour visiter des centres pour personnes déplacées, comme c’est le cas de Nataliia à Oujhorod.
Des données sont également recueillies à partir de sources en accès libre. Le personnel de surveillance commence la journée en vérifiant les informations accessibles au public, notamment les rapports fournis par les autorités locales, la police et les services d’urgence. Il consulte également les photos, messages et vidéos publiés dans les médias sociaux et les médias. Selon Olga*, spécialiste des droits de l’homme, toutes ces données sont corroborées avec soin.
« Je m’intéresse à différents types de données portant sur chaque incident ayant fait des victimes civiles pour clarifier ce qu’il s’est passé, quand et avec qui », déclare-t-elle, expliquant comment fonctionne le processus de suivi et de recueil des données.
« Pour vous donner un exemple : le matin, je trouve des informations faisant état de victimes civiles dans un lieu A. Je vérifie alors toutes les informations disponibles sur cet incident, notamment des vidéos, des photos, des données officielles, des interviews, etc. Je vérifie aussi des données plus générales, comme ce qui s’est passé à cet endroit, ou encore quel type d’arme a été utilisé », indique Olga.
« Ensuite, si nécessaire, je peux demander à nos équipes sur le terrain de vérifier ces informations sur place grâce aux ressources à leurs dispositions, par exemple en se rendant sur les lieux ou en parlant aux victimes et aux témoins », ajoute-t-elle.
Ce n’est que lorsque toutes ces vérifications ont eu lieu, montrant que des incidents ayant entraîné des victimes civiles se sont déroulés, qu’Olga et les autres spécialistes des droits de l’homme considèrent ces incidents comme vérifiés.
Depuis le début de l’attaque armée sur l’Ukraine, la mission a publié chaque jour des informations concernant les victimes civiles. En date du 26 avril, 2,665 personnes ont été tuées et 3,053 blessées.
Pour les spécialistes des droits de l’homme, ce sont plus que de simples chiffres.
« Il faut bien comprendre que nous ne travaillons pas avec des chiffres, nous travaillons avec des incidents individuels. Nous essayons d’obtenir des informations sur un incident au cours duquel un homme ou une femme, un garçon ou une fille a été tué(e) ou blessé(e) dans un lieu spécifique, dans une situation spécifique et avec une arme spécifique », a déclaré Uladzimir Shcherbau, responsable d’une unité de la mission. « Nous continuons de recueillir des informations sur les affaires qui ont été signalées les jours précédents. C’est comme une mosaïque : on reçoit des informations supplémentaires et au final on obtient une image complète de ce qui est arrivé aux civils. »
Le nombre de victimes civiles fourni par la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine est devenu l’une des principales références statistiques des gouvernements, des médias, des organismes internationaux et d’autres entités suivant la guerre en Ukraine. Les informations vérifiées que fournit la mission peuvent aider à faire pression afin d’empêcher de nouvelles violations. Selon Matilda Bogner, cheffe de la mission, elles peuvent également être utilisées par différents mécanismes judiciaires pour garantir que les victimes de violations des droits de l’homme puissent obtenir justice, ainsi que pour obliger les auteurs de ces actes à rendre des comptes.
« Notre travail de surveillance n’est pas facile, car il nécessite beaucoup de patience et de vérifications », fait-elle remarquer. « Nous devons veiller à soutenir les victimes et à respecter le principe de “ne pas nuire”. À l’issue de ce travail, nous sommes capables de communiquer ce qui s’est passé, où les violations se sont produites et quelles mesures adopter pour remédier à la situation et prévenir d’autres violations. La documentation que nous produisons nous aide à plaider en faveur de changements, de la justice pour les victimes et de l’établissement des responsabilités des auteurs de ces violations. »
* L’identité de certains membres du personnel de surveillance des droits de l’homme en Ukraine n’est pas entièrement divulguée pour des raisons de sécurité.