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Défendre les terres ancestrales : la lutte des Garifunas au Honduras

03 février 2025

© HCDH/Vincent Tremeau

« Nous nous battons, car nous voulons que la prochaine génération puisse bénéficier des opportunités dont nous avons manqué », a déclaré Mabel Robledo, une dirigeante garifuna qui a reçu des menaces de mort pour son action militante au Honduras.

Les Garifunas, une communauté afroautochtone qui compte entre 50 000 et 100 000 personnes à travers le pays, vivent le long de la côte caraïbe et dépendent de la pêche artisanale et de l’agriculture de subsistance. Ils sont profondément liés à leurs terres, qui sont au cœur de leur mode de vie. Il existe également des communautés garifunas plus petites au Belize, au Guatemala et au Nicaragua.

« Les Garifunas du Honduras sont confrontés à des obstacles historiques et structurels qui se traduisent par des inégalités, des discriminations, des exclusions et des violations de leurs droits », a déclaré Isabel Albaladejo Escribano, cheffe du bureau du HCDH au Honduras. Depuis des décennies, les Garifunas se battent pour l’attribution de titres de propriété sur leurs territoires ancestraux et la protection de leurs ressources naturelles contre l’empiètement, en particulier par de grands projets tels que les plantations de palmiers, le tourisme et l’hydroélectricité.

En 1978, ils ont créé l'organisation OFRANEH (Honduran Black Fraternal Organisation) et ont attaqué le Gouvernement hondurien en justice pour violation des droits humains. Malgré trois arrêts favorables de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’accaparement des terres par les entreprises, la faiblesse institutionnelle et le laxisme dans l’application de la législation ont empêché les Garifunas de jouir d’une possession et d’une protection effectives de leur territoire.

Nous suivons un appel ancestral. Malgré les menaces et l’opposition, nous nous battons pour nos terres et nos ressources.

Mabel Robledo, dirigeante garifuna

Pour contribuer à l’application des décisions de la Cour, le Gouvernement hondurien a pris une mesure importante en février 2024 en créant une commission spéciale de haut niveau, connue sous le nom de CIANCSI (Commission intersectorielle de haut niveau sur le respect des jugements internationaux). Créée avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), la Commission contribuera à garantir la restitution des terres ancestrales aux communautés de Triunfo de la Cruz, Punta Piedra et San Juan.

« La Commission a pour but de surmonter les obstacles qui ont empêché l’exécution des arrêts et de veiller à ce que l’État remplisse ses obligations telles qu’elles sont définies dans ces arrêts », a déclaré Isabel Albaladejo Escribano.

Selon le HCDH, les conflits liés à la terre déstabilisent le pays et contribuent directement à la violence, au déplacement et à la migration.

« Sur les 308 défenseurs des droits humains attaqués au Honduras en 2023, près d’un tiers était autochtone ou afro-hondurien », a-t-elle expliqué. L’absence de garanties sur leurs territoires ancestraux accroît également leur vulnérabilité à l’insécurité alimentaire et affecte leurs moyens de subsistance.

Résistance et leadership à l’échelle locale

Mabel Robledo est discrète mais ferme, des qualités qu’elle met à profit pour diriger le Comité de défense des terres de Nueva Armenia, une organisation locale qui lutte pour récupérer les terres des Garifunas.

Son leadership a attiré l’attention, ainsi que des risques importants. Ancienne policière, Mabel Robledo a été licenciée à la suite d’un processus de restructuration, bien qu’elle ne sache pas pour quelle raison elle a été incluse dans ce processus. Cela ne l’a pourtant pas découragée.

« Lorsque nous prenons possession des terres qui nous appartiennent, nous sommes confrontés à un autre scénario, celui de la criminalisation et de la persécution. L’État même, qui devrait être le garant de ces droits, nous emprisonne tout en reconnaissant ces terres comme appartenant à des tiers qui n’ont aucune légitimité à les revendiquer. » 

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Mabel Robledo, une dirigeante garifuna du Honduras, explique comment leur territoire ancestral a été divisé et confisqué. © HCDH/Vincent Tremeau

Nueva Armenia est une communauté en état de siège. Ses rangées de palmiers soigneusement plantés sont bordées d’une longue côte et d’une forêt tropicale luxuriante de plus en plus prisées pour le tourisme naturel et culturel. La décision du Gouvernement de mettre en réserve une partie de la zone pour des raisons de conservation a également restreint les pratiques traditionnelles des Garifunas.

Les Garifunas ont une culture unique qui implique une relation particulière avec l’environnement, une langue distincte et des systèmes sociaux reposant sur la communauté, qui risquent tous de souffrir s’ils ne parviennent pas à récupérer leurs territoires.

Le rôle du HCDH

Le soutien à la création d’une commission gouvernementale de haut niveau n’est que le dernier effort en date de la communauté internationale pour aider les Garifunas à lutter pour leurs droits sur leur territoire ancestral.

En 2021, des experts de l’ONU ont dénoncé les arrestations de défenseurs des droits humains garifunas.

« Le Honduras doit cesser d’abuser du droit pénal pour persécuter les défenseurs des droits humains et stigmatiser la communauté garifuna », a déclaré Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a dénoncé à plusieurs reprises l’incapacité du Honduras à protéger les Garifunas.

« Le Honduras reste l’un des pays les plus dangereux au monde pour les personnes qui défendent la terre, le territoire et l’environnement. [...] Les niveaux élevés de corruption et d’impunité continuent d’épuiser les ressources disponibles pour le pays et d’éroder la confiance dans les institutions publiques », a déclaré M. Türk.

Le HCDH travaille avec le Gouvernement et la société civile pour renforcer les institutions honduriennes qui protègent les droits à la terre, au territoire et à l’environnement, et pour veiller à ce que les Garifunas soient consultés sur les grands projets qui se déroulent sur leurs territoires.

Mabel Robledo reconnaît qu’il s’agit d’un combat difficile, mais elle refuse de baisser les bras.

« En tant que peuple garifuna, nous avons grandement contribué au développement de ce pays, mais nous sommes traités comme des minorités, comme si nous n’étions pas des êtres humains. Cela fait très mal. »

« Nous ne sommes pas payés, nous nous faisons des ennemis, nous risquons notre vie, nous pouvons nous retrouver en prison. Alors, pourquoi le faire ? Car nous ressentons au plus profond de nous un appel ancestral. »

Aerial view of dirty road in a town full of trees.

Vue aérienne de la communauté garifuna de Nueva Armenia, au Honduras. © HCDH/Vincent Tremeau