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Le financement du développement doit permettre de promouvoir tous les droits humains de l’ensemble de la population

22 novembre 2024

Deux mains tiennent un nombre différent de pièces.
© GettyImages/Andrey Popov

« Nous vivons dans un monde marqué par les inégalités et croulant sous la dette publique mondiale », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. « Aujourd’hui, les économies les plus pauvres du monde sont confrontées aux pires conditions depuis deux décennies : elles se retrouvent face à une dette croissante et sont de plus en plus vulnérables aux chocs, alors que l’aide internationale diminue. »

C’est lors du Forum social du Conseil des droits de l’homme 2024 que Volker Türk a fait ce constat. Le Forum social est un événement annuel qui fournit un espace unique favorisant un dialogue ouvert et interactif entre la société civile, les États Membres, les organisations intergouvernementales et d’autres partenaires. Il portait cette année sur la contribution du financement du développement à la promotion de tous les droits humains pour l’ensemble de la population.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), les pays en développement ne disposent souvent pas de ressources suffisantes pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés et ont des contraintes financières majeures, notamment de faibles recettes fiscales, une dette élevée, une inflation et des taux d’intérêt croissants, des conditions commerciales défavorables et des possibilités d’investissement limitées. En raison de ces facteurs, ces pays peinent à réaliser des progrès économiques et à parvenir à un développement durable.

« Depuis 2020, environ 5 milliards de personnes se sont appauvries. Plus de 40 % de la population mondiale vit dans des pays qui dépensent davantage pour le remboursement de la dette que pour l’éducation ou la santé », a fait remarquer M. Türk. « Il est urgent de s’attaquer au coût élevé de la dette, en mettant en place un processus plus efficace de restructuration de la dette souveraine insoutenable. »

Il est néanmoins possible de créer un plan d’action clair, mais celui-ci doit être guidé par des principes clés. Une réforme du système financier international est notamment nécessaire afin de remédier aux injustices structurelles et systémiques de longue date et de renforcer la coopération internationale en matière de développement.

« Nous devons modifier l’architecture de la dette. Nous devons instaurer des règles favorisant des prêts et des emprunts responsables. Nous devons mettre en place un cadre garantissant une gestion responsable de la dette, ainsi que des mécanismes permettant de résoudre les crises liées à la dette », a déclaré Iolanda Fresnillo, responsable de la politique et des activités de sensibilisation relatives à la justice en matière de dette du Réseau européen sur la dette et le développement, lors de sa présentation sur les changements climatiques et l’analyse de la viabilité de la dette.

Iolanda Fresnillo a ajouté qu’un nouveau cadre était nécessaire et qu’il devait englober un consensus mondial concernant les règles des protocoles et les principes tout au long des différentes étapes de la dette.

Selon M. Türk, nous devons nous attaquer à la fraude fiscale à l’échelle mondiale, repenser l’architecture fiscale mondiale pour la rendre plus équitable et plus inclusive, et réformer les règles fiscales mondiales pour accroître les ressources des gouvernements.

« Cela signifie qu’il faut mettre en œuvre des politiques fiscales progressives et veiller à ce que les droits humains occupent une place centrale dans l’élaboration de la Convention des Nations Unies sur la coopération fiscale.

Pour l’économiste Jayati Ghosh, les dix dernières années ont été cruciales pour la fiscalité internationale.

« Nous avons coexisté avec un régime fiscal international en place depuis plus de 100 ans. Il est complètement dépassé et inadapté au monde numérique et globalisé d’aujourd’hui. Enfin, les pays ont décidé d’agir par le biais de la coopération internationale pour s’attaquer à l’un des aspects les plus toxiques de la mondialisation, à savoir l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales et les individus les plus riches et les plus puissants », a déclaré Mme Ghosh, professeure d’économie de l’Université du Massachusetts Amherst, et membre du Conseil consultatif de haut niveau pour les affaires économiques et sociales et de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés.

Elle estime en outre que le système fiscal international favorise et perpétue les inégalités entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci, principalement en permettant l’existence de paradis fiscaux.

« Cela permet aux plus riches de nos sociétés de dissimuler leur richesse en utilisant des services financiers très opaques, et les paradis fiscaux sont le lieu de prédilection pour enregistrer les bénéfices des multinationales les plus grandes et les plus puissantes du monde », a déclaré Mme Ghosh.

Selon Jayati Ghosh, l’ONU est un cadre approprié pour mettre en place un accord fiscal international complet, car l’adhésion universelle et un programme élaboré collectivement confèrent une plus grande légitimité au processus, une meilleure compréhension de la part de toutes les parties concernées et davantage de chances d’être respecté.

« [À l’ONU,] les pays en développement sont mieux organisés et ont plus de poids. Cela est important non seulement pour lutter contre les émissions, mais aussi pour taxer l’extrême richesse ou ce que l’on appelle les "grandes fortunes", qui parviennent aujourd’hui à payer très peu, voire pas du tout d’impôts. Dans de nombreux pays, les milliardaires paient actuellement beaucoup moins d’impôts que les citoyens ordinaires, proportionnellement à leurs revenus », a-t-elle ajouté.

Volker Türk estime qu’il est nécessaire de mettre en place des économies inclusives axées sur les droits humains, qui donnent la priorité aux populations et à la planète plutôt qu’au profit à tout prix, et seulement pour quelques personnes. Des économies qui favorisent une répartition juste et équitable des ressources.

Notre monde ne peut pas reposer sur un modèle qui offre un accès à la santé, des richesses, un emploi ou encore des droits à quelques personnes.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Le Forum social peut créer un élan propice à la revitalisation du programme de financement du développement, ancré dans les droits humains, en vue de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, prévue pour juin-juillet 2025 à Séville, en Espagne.