Les droits des migrants sont des droits humains fondamentaux
18 décembre 2024

José et Mariana*, frère et sœur originaires du Guatemala, séjournent depuis plusieurs semaines à la Casa del Migrante de Saltillo, au Mexique. Leur périple vers les États-Unis d’Amérique a commencé avec le rêve d’une vie meilleure, mais près de la frontière américaine, leur espoir s’est transformé en cauchemar. Ils ont été enlevés par un groupe criminel organisé et ont frôlé la mort. Désespérés, ils ont contacté leur famille restée au Guatemala, qui a dû tout vendre pour payer la rançon de 7 000 dollars. Libérés mais abandonnés, José et Mariana ont fini par se rendre au centre d’accueil, où ils ont trouvé un répit temporaire.
Aujourd’hui, leur seul souhait est de rentrer chez eux. Cependant, comme de nombreux migrants, ils n’ont pas les moyens de faire le voyage de retour. Des histoires comme la leur sont monnaie courante. Des milliers de migrants fuyant la violence, la pauvreté et les persécutions risquent tout pour traverser le Mexique, affrontant des dangers qui leur coûtent parfois la vie.
À la Casa del Migrante, les murs aux couleurs vives sont plus qu’un sanctuaire ; ils sont le symbole de la dignité et des droits humains. Depuis plus de 20 ans, le centre est une bouée de sauvetage pour les migrants : il leur apporte une aide cruciale sur une route migratoire très périlleuse.
Située à Saltillo, la capitale de l’État du Coahuila, au nord-est du Mexique, la Casa del Migrante se trouve à un endroit stratégique le long de la route migratoire. Saltillo, souvent surnommée « le Détroit du Mexique » en raison de son importance industrielle, est traversée par le célèbre train connu sous le nom de La Bestia (La Bête) ou Tren de la Muerte (Train de la Mort).
Le directeur du centre, Alberto Xicoténcatl, a consacré sa vie à la défense des droits des migrants, malgré les risques.
« L’injustice trouve son origine dans des structures qui exploitent la vulnérabilité. Cependant, ces structures ne sont pas fixes. Nous pouvons les changer », a déclaré Alberto Xicoténcatl. « Ceux d’entre nous qui défendent les droits humains ne parlent pas de personnes en situation irrégulière. Ce n’est pas à nous d’étiqueter ou de classer une personne comme étant bonne ou mauvaise, en situation régulière ou irrégulière. »
La Casa del Migrante s’efforce de protéger et de défendre les droits des migrants durant leur périple vers les États-Unis, car ils sont souvent confrontés à de graves dangers : disparitions, meurtres, enlèvements, exécutions, trafics et autres graves injustices et violations.
La vie à la Casa del Migrante à Saltillo

Un espace commun à la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique © HCDH/Vincent Tremeau

Un groupe de migrants dans un espace commun à la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique © HCDH/Vincent Tremeau

Vivre à la Casa del Migrante redonne de l’espoir aux personnes qui traversent le Mexique à la recherche d’une vie meilleure. © HCDH/Vincent Tremeau

Un jeune migrant s’occupe d’un nourrisson, qui est en route vers les États-Unis avec ses parents, à la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique. © HCDH/Vincent Tremeau

Des migrants passent du temps ensemble sur un terrain de basketball à la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique © HCDH/Vincent Tremeau

Des chiens accompagnent également les migrants à la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique. La photo montre aussi une peinture murale réalisée par des migrants, illustrant leur expérience face à l’armée durant leur traversée du Mexique. © HCDH/Vincent Tremeau

La façade de la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique © HCDH/Vincent Tremeau
Défendre les droits des migrants
« Cette capacité que nous avons en tant qu’êtres humains de construire et de reconstruire la réalité m’a poussé à accepter que l’un des principaux outils pour reconstruire la réalité était les droits humains », a déclaré Alberto Xicoténcatl.
M. Xicoténcatl a longtemps voulu lutter contre l’injustice et faire quelque chose pour les personnes les plus vulnérables. Il s’est rendu compte qu’en s’appuyant sur les droits humains, il pouvait améliorer le fonctionnement du centre.
« [Au début] les centres pour migrants étaient considérés comme des espaces d’assistance et non comme des espaces de défense des droits humains. C’est le principe des droits humains qui m’a fait prendre conscience que j’étais un défenseur des droits humains », a-t-il expliqué. « Nous défendions les droits des migrants et des réfugiés. Que nous soyons avocats ou que nous travaillions en cuisine, cela n’avait pas d’importance. Tous ensemble, nous les défendions. »
Ce combat n’a pas été sans conséquences. La Casa del Migrante a reçu des menaces et fait face à des dangers, au point que le Mécanisme de protection des défenseurs des droits humains et des journalistes au Mexique lui a fourni un dispositif de protection.
« Quand les attaques contre la Casa del Migrante à Saltillo ont commencé, je me suis rendu compte que le travail que nous faisions portait atteinte à des intérêts économiques, notamment à des institutions et à des personnes qui commettaient des crimes contre les migrants », a expliqué M. Xicoténcatl.
Mais pourquoi endommager un centre dédié aux droits humains et à l’action humanitaire en faveur des migrants ? Pour lui la raison est simple : l’argent. Les migrants sont pour les organisations criminelles une source de revenus. Ils prennent aux migrants tout ce qu’ils ont en leur promettant de les emmener aux États-Unis. Ces groupes n’ont que peu ou pas de moyens de garantir la sécurité des personnes au Mexique.
« Nous avons eu des cas où des migrants ont été forcés de travailler pour des groupes criminels, de cuisiner ou de laver des vêtements pour des sicarios. Cela est dû au fait que les migrants se trouvent dans un état de vulnérabilité totale », a-t-il affirmé.
Lorsque les centres d’accueil pour migrants commencent à garantir leur protection, cela nuit alors aux intérêts des organisations criminelles, a-t-il ajouté.

Alberto Xicoténcatl, défenseur mexicain des droits humains et directeur de la Casa del Migrante à Saltillo, au Mexique. © HCDH/Vincent Tremeau
« Les groupes criminels sont démasqués et peuvent être poursuivis, la collusion avec les institutions de l’État entrave l’exercice de la justice, perpétuant ainsi l’impunité », a expliqué M. Xicoténcatl.
Protéger les droits des migrants
Le HCDH estime que la migration est un problème mondial : selon les estimations, 281 millions de personnes, soit 3,6 % de la population mondiale, vivent en dehors de leur pays d’origine. Nombre de ces déplacements sont le fruit du désespoir, souvent en raison des effets des changements climatiques, les gens fuyant les menaces qui pèsent sur leur sécurité, leurs moyens de subsistance et leur dignité.
Au Mexique, le HCDH joue un rôle central dans la promotion et la protection des droits des migrants.
« Nous enregistrons les tendances et les caractéristiques des flux migratoires mixtes qui se produisent dans le pays, y compris ceux qui partent du pays, le traversent, restent ou reviennent », a expliqué Jesús Peña Palacios, Représentant adjoint du bureau du HCDH au Mexique.
Le HCDH surveille également l’impact des politiques nationales, en particulier les effets des politiques de migration et d’asile aux États-Unis. Selon lui, cela a permis au bureau du HCDH au Mexique d’identifier les risques, les lacunes et les possibilités de collaborer stratégiquement avec les autorités, les organisations de la société civile, les centres d’accueil, l’Église catholique, les universités et les titulaires de droits. Ensemble, ils s’efforcent de trouver des réponses fondées sur les droits humains et des stratégies de protection globales.
Comme l’explique M. Peña Palacios, les migrants au Mexique font face à d’importants obstacles, notamment des atteintes à leur intégrité physique et à leur sécurité ; un accès limité aux droits fondamentaux tels que l’eau, les soins de santé et le logement ; la détention arbitraire et l’expulsion ; la discrimination et la xénophobie ; le manque d’accès à la justice ; et des difficultés liées au statut de migrant en situation irrégulière.
« Les liens, la communauté et la solidarité sont des catalyseurs éprouvés de dialogue, de collaboration et de solutions. Nous devons rejeter la déshumanisation de "l’autre" », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk dans sa déclaration de principes de 2024 intitulée Droits humains : la voie à suivre.
Comme l’explique le Haut-Commissaire, le dénigrement des migrants, des réfugiés, des opposants politiques et des victimes de conflits, une liste qui s’allonge chaque jour, met en danger les individus ainsi que nos sociétés.
À la Casa del Migrante, l’espoir fleurit. Non seulement des migrants comme José et Mariana y ont trouvé refuge, mais ils sont également retrouvé leur dignité. Les murs colorés, les espaces communautaires animés et le soutien sans faille de défenseurs comme Alberto Xicoténcatl contribuent à rappeler que les droits des migrants sont bel et bien des droits humains.

Vue aérienne d’un train de marchandises à Saltillo, Coahuila, Mexique. © HCDH/Vincent Tremeau
*Les prénoms ont été changés
Journée internationale des migrants