Un concours d’art international célèbre les défenseurs et défenseuses des droits humains issus de minorités
27 novembre 2024

Les premiers prix de l’édition 2024 du concours international pour les artistes issus de minorités ont été décernés durant une cérémonie spéciale à Genève (Suisse) à cinq lauréats : Bianca Broxton, Joel Pérez Hernández, Francis Estrada, Laowu Kuang et Jayatu Chakma (catégorie « jeune artiste »).
Des mentions honorables ont également été décernées à André Fernandes, Maganda Shakul et Chuu Wai.
À cette occasion, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est associé à plusieurs organisations de la société civile, aux organismes Freemuse et Minority Rights Group International, à la ville de Genève et au Centre des arts de l’École internationale de Genève, et a reçu le soutien de la Loterie romande. Le thème, intitulé « La mémoire dans le présent », célèbre la créativité et l’expression culturelle des artistes issus de minorités dont les œuvres d’art explorent des thèmes liés aux souvenirs et au travail de mémoire à travers le monde.
« Naturellement, ces identités collectives seront largement fondées sur une mémoire collective des événements, générant ou perpétuant des valeurs ou des traditions qui façonnent la manière dont les personnes appartenant à une minorité se sentent liées par des expériences communes », a déclaré Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités. « Ces souvenirs définissent souvent comment et pourquoi ces expériences passées partagées par les personnes appartenant à une minorité donnée (ou par les générations précédentes) les rendent singulières, différentes d’autres groupes. »

Les lauréats et les artistes ayant reçu une mention honorable lors de la cérémonie de remise des prix à Genève, en Suisse (de gauche à droite) : Francis Estrada, Maganda Shakul, Jayatu Chakma, André Fernandes, Bianca Broxton, Joel Pérez Hernández, Chuu Wai, Laowu Kuang. © HCDH/Irina Popa
Le concours sert de plateforme aux artistes issus de minorités qui défendent les droits humains et qui jouent un rôle déterminant dans le monde entier en promouvant la compréhension, le dialogue et l’empathie par des moyens créatifs et artistiques. Il célèbre les artistes issus de minorités qui ont contribué de manière significative au travail de sensibilisation, à la mobilisation et à une meilleure compréhension des droits humains au sein de diverses communautés.

Les lauréats et les artistes ayant reçu une mention honorable acceptent leur prix lors de la cérémonie à Genève, en Suisse. © HCDH/Irina Popa
« Les artistes issus de minorités jouent vraiment un rôle important dans la représentation, l’expression et la transmission d’éléments (ou parfois de l’essence) de l’identité d’un groupe minoritaire. Ce faisant, ils interagissent inévitablement avec la mémoire : ils en jouent, la remettent en question, voire la déforment ou la recadrent », a déclaré M. Levrat.
Les lauréats

Bianca Broxton durant l’une de ses performances, intitulée « A Conversation », à Boston (Massachusetts), aux États-Unis. Elle a invité les spectateurs à instaurer le dialogue sur leurs liens personnels avec les cheveux, le racisme et la beauté, tandis qu’elle crochetait des dreadlocks pour compléter l’œuvre. © Bianca Broxton
Bianca Broxton est une artiste interdisciplinaire américaine qui s’efforce de sensibiliser le public aux inégalités en matière de santé parmi les femmes issues de minorités aux États-Unis. Elle articule des récits historiques et des souvenirs autour de voix marginalisées en utilisant des sculptures et des collages pour représenter les minorités avec dignité et en mettant l’accent sur la justice réparatrice.
« Mon expérience en tant que femme noire me pousse à raconter l’histoire de personnes qui ont été confrontées à une oppression systémique et à les dépeindre de manière positive. Je refuse que mes sujets soient considérés uniquement comme des victimes d’une injustice systémique », a-t-elle déclaré.

Laowu Kuang, artiste visuel, accepte son prix lors de la cérémonie à Genève, en Suisse. © HCDH/Irina Popa
Laowu Kuang est un artiste en arts visuels appartenant à la minorité tibétaine en Chine. Grâce à un vif jeu de couleurs et de textures sur de grandes toiles, ses œuvres explorent les thèmes des souvenirs et du travail de mémoire dans la Chine contemporaine, à travers des symboles et des motifs tibétains traditionnels.
« Contrairement à la peinture occidentale, avec sa palette de couleurs excessive, et à la peinture chinoise Han, avec son concept discret et élégant d’application des couleurs, la peinture tibétaine présente un contraste de couleurs fort et intense », a-t-il expliqué. « Les sculptures en pierre de l’art populaire tibétain sont une combinaison parfaite de la religion et de la nature, qui constitue un moyen de communiquer et de dialoguer entre les êtres humains et les dieux, entre le ciel et la terre. »
Joel Pérez Hernández est un artiste visuel et plasticien du peuple maya Tseltal, né dans la jungle de Lacandón dans l’État de Chiapas, au Mexique. Il a consacré de nombreuses années à l’étude des techniques et des motifs traditionnels avec des artisans et des créateurs expérimentés de sa communauté.
« Beaucoup de connaissances sommeillent dans nos montagnes, de voix sont piégées dans les rivières, de couleurs dorment sous les pierres, ainsi que dans notre mémoire collective », a-t-il expliqué. « Mon peuple me nourrit et me motive à réveiller tout cela ; c’est ce que j’inclus dans mes œuvres. Je n’éprouve pas le besoin de signer mes œuvres, car mes proches, ma famille, mes amis en sont l’essence. »
Né aux Philippines, Francis Estrada est un artiste visuel et un pédagogue résidant actuellement aux États-Unis. Ses œuvres portent sur la culture, l’histoire et la perception, et remettent en question l’influence des photographies historiques, des médias de masse, de la propagande politique et des archives personnelles sur les récits sociaux et la mémoire collective.
« Mon art est un outil qui me permet de confronter la façon dont notre compréhension de la culture est médiatisée et les méthodes par lesquelles l’histoire et la mémoire sont créées et perpétuées », a-t-il indiqué. « Je considère mes œuvres comme des récits partiels que les spectateurs complètent en fonction de leurs propres expériences et liens. »
Le lauréat de la catégorie « jeune artiste » Jayatu Chakma appartient à la communauté autochtone chakma de la région des Chittagong Hill Tracts au Bangladesh. Ses œuvres sont réalisées à l’encre, à l’acrylique, à l’aquarelle et à l’aide d’éléments naturels tels que la boue et les couleurs des feuilles, et sont une réflexion sur la vie de sa communauté en lien avec les déplacements forcés et la perte de ses terres.
« Les Chittagong Hill Tracts sont une partie du Bangladesh qui représente une culture variée en termes de population et de paysage », a-t-il expliqué. « Cependant, des histoires se cachent derrière les vallées décorées des Chittagong Hill Tracts : mes œuvres d’art sont influencées par les histoires des personnes déplacées, qui ont perdu leurs biens et leurs proches. Je veux créer des œuvres d’art qui montrent un autre aspect des Chittagong Hill Tracts, en plus de leur beauté naturelle et de la diversité culturelle que l’on voit à la télévision. »
Mentions honorables

Chuu Wai est née et a grandi au Myanmar et appartient à la minorité ethnique shan. Elle vit aujourd’hui en exil en France. « Mes œuvres explorent l’essence du tissu au Myanmar, en tissant ensemble l’histoire, la culture, l’ethnicité et la religion pour raconter l’histoire de cette lutte et montrer comment le tissu est le fil conducteur. » © Chuu Wai

André Fernandes est un photographe noir né à Salvador, au Brésil. Il retrace la culture noire et les pratiques religieuses, en particulier les rituels des communautés candomblé dans sa ville natale, réputée pour sa forte population noire. © André Fernandes

Maganda Shakul est un artiste originaire d’une région rurale de l’Ouganda, dont l’œuvre artistique mélange productions musicales, percussions et créations de mode. Les œuvres de Shakul s’inspirent de son héritage culturel diversifié, qui englobe la lignée de sa mère, issue de la tribu baganda, et celle de son père, d’ascendance mixte, issu des tribus bahima et luo. © Maganda Shakul